Salafisme et Jihadisme

De la connivence à la rupture radicale

Dans cet article, nous nous proposons d’examiner les relations entre salafisme et jihadisme. Étroits il y a encore une vingtaine d’années, les liens entre ces deux tendances se sont distendus au point de s’opposer irrémédiablement aujourd’hui tant du point de vue politique que théologique.

Ce début d’année 2020 est marqué par la parution de deux ouvrages portant sur le jihadisme et qui font l’objet d’une couverture médiatique – et politique – peu communes [1]. Ces deux ouvrages ont pour socle commun l’idée selon laquelle le basculement dans la violence faite au nom de l’islam (jihadisme), aurait pour matrice le salafisme. Défini le plus souvent comme un mouvement littéraliste et ultra-orthodoxe de l’islam (Meijer, 2009 ; Cavatorta et Merone, 2017 ; Seniguer, 2016 ; El Bachiri, 2015) le salafisme motiverait l’engagement violent de centaines de jeunes français (Kepel, 2015 ; Hussein, 2018). Ainsi, le jihadisme tirerait ses racines idéologiques du salafisme, et n’en serait finalement que le prolongement.

Critiquée parce qu’elle aurait tendance à verser dans le culturalisme (Geisser, 2016), cette théorie a néanmoins la vertu épistémologique de prendre au sérieux les justifications théologiques des jihadistes quant à leur engagement violent (Crettiez et Sèze, 2017). Elle présente aussi l’avantage de modéliser la violence islamiste et les processus de radicalisation en identifiant les causes profondes de l’engagement jihadiste. Aussi, nos enquêtes de terrain tendent à confirmer en partie ce modèle explicatif. Les personnes interrogées ont en effet bel et bien justifié leur engagement violent au nom du corpus islamique. Même si la plupart ne sont pas des férues de théologie islamique, elles ont néanmoins la capacité à recourir à des préceptes religieux pour expliquer leur départ en Syrie ou dans d’autres zones de combat. Elles expliquent qu’il relève d’une obligation religieuse de réaliser la hijra, l’émigration en direction d’un pays musulman, en l’occurrence l’État islamique, pour y avoir la possibilité de vivre pleinement son islamité ou encore de combattre aux côtés de Daesh pour participer à l’avènement de la puissance de l’islam sur Terre. Cette approche prend également à rebours une recherche française majoritairement réticente à la « compréhension plus complexe d’une action inspirée et guidée par des référents religieux  » (Dassetto, 2000) en refusant à l’islam sa « capacité à informer des représentations du monde potentiellement motrices d’attitudes  » (Seniguer, 2019).

Pour autant, cette perspective, aussi séduisante soit-elle, a pour inconvénient majeur de proposer une explication trop mécanique des processus d’entrée dans la violence islamiste en l’imputant au seul salafisme. La thèse que nous voudrions ici défendre est la suivante : le salafisme ne peut pas être considéré comme l’antichambre du jihadisme. La scission entre les deux est aujourd’hui telle qu’il est difficile d’affirmer qu’ils entretiennent des « affinités électives ». Ainsi, les organisations salafistes ne peuvent constituer des « passerelles » vers la radicalisation violente. De plus, ses leaders ne constituent pas non plus des passeurs idéologiques ni des courroies de transmission vers le jihadisme (Zegnani, 2013).

Même si ces deux mouvements partagent un corpus de références communes, nous reprenons les analyses de Mohamed-Ali Adraoui, qui considère qu’il ne s’agit pas d’une différence de degré mais surtout de nature entre ces deux courants de l’islam (Adraoui, 2020 ; Khosrokhavar, 2018 ; Adraoui, 2013). Ainsi, les différends théologiques sont tels qu’il n’est plus possible de considérer qu’ils appartiennent à la même tendance de l’islam. Dès lors, chacun a développé un logos et un ethos qui structurent, de manière diamétralement opposée, leurs visions du monde et leur rapport au politique. Ces dissemblances conduisent à réinterroger l’existence d’une porosité entre salafisme et jihadisme. Si perméabilité il y a, elle est à rechercher non dans le salafisme tel qu’il est porté et vécu majoritairement en France ou en Belgique mais, plutôt, dans les « avatars » politisés du salafisme.

I. Différences doctrinales fondamentales qui structurent l’opposition entre salafistes et jihadistes

La majorité des recherches rend compte de l’idée selon laquelle jihadistes et salafistes ne s’opposent que sur les moyens et la stratégie à user et qu’au final, ils partagent un fond doctrinal commun. Néanmoins, en examinant de plus près leurs doctrines religieuses, les divergences quant aux fondements de la religion (al-usûl al-dîn) sont telles qu’il est difficile d’affirmer qu’il n’existe entre les deux que des différences secondaires. Force est de constater que leurs dissemblances l’emportent sur leurs similitudes.

A. Une théologie différentielle 

Premièrement, il est sans doute utile de rappeler l’importance accordée par ces deux courants au strict monothéisme de l’islam (tawhîd), considéré comme altéré par des pratiques religieuses rompant avec « l’islam originel » (superstitions, cultes des saints, pratiques maraboutiques, célébration de la naissance du Prophète, etc.) (Amghar, 2011). Même s’ils défendent cette même nécessité, les uns et les autres n’ont pas la même définition de ce principe, pourtant au cœur du dogme salafi. Chez les salafistes, le tawhîd s’articule autour de trois principes [2] : premièrement, le tawhîd al-rubûbiyya (unicité dans Sa seigneurie), c’est-à-dire l’unicité d’Allah comme étant à l’origine de la Création. Il est considéré comme le Maître et l’Administrateur de l’Univers. Deuxièmement, le tawhîd al-ulûhiyya (unicité dans Son adoration), qui consiste pour le musulman à consacrer l’ensemble de ses actes d’adoration à Allah et à Lui seul, dans la mesure où ils considèrent que la première mission de tous les prophètes a été d’appeler les gens à se conformer à cet aspect du monothéisme. Troisièmement, le tawhîd al-asmâ’i wa al-sifâti (unicité dans Ses noms et Ses attributs), qui se manifeste par l’acceptation du sens littéral des attributs et actes divins qui apparaissent dans le Coran et la Sunna authentique, sans tenter de se lancer dans une interprétation d’ordre allégorique, et sans les assimiler aux attributs physiques humains.

A ces trois formes de tawhîd, les jihadistes en ajoutent un quatrième : le tawhîd al-hakimiyya (unicité dans Sa Souveraineté). Celui-ci n’apparaît pas de façon autonome dans la pensée de Muhammad Ibn-Abd al-Wahhab, l’un des pères fondateurs du salafisme contemporain qui a consacré un ouvrage fondateur sur l’unicité de Dieu, Kitâb al-Tawhîd (Ibn-Abd al-Wahhab, 2019). Cette forme de tawhîd a été élaborée par le Frère musulman Sayyid Qutb (Guenand, 2010 ; Carré, 2004). Son idée est que la souveraineté et le pouvoir de légiférer n’appartiennent qu’à Allah. Il est donc impossible de prendre des décisions législatives en dehors du cadre légal définit par Dieu et le Coran. S’opposant à l’idée de souveraineté populaire qui remettrait en cause de facto l’unicité de Dieu dans son jugement, c’est donc l’unicité divine dans la décision politique qui est mis en avant. Autrement dit, un État ne peut se fonder sur des lois humaines. Déroger à ce principe exposerait l’individu à pratiquer l’idolâtrie. Un gouvernant se doit donc, pour respecter l’unicité divine dans la souveraineté, d’appliquer de façon pleine et totale les lois de Dieu au risque de verser dans l’associationnisme. Pour les théoriciens du jihad contemporain, la hakimiyya est au fondement de l’islam car c’est ce concept qui a permis la création de la cité de Médine, premier État islamique à partir duquel l’islam s’est propagé. Gouverner autrement, c’est nécessairement remettre en cause le tawhîd et inévitablement accepter d’être dirigé par un taghût (une idole). Pour les jihadistes, le fait de légiférer avec des lois autres que celles provenant de l’islam relève du kufr akbar (la plus grande mécréance) et fait sortir nécessairement le gouvernant de l’islam. Et le fait pour les populations de se soumettre à ce système sans s’y opposer, les conduisent à sortir, elles aussi, de l’islam.

Or, les salafistes s’opposent radicalement à cette catégorisation qu’ils considèrent comme une innovation religieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de se rapporter à la fatwa de cheikh al-Fawzan, ancien professeur à l’Université islamique de Ryadh et grande figure du salafisme contemporain : « Il faut affirmer l’Unicité dans l’adoration dans toutes ses branches, le tawhid ce n’est pas prendre ’al-hakimiya’ seulement et délaisser le reste. Ceci n’est pas le tawhid ! Le tawhid se concrétise dans tous ses types d’adoration dans toutes les sortes d’obéissance. Parmi cela le jugement entre les gens ainsi que le jugement à appliquer sur les gens et également le jugement sur les dires, cela n’appartient qu’à Allah.  » [3]

La deuxième différence qui structure l’opposition doctrinale entre salafistes et jihadistes est leur approche opposée des conditions de prononciation de l’anathème et des critères pour définir l’islamité. Les jihadistes proposent une définition extensive du concept de takfîr (anathème). Ils y englobent des catégories très larges. D’un point de vue dogmatique, un individu qui commet un « grand péché » devient nécessairement mécréant. Il n’est pas simplement un musulman désobéissant mais un kafîr (mécréant) et un murtâd (apostat). Cette « excommunication » ouvre ainsi la possibilité de le condamner à mort. C’est pourquoi l’État islamique ou al-Qaïda avaient ouvert la possibilité de tuer des musulmans en terre occidentale en arguant du fait qu’ils commettent un grand péché en se soumettant à des gouvernements « impies ». A cette conception extensive du takfîr, s’agrège un autre concept : celui qui refuse de prononcer l’anathème sur un mécréant, devient lui-même mécréant et fait l’objet également d’une excommunication.

A contrario, pour les salafistes le takfîr ne peut être prononcé qu’à des conditions juridiques très strictes et uniquement par une instance religieuse compétente ou par le gouvernant. Pour Ibn ‘Uthaymîn théologien salafiste d’origine saoudienne, un musulman ne peut être désigné comme apostat que si «  son acte relève de la mécréance évidente qui ne peut donner lieu à aucune interprétation. Si l’acte peut donner lieu à une interprétation, son auteur ne peut être déclaré mécréant même si on dit que son acte relève de la mécréance. Ainsi, on doit distinguer la parole et l’auteur de la parole, l’acte et l’auteur de l’acte  » (al-‘Utaybi, 2012). Pécher fait entrer l’individu dans la catégorie de « simple musulman désobéissant ou innovateur » (tabdi’). Ainsi, le salafisme a établi des garde-fous juridiques rendant difficile le takfîr individuel et encore plus sa généralisation à l’ensemble d’une communauté : les chiites ou les jihadistes, pourtant exécrés, ne sont pas considérés comme des kâfir ni comme des apostats.

B. Une idéologie opposée : religiosité révolutionnaire versus religiosité du statu quo

Ces différences de conception du tawhîd et du takfîr ont des conséquences sociales et politiques opposées. Les salafistes sont des partisans acharnés du légitimisme voire de « l’hyper-loyalisme » à l’endroit des gouvernants. Quand bien même ces derniers ne légiféreraient pas de façon islamique, voire même d’une façon contraire à l’islam, les cheikhs salafistes refusent la contestation ou la rébellion, et appellent à une soumission totale au pouvoir. Cette position se fonde sur les fatwas d’Ibn Bâz, qui fut mufti et président du Conseil des grands oulémas d’Arabie saoudite de 1993 jusqu’à sa mort en 2001 et d’al-Albanî, autre grande figure du salafisme contemporain. Ils ont tous deux estimé qu’un dirigeant même laïc, demeure musulman, sauf s’il existe certaines conditions prouvant sa non-islamité (laquelle reste, au demeurant, impossible à vérifier dans les faits). Par conséquent, le caractère non islamique du dirigeant ne relève que d’un péché mineur, qui ne suffit pas à l’exclure de la religion musulmane.

À la différence des jihadistes, les salafistes contemporains s’appuient sur la position d’al-Albanî, pour qui l’absence d’actions religieuses n’est pas nécessairement synonyme d’absence de foi. Par conséquent, il est impossible de prononcer l’anathème d’un individu et à plus forte raison d’un dirigeant, pour peu qu’il conserve une affiliation spirituelle (ou de forme) avec l’islam. Cette soumission au gouvernant musulman a été élargie aux responsables politiques non musulmans et occidentaux. À une question posée sur la possibilité de considérer comme mécréants les dirigeants qui ne jugent pas d’après le Coran et la Sunna mais d’après la loi française ou britannique, un théologien quiétiste a émis la fatwa suivante : « Pour répondre, il faut détailler ce cas. Ont-ils été leurrés par des soi-disant savants qui leur ont dit : ce choix ne contredit pas la législation islamique ? Ou autre ? On ne peut donc émettre un jugement général, car ici, la réponse se donne au cas par cas  » (Al-Utaybi, 2012).

C. Khawârij versus murjî

Ces divergences ont conduit ces deux courants à se lancer mutuellement des imprécations religieuses. Pour les salafistes, les jihadistes sont qualifiés de takfirî (ceux qui excommunient), de « chiens de l’Enfer », et même de Khawârij [4](ceux qui sont sortis contre l’autorité). Cette dernière dénomination est sans aucun doute la pire insulte dont un courant sunnite puisse en affubler un autre. En les qualifiant ainsi, les salafistes les considèrent comme une secte, dont les actes n’ont rien d’islamique.

De la même façon, les jihadistes qualifient les salafistes de talafiyyun (ceux sur qui il est impossible de compter) et leur soutien en faveur des pouvoirs en place les font passer pour des traîtres à la solde des puissances occidentales. Lors de nos entretiens, ils refusent même que leurs coreligionnaires « quiétistes » soient qualifiés de salafistes. Ils sont plutôt qualifiés de murjî (ceux qui retardent le jugement de Dieu). Dans l’histoire des idées de l’islam, le murjisme a été très vite considéré comme une école de pensée hétérodoxe en défendant l’idée du jugement décalé de Dieu. Pourquoi cette appellation ? Parce que les salafistes estimeraient qu’un musulman reste musulman tant qu’il conserve en son cœur et son esprit la religion musulmane. C’est ainsi que les salafistes s’abstiennent de déclarer impie un individu qui n’accompagne pas sa profession de foi de pratique religieuse. En refusant de déclarer mécréant un musulman qui ne s’inscrit dans une orthopraxie, les salafistes se substitueraient au jugement d’Allah selon les tenants du jihadisme. Sur un site internet jihadiste spécialisé dans la mise en garde contre les salafistes, il est ainsi possible de lire : « En vérité, les gens de ce groupe sectaire qui se dit captieusement “salafi” ne sont rien d’autres que des néo-khawaridj néo-mourjites, c’est-à-dire des kharijites-mourjites contemporains. Les pseudo-salafis sont des défenseurs des gouvernants tawâghît qui légifèrent des lois en dehors d’Allah et qui les imposent en tant que jugement absolu à leurs peuples. Ils sont leurs alliés et considèrent “égarés” tous ceux qui dénoncent leur mécréance [5] ».

Ces divergences relatives à la ‘aqida (dogme islamique) ne relèvent pas de simples querelles byzantines portant sur des interprétations « secondaires » (furuh). En effet, ces différences religieuses ont des conséquences importantes sur le rapport au monde et à l’altérité (Zegnani, 2016) [6].

II. Quelles porosités entre salafisme et jihadisme ?

L’opposition dogmatique entre salafisme et jihadisme est telle que cette différence structurelle s’observe également dans les dynamiques de polarisation. L’absence de passerelles rend en effet le paradigme du continuum inopérant et les trajectoires militantes se caractérisent par une absence de perméabilité.

A. Les trois temps de la rupture entre salafisme et jihadisme : atomisation/polarisation, autonomisation et scission

Jusqu’à l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes en août 1990, les différentes sensibilités au sein de la mouvance salafiste (quiétiste, politique et révolutionnaire) entretenaient des liens et des relations. Ainsi, le chef de file du principal courant salafiste contemporain, le Saoudien Rabi‘ al-Madkhali, avait lui-même fréquenté les milieux jihadistes, notamment l’organisation al-Jama‘a al-salafiyya al-muhtasiba qui fut à l’origine des attentats de 1979 à la Mecque (Hegghammer, 2010). À cette époque, les nombreuses fatwas de cheikhs salafistes, comme Ibn Bâz, justifiaient le jihad en Afghanistan ou ence en Bosnie-Herzégovine. Les salafistes « sous-traitaient » ainsi le recours à la violence aux jihadistes en leur apportant leur caution religieuse (Lahoud, 2008).

L’éclatement du courant salafiste s’est opéré en trois temps. Il s’exprime d’abord par une dynamique d’atomisation/polarisation de la mouvance, « conséquence de la fatwa de l’institution religieuse saoudienne, le Conseil des grands oulémas sous l’autorité du grand mufti Ibn Bâz, en faveur de l’installation de troupes non musulmanes en Arabie saoudite après l’invasion du Koweït  » (Lahoud, 2008). Alors que les salafistes s’empresseront de multiplier des avis juridiques visant à soutenir le régime saoudien, les jihadistes s’éloignent de celui-ci en affirmant qu’il est à la solde des puissances occidentales et que les théologiens saoudiens ne sont que des « savants du palais ». Parce que les jihadistes multiplient les critiques contre le régime saoudien, ce dernier favorisera le développement de la tendance « hyper loyaliste et pro-légitimiste » à travers les figures de Rabi‘ Al-Madkhali et de Muhammad Amman al-Jami, tous deux anciens professeurs de l’Université islamique de Médine qui prôneront un discours loyaliste à l’endroit des Saoud (Lahoud, 2008). Si cette tendance était marginale jusqu’au milieu des années 1980, elle connaîtra un croissance importante avec le soutien de la monarchie qui lui assurera une visibilité importante en lui confiant les postes clefs de l’administration religieuse et des universités islamiques du royaume, aux dépens des autres tendances du salafisme, et rendant l’éthos salafiste moins perméable à l’action violente et plus ouvertement pro-régime.

Ensuite, cette atomisation s’oriente vers une autonomisation de la mouvance jihadiste quand Alger demande à Riyad le soutien des théologiens saoudiens dans sa lutte contre les actions des Groupes islamiques armées et de l’Armée islamique du salut, dont les membres avaient pour références les savants d’Arabie. (Adraoui, 2020). Via quelques prédicateurs de tendance salafiste et des responsables algériens de la sécurité militaire, des théologiens saoudiens décident d’émettre des fatwas critiquant l’action violente des jihadistes et appelant à faire preuve de loyauté à l’endroit d’Alger. Les prises de positions de ces théologiens à l’encontre du jihadisme ont incité les gouvernements algérien et saoudien à faciliter la croissance du courant salafisme. Le but de la monarchie saoudienne était d’éviter que la situation algérienne ne vienne inspirer les jihadistes saoudiens, très actifs à l’époque. Quant au gouvernement algérien, il cherchait à endiguer l’influence des Groupes islamiques armés (GIA) puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) par le développement d’un salafisme de prédication politiquement conservateur, condamnant avec virulence le jihadisme.

L’émergence de ce discours a conduit à la défection d’un certain nombre de jihadistes algériens. Pour autant, les ambiguïtés du salafisme sur la justification de la violence continuent à cette époque à exister. En effet, si les théologiens saoudiens réaffirment l’impossibilité de se soulever contre un gouvernant musulman pour peu que celui-ci se déclare musulman, certains d’entre eux, et pas des moindres, continuent à justifier le recours à un jihad contre les pays non musulmans pour inciter ceux-ci à se convertir. C’est ainsi qu’un savant saoudien invitait les jihadistes du GIA et de l’Armée islamique du salut (AIS) à déposer leurs armes, mais si ces derniers voulaient poursuivre le combat, ils pouvaient le faire en France, en Italie et en Espagne. Ou encore une fatwa d’Ibn Bâz justifiait en creux l’usage de la violence pour renverser un gouvernement non islamique : « Il n’y a pas de mal pour le musulman à se soulever contre un dirigeant chez qui il constate une mécréance flagrante sur laquelle il a une preuve claire d’Allah, à condition d’en être capable […]. Un groupe ne peut donc renverser un dirigeant coupable de mécréance flagrante que s’il est capable de le renverser, puis de le remplacer par un imam vertueux […]  » (al-‘Utaybi, 2012).

Le troisième temps est la scission entre le salafisme et le jihadisme depuis les attentats du 11 septembre 2001 (Adraoui, 2016). Au lendemain de ces événements, les États-Unis se rendent compte que la plupart des auteurs sont d’origine saoudienne. Dans leur esprit, il est évident que le milieu religieux de ce pays tient une part de responsabilité dans les processus de radicalisation violente, d’autant que Riyad est régulièrement victime sur son territoire d’actions violentes de ses propres ressortissants. Sous pression américaine, l’Arabie saoudite oblige ses théologiens à clarifier leurs positions au sujet du recours à la violence. Ces derniers multiplient dès lors les fatwas la condamnant notamment contre des pays avec lesquels il n’y a pas de conflit armé. Ces condamnations ont achevé de consommer la rupture entre les clercs de la péninsule Arabique et les jihadistes d’al-Qaïda. Les salafistes vont ainsi être encouragés à faire un bilan critique de leur théologie et à mettre en place un cadre religieux précis qui déconstruit, délégitime et disqualifie les jihadistes (Benraad, 2017).

B. L’absence de perméabilité entre le salafisme et le jihadisme : une condamnation systématique du jihad contemporain

Si les chercheurs ont bien observé l’existence de trois tendances à l’intérieur du salafisme, certains considèrent qu’il existe des passerelles entre elles et que le quiétisme constituerait un sas vers le jihadisme (Kepel, 2015 ; Rougier, 2020 ; Micheron, 2020). Autrement dit, le sectarisme religieux porté par le salafisme quiétiste mènerait à la violence armée. Si ce lien a été clairement établi pour les années 1980 et 1990 [7], cette relation n’est plus fondée. Bien au contraire, le salafisme constitue, depuis le début des années 2000, une digue.

En France et en Belgique, depuis le 11 septembre 2001, le salafisme condamne de façon claire les attentats (Madrid 2004, Londres 2005) et aujourd’hui les sites salafistes multiplient les mises en garde contre les actions menées par l’État islamique. Lors de nos enquêtes en 2001 en région parisienne, nous avons recueilli des lettres diffusées par des salafistes condamnant les attentats-suicides. Nous avons retrouvé des démarches similaires dans d’autres villes de France au moment des massacres de Charlie Hebdo et de l’hypermarché cacher de la porte de Vincennes en janvier 2015.

Dans l’ouvrage Le takfirisme de Cheikh al-‘Utaybi, ce courant est « une hérésie les plus dangereuses et dont les dégâts sur la communauté musulmane sont les plus sévères.  » (al-‘Utaybi, 2012). Les salafistes interdisent d’ailleurs toute forme de rébellion face à un gouvernant, musulman ou non, même si celui-ci leur est clairement hostile et ils se sont fait une spécialité de mettre en garde contre le jihadisme. Au Canada, le prédicateur montréalais al-Hayati avait, déjà depuis quelques années, critiqué violemment Adil al-Charkaoui, prédicateur d’origine marocaine vivant à Montréal, connu pour ses positions pro-jihadistes. Autre exemple, l’ancien rappeur Faouzi Tarkhani (époux de l’ancienne rappeuse Diam’s) qui a rappelé dans son ouvrage Mal vu (Don Quichotte éditions, 2016) qu’il a condamné fermement les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, en expliquant que le mouvement auquel il appartient ne reconnaît pas la validité religieuse de ces actions : « Premièrement : ces actes (terroristes) ne font pas partie des actions des Gens de la Sunna (la Tradition prophétique) mais, au contraire, ils font partie des actions des causeurs de troubles parmi les Khawârij et ceux qui gravitent dans leur orbite s’ils se revendiquent de l’islam. Deuxièmement : je dis à vos voisins parmi les non-musulmans français ou autres en Europe et en Amérique : vous ne trouverez aucun savant parmi les Gens de la Sunna qui approuve ces actes et y incite mais au contraire les Gens de la Sunna, que cela soit leurs savants ou leurs étudiants en sciences islamiques ou le commun des gens parmi eux, condamnent (abhorrent) ces actes anarchiques. Et ceux qui ont commis ces actes sont soit des Khawârij ou des ignorants qui ne connaissent pas la Tradition Prophétique (la Sunna) et ne savent pas comment les Gens de la Sunna se comportent avec leurs voisins non musulmans. Les Gens de la Sunna sont bienfaisants envers leur voisinage et respectent les engagements (pactes, conventions) et désapprouvent ces actes anarchiques et barbares. En guise de conclusion, je conseille à nos fils parmi les musulmans qu’ils soient des imams qui délivrent des sermons ou des enseignants ou des prédicateurs de proclamer leur désaveu de ces actes barbares et qu’ils le notifient aux forces de l’ordre et à tous ceux qu’ils peuvent joindre [...] [8] ».

Ainsi, même si le salafisme est un mouvement qui appelle à une rupture avec les valeurs dominantes de la société occidentale, il propose en réalité un pragmatisme et des accommodements qui ne mènent pas à la violence politique. La majorité des radicalisés violents n’ont pas été socialisés au sein de mouvements prônant le rigorisme religieux (Roy, 2016 ; Adraoui, 2018). L’exemple de Salah Abseslam est édifiant à ce titre, puisqu’il n’était pas connu par son entourage pour être un musulman sourcilleux de l’orthopraxie islamique. Les témoignages que nous avons recueillis à Molenbeek tendent à confirmer que son passage à l’acte n’a pas été précédé d’une socialisation religieuse auprès d’acteurs et institutions salafistes de proximité, tels que la mosquée al-Forqan, pourtant située dans la même commune (Roy, 2020). De la même façon, ni Amedy Coulybaly ni les frères Kouachi ni Mohamed Merah n’ont fréquenté de près ou de loin des acteurs de la mouvance salafiste en France. Les lieux à partir desquels les départs pour la Syrie ont eu lieu ne correspondent pas à des mosquées ou à des individualités salafistes connues. Ni Rachid Abou Houdeyfah, de la mosquée al-Sunna à Brest, ni Nader Abou Anas de l’association D’clic ni encore Ali l’Irakien, ancien imam à Argenteuil, n’ont été à l’origine de processus de radicalisation menant à la violence. L’exemple des communes de Vilvoorde, ville flamande qui se trouve à 10 km de Bruxelles est également parlant. Il a été constaté près de 40 départs pour la Syrie mais aucune mosquée identifiée comme salafiste.

De la même façon, il est plus facile de comprendre pourquoi l’Algérie, connue « pour être la deuxième nation du quiétisme après l’Arabie saoudite », est l’un des pays musulmans qui est le moins engagé dans le conflit syrien, contrairement à la Tunisie par exemple, avec seulement une centaine de ressortissants partis sur zone (Adraoui, 2016).

Néanmoins, nous avons constaté qu’une radicalisation religieuse, portée par le salafisme quiétiste peut dans certains cas, être la voie par laquelle la violence politique se manifeste. Dans trois configurations, cela est possible :

  • des personnes socialisées par le salafisme, mais qui ont fait défection : ils affirment avoir été séduits par le radicalisme religieux et le caractère « authentique » du quiétisme mais ne se reconnaissent plus dans sa « passivité politique » du salafisme. Ils lui reprochent notamment l’absence de volonté d’établir par la force l’islam ;
  • des « salafistes autonomes » : ils se revendiquent à travers une logique de bricolage religieux empruntant quelques éléments au salafisme tout en rejetant la version madkhaliste ;
  • des « salafistes » appartenant à la Haddâdiyya [9], qui se caractérisent par une plus grande proximité avec les thèses jihadistes et qui ne font pas de l’obéissance aux gouvernants une obligation religieuse. Ce courant a été le grand pourvoyeur du jihadisme en France et en Belgique. En effet, il estime qu’il suffit d’une seule erreur dans le dogme religieux pour qu’il soit possible de prononcer une excommunication. Pour les partisans de la Haddâdiyya, quiconque tombant dans l’innovation blâmable (bid‘a) est un hétérodoxe. Par conséquent, celui-ci peut être très facilement excommunié. De la même façon, un péché répété régulièrement ferait sortir l’individu de l’islam.

C. Le « hizbisme », véritable pourvoyeur du jihadisme en Europe

Alors que le salafisme (dans sa version dominante al-madkhaliyya) constitue, dans la grande majorité des cas, un véritable barrage vers la violence politique, « le hizbisme » est bien souvent une première étape vers la radicalisation violente. Ce courant était dans un premier temps lié à l’idéologie des Frères musulmans (FM), avant de rompre avec celui-ci. Bien que détaché organiquement des FM, il n’a gardé que de ces derniers, l’idéologie selon laquelle les actions politiques doivent tendre vers la nécessité de créer une société et un Etat islamique. A cette vision politique, il propose une approche littéraliste des textes religions portant sur la gestion et la conquête du pouvoir, marié à une action révolutionnaire et une violence politique. Entre ce dernier et le jihadisme, nul logique d’anathémisation : ils ne s’insultent pas contrairement à ce qui existe entre salafistes et jihadistes. De nombreux exemples tendent à le montrer [10]. Qualifiés de hizbî par les salafistes (personnes s’inscrivant dans des logiques partisanes) ou comme des « Frères musulmans déguisés en salafistes » pour reprendre la formule de Karim Zentici, traducteur et responsable du blog Mizab, ils semblent qu’ils ont constitué le premier bassin de recrutement pour les militants du jihad.

Le dirigeant de l’organisation Sharia4Belgium, Fouad Belgacem, expliquait avant son incarcération que le musulman vivant en Europe se doit de désavouer le pays dans lequel il vit et que les logiques expansionnistes de l’islam se fondent sur la da’wa (l’appel à l’islam par la prédication religieuse) et le jihad. Dès lors, cela explique que nombre de militants de cette organisation aient intégré des milices jihadistes, proches d’al-Qaïda en Syrie. Selon certaines sources policières, Sharia4Belgium a été à l’origine de près de 10 % des départs de Belges vers la Syrie. De la même façon, Jean-Louis Denis, un Belge converti à l’islam, à l’origine de l’association les Restaurants du Tawhid, était connu pour appeler les musulmans à se distancier des valeurs belges ou encore à s’opposer à la démocratie, en distribuant flyers et affiches. Il a également incité une cinquantaine de jeunes à rejoindre les jihadistes d’al-Qaïda et de l’État islamique. Autre exemple belge, Bassam Ayachi, leader charismatique franco-syrien, partisan d’un salafisme politisé et qui avait longtemps vécu en Belgique, a décidé de rejoindre le jihad syrien en créant la milice Suqûr al-Sham. En France, il a été constaté le même phénomène. Selon des témoignages que nous avons recueillis, une mosquée du Val-de-Marne qui avait à sa tête un « salafiste politique » (proche de Béchir al-Hassan) a assisté au départ de pas moins de 6 jeunes en direction de la Syrie.

Comment expliquer cette porosité entre les « hizbî » et les jihadistes ? Elle trouve son origine d’abord dans leurs références doctrinales contemporaines communes qui appellent explicitement à la lutte armée s’agissant du conflit en Syrie, notamment à travers l’importance accordée au tawhîd al-hakimiyya. Qu’il s’agisse de l’Égyptien Muhammad Hassan ou encore du Saoudien Muhammad al-Arifi (mais également Salman al-Awda) considérés comme appartenant au « salafisme politique », tous les deux ont participé à l’édiction d’une fatwa en date du 7 février 2012 au Caire justifiant le caractère obligatoire du jihad en Syrie. Ils ont appelé tous les musulmans à aider l’Armée syrienne libre, y compris en rejoignant les phalanges jihadistes s’opposant à Bachar al-Assad. Ensuite, leur discours politiquement contestataire constitue une matrice idéologique qui confère au jihad une place particulière, afin de s’opposer à ce qui est perçu comme de l’injustice. Ainsi, leur culture oppositionnelle a développé un habitus plus favorable à l’usage de la violence. L’une des particularités de cette tendance est son intérêt marqué pour les grandes causes de l’islam. Si ces zélateurs défendent l’engagement politique (manifestations, pétitions, etc.) comme un moyen d’affirmer l’identité islamique en Europe, ils n’excluent pas l’usage de la violence, si les circonstances s’y prêtent.

CONCLUSION

Depuis les années 1990, les théologiens salafistes ont de façon systématique mis à l’index les groupuscules et organisations relevant du jihad armé [11]. Pour autant, peut-on affirmer que les salafistes s’opposent de façon ontologique à l’idée du jihad ? Ils continuent à estimer qu’il fait partie intégrante du corpus islamique mais considèrent que l’usage qu’en font certaines organisations ou prédicateurs contemporains ne correspond ni à la lettre ni à l’esprit de l’islam. Pour eux, le jihad à l’endroit de l’autorité politique répond à des conditions religieuses très strictes. Il doit être déclaré par une instance compétente de savants. Mais ce positionnement religieux en matière de jihad n’est ni plus ni moins le rappel de règles que l’on retrouve au sein de toutes les tendances de l’islam. Pour les salafistes, la rébellion contre le gouvernant mécréant doit obéir à trois condition : (i) la capacité de le renverser ; (ii) la capacité de mettre à sa place un dirigeant musulman ; (iii) ce renversement ne doit pas entraîner de méfaits ni de dégâts pires que ceux impliqués par le maintien en place du dirigeant mécréant (al-‘Utaybi, 2012).

Dès lors, même si les théologiens salafistes continuent à défendre la validité islamique du concept, il est difficile d’affirmer qu’ils partagent une idée commune avec le jihadisme. De telles oppositions doctrinales ne doivent surtout pas être sous-estimées dans l’analyse contemporaine du salafisme : elles ont conduit à une véritable scission entre les deux tendances, qui entretenaient pourtant, jusque dans les années 1990, de bonnes relations. Certes, ils ont en commun de nombreuses références : Ibn Hanbal, Ibn Kathîr, Ibn Taymiyya, Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab. Mais peut-on continuer à penser que ces deux courants sont les deux faces d’une même médaille quand il faut remonter à plusieurs siècles pour leur trouver des références communes ?

Les dynamiques contemporaines s’accompagnent d’un mouvement d’autonomisation et de rupture de chacune de ces deux tendances (Adraoui, 2016). Le fond idéologique est commun, mais les trajectoires historico-politiques de ces mouvements ont été à l’origine de la création de mouvements désormais complètement distincts qui n’ont plus véritablement de ressemblances., si bien qu’il est désormais possible d’affirmer de façon prosaïque que le salafisme est au jihadisme ce que la gauche démocratique est aux Brigades Rouges ou aux Khmers Rouges. Considérer que le salafisme et le jihadisme relèvent de la même famille, c’est prendre le risque que d’affirmer qu’entre le Parti communiste français et Action directe ou encore la Ligue communiste révolutionnaire, il n’y a que des différences de forme et non de fond, sous prétexte qu’ils se référent à des personnalités communes telles que Karl Marx ou Che Guevara.

Si la réalité empirique nous impose d’affirmer clairement que cette scission a créé deux mouvements désormais complétement distincts : le salafisme et le jihadisme, nous devons désormais nous interroger sur la pertinence du concept de salafisme pour retraduire celui de radicalisation violente. C’est la condition nécessaire pour la mise en œuvre de politiques publiques efficaces de lutte contre la radicalisation.

BIBLIOGRAPHIE

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// Article publié le 10 juin 2020 Pour citer cet article : Samir Amghar , « Salafisme et Jihadisme, De la connivence à la rupture radicale », Revue du MAUSS permanente, 10 juin 2020 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Salafisme-et-Jihadisme-1536
Notes

[1Le premier est un collectif intitulé Territoires conquis de l’islamisme dirigé Bernard Rougier, professeur à l’Université Paris-III. Le second est Le Jihadisme français d’Hugo Micheron, issu de sa thèse de doctorat soutenue à l’Ecole normale supérieure sous la direction de Gilles Kepel en 2019.

[2Pour plus de précisions sur le concept de Tawhîd chez les salafis, voir le site http://rappelmusulman.blogspot.fr

[4Ce terme renvoie aux membres d’une branche de l’islam qui ont quitté l’armée d’Ali, cousin et gendre du Prophète Muhammmad parce qu’ils refusèrent sa décision d’accepter l’arbitrage dans le conflit en légitimité l’opposant à Mu’awiya lors de la bataille de Siffîn en 657.

[6C’est ainsi qu’il est plus aisé de comprendre pourquoi les salafistes s’insurgent lorsque les experts les intègrent dans la même famille théologique que les jihadistes et inversement.

[7Durant les années 1970, le chef de file de la tendance du salafisme quiétiste, le Saoudien Rabi’ al-Madkhali, avait fréquenté les milieux jihadistes à travers l’organisation al-Jama’a al-Salafiyya al-Muhtasiba qui a été à l’origine des attentats à la Mecque en 1979.

[9Fondée par un Égyptien, Mahmûd al-Haddad, parti étudier en Arabie saoudite, la Haddâdiyya prône certes la soumission aux gouverneurs, non par pragmatisme mais par idéologie. Présente en France et au Yémen, elle se concentre comme la Madkhaliyya sur la mise en garde des innovateurs. Mais à la différence de cette dernière qui différencie l’acte d’innovation qui doit être dénoncé et celui qui le pratique, elle qualifie de façon systématique la personne, qui commet une innovation, d’innovateur. Dès lors, si cette innovation est répétée par l’individu, il est possible de l’excommunier, chose que s’interdisent les autres pôles du salafisme.

[10Il faut noter également de l’organisation française Forza Alizza.

[11À la demande du régime algérien et par l’intermédiaire d’Abdelmalek Ramadani, les savants quiétistes ont multiplié les fatwas condamnant les groupes islamiques armés, l’Armée islamique du salut ou encore le Groupe salafiste de prédication et de combat. En Egypte, les actions menées par le groupe Gama’at Islamiyya ont fait l’objet de la même opprobre. Les attentats du 11 septembre 2001 en passant par ceux du Bataclan ou encore de Zaventem ont été clairement condamnés par les autorités et les prédicateurs salafistes.

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