
Les scarifications de « Mensuren »
Une pratique sociale généralisante
Cet article se propose d’explorer une forme de duel à l’arme blanche très particulière, la « Mensur », et l’importance des scarifications faciales ainsi engendrées et même espérées par ses protagonistes comme marques de courage physique. Dialoguant avec Mauss et Lévi-Strauss, il montre en quoi ces duels et scarifications, apparemment circonscrits aux sociétés germaniques et marqués par leur origine aristocratique, permettent d’interroger à nouveau frais la notion de fait social total.
« (Les Allemands...) n’ont pas non plus peur de souffrir. En un certain sens on peut dire qu’ils aiment la douleur. Mais ils ont peur de tout ce qui vit, de tout ce qui vit en dehors d’eux (…). Ils ont peur par-dessus tout des êtres faibles, des hommes désarmés, des malades, des femmes, des enfants. Ils ont peur des vieillards. »
Curzio Malaparte [1]
L’analogie anthropologique entre blessures et parures n’est plus à démontrer ni même à référencer. Encore faut-il distinguer les blessures fraîches, sanguinolentes et enflées, des cicatrices bien fermées, plus ou moins planes et colorées ; et les blessures accidentelles, parfois horribles -’gueules cassées’, brûlures faciales- et/ou invalidantes (ainsi des mutilations), de celles volontaires car socialisantes -circoncision, subincision, excision...- et souvent à but esthétique : scarifications, tatouages, etc. En Europe germanique moderne et contemporaine, une forme de duel très particulière, la Mensur [2], procurait de définitives scarifications faciales, les Schmisse (masc. plur. : les balafres), espérés par leurs futurs porteurs ; ce phénomène a intéressé principalement les historiens et les psychologues : mais il se révèle si convenu et codifié que, semblable à la scarification africaine et océanienne, il justifie l’attention de l’anthropologue. Et ce, d’autant que cette Mensur et les Schmisse qu’elle engendre nous paraissent analysables comme un ’petit’ fait social total (f.s.t. ci-après) : ’fait’ apparemment mineur, local, désuet dans les sociétés germaniques -mais peut-être f.s.t. tout de même, et bonne occasion d’un énième retour à ce concept central de l’anthropologie.
Inspiré, au Moyen-Age, de la vieille ordalie burgondo-franque, le duel à l’arme blanche visait principalement à réparation d’une offense. En France (où cette pratique est presque inusitée depuis 1950), la vogue aristocratique du duel tuait cinq cents bretteurs par an autour de 1600 : quoiqu’affirmation d’indépendance de la noblesse jalouse de ses droits face au roi, il fut assez efficacement interdit par Armand de Richelieu en 1626 ; ultérieurement toléré -y compris par la Révolution française et l’Empire- puis facilité par le pistolet, il redevint à la mode chez les dominants du 19e siècle et du début du 20e : là comme en tant d’autres domaines, les bourgeois imitaient volontiers l’aristocratie d’Ancien Régime. Toutefois l’aire germanique s’est tenue jusqu’à nos jours à l’épée ou au sabre : électivement attesté déjà chez les Germains de l’Antiquité, le duel à l’arme blanche s’avère donc typique de cette aire ; mais selon une évolution historique banale, au long des Temps-Modernes cette pratique s’y est ritualisée toujours davantage, au point que la Mensur, théoriquement un duel, devînt à peu près l’inverse de celui-ci. Car bien distincte même de l’escrime purement sportive, cette Mensur n’a plus, chez les étudiants surtout et naguère les militaires d’Allemagne, d’Autriche et pays voisins [3], qu’un but éthico-esthétique, mais essentiel : faire étalage public d’un courage physique et d’une parfaite maîtrise de soi qu’attesteront de façon permanente les Schmisse sur mandibule, lèvres, joue, front, crâne -véritable décoration incarnée ; la Mensur appartient donc à ces rites-de-passage de la jeunesse, si possible sanctionnés d’un stigmate : épreuves initiatiques douloureuses, rites lors des premières règles (isolement, gifle, cadeau...), déchirure (formalisée ou non) de l’hymen vulvaire, bizutages divers, examens et concours scolaires ou professionnels, etc.
En un gymnase ou autre salle-d’armes, au milieu d’une jeune assistance uniquement masculine de quelques dizaines de témoins et devant un arbitre qui chronomètre et note les coup ayant porté, les duellistes caparaçonnés (corps, gorge, yeux et nez restent protégés) se saluent du bras armé levé à la verticale ; de part et d’autre, deux assistants arme en bas se tiennent prêts à interrompre l’engagement en relevant d’un coup les armes des adversaires. Comme son nom l’indique, la Mensur fixe la courte distance (la longueur hors-tout d’une épée) entre les bretteurs, qui de plus doivent ne faire ni retrait ni volte : l’arme seule peut détourner celle adverse, et l’engagement est interrompu à chaque entaille ; tenu très haut, le bras exécute un rapide moulinet en huit contre l’arme adverse, cherchant la faille vers le visage : non seulement le concurrent se déshonorerait en se déplaçant, mais encore doit-il rester de marbre lorsque son visage se trouve incisé. Si l’on ajoute que les adversaires -mais non ennemis- sont choisis de compétence équivalente, que chacun est incité à toucher l’autre sur la moitié gauche du visage, et qu’un médecin reste présent, on... mesure que toute l’épreuve se ramène à scarification mutuelle : soit -sans rapport avec la destination initiale d’un duel- un pseudo-combat de quelques minutes sans vainqueur ni vaincu, dont les franches estafilades bien sanguinolentes (très vascularisée, la tête saigne beaucoup) laissant de belles cicatrices en creux constitue l’explicite but premier [4] ; détail ajoutant à l’épreuve, en principe les plaies sont immédiatement fermées par couture sans anesthésie. Donc malgré lunettes à grille et nasal, cette apparence de duel ne se réduit pas à une mascarade : il y faut une bravoure indiscutable, et l’épée spéciale [5] peut provoquer des blessures mortelles (à vrai dire très rares) [6].
Sous diverses variantes au fil du temps (mobilité d’esquive permise ou non, emploi du sabre par les militaires, etc.), la Mensur est désormais attestée depuis plusieurs siècles dans les associations d’étudiants et dans l’armée ; comme les duels proprement dits, elle fut toujours à la fois officiellement péjorée voire de jure proscrite, mais de facto admise et même approuvée [7]. De ce point de vue, plus qu’une autre la société fasciste se trouva enfermée en une contradiction juridique extrêmement révélatrice : en raison de la fraternité censée unir tous les guten Kameraden [8], le nazisme interdit les Mensuren dès 1933 ; mais conformément à leur virilité proclamée en toute occasion, d’assez nombreux jeunes officiers de la Wehrmacht exhibaient des Schmisse... D’une telle intrication affirmée de la fraternité avec la virilité sur arrière-plan sadomasochiste, la psychanalyse a dès longtemps tiré toutes les conclusions que soutiennent les métaphores de l’arme blanche qui frappe, de la saignante plaie ouverte par celle-ci, de l’impassibilité approbatrice à quoi s’applique le blessé, etc. ; sans négliger ces acquis mais visant d’abord à retour au f.s.t., nous nous tiendrons à une lecture principalement anthropologique des scarifications faciales de Mensuren.
Observons en premier lieu que la Mensur -avec ses effets esthétiques-, traditionnelle chez le Fahnenjunker [9] et l’étudiant est, d’origine et d’essence, un usage aristocratique puis bourgeois : on ne sache pas qu’elle ait jamais été pratiquée par les jeunes mineurs de la Ruhr, ouvriers agricoles bavarois ou métallurgistes de Silésie ; elle est donc le bien propre de collectivités dominantes -qu’elle tend à renforcer et resserrer-, élitaires et s’affirmant viriles : une pratique de classe sociale, plus précisément d’une jeunesse de classe dominante qui doit faire ses preuves, et (se) donner des gages de ses qualités pour le service du Vaterland. Car futur cadres de la société germanique, les étudiants et junkers doivent se montrer, par anticipation, dignes de diriger la société qu’ils auront à encadrer, voire exemplaires vis-à-vis -c’est le mot- de leurs subordonnés ; en sus de leurs diplômes sur papier et de leurs décorations de métal, leurs scarifications faciales rappelleront constamment à leurs agents civils ou militaires que leur supérieur sait ce qu’il veut et ne craint rien [10]. Par exemple, quoi qu’éloignés dans le temps comme d’esprit, le chancelier Otto von Bismarck (1815-1898) et le constitutionnaliste Georg Diederichs (1900-1983) [11] portaient d’importants Schmisse -de même que divers patrons de grandes entreprises, ainsi Henning Schulte-Noelle [12] : tous couturés principalement sur la gauche du visage comme il se doit, ou plutôt comme il convient. Certes la plupart des Allemands, Autrichiens, Polonais, etc., voire la majorité de leurs dirigeants, n’ont jamais participé à la moindre Mensur et ne sont donc nullement scarifiés ; mais il semble bien que ces pratiques évidemment minoritaires -et la signification donnée, en l’occurrence, aux scarifications- soient dûment connues de presque tous les Allemands et peuples voisins : bien que quantitativement peu représentés dans l’ensemble de leur culture, Mensuren et Schmisse s’avèrent de bon ton chez le jeune dominant, et diffusent par capillarité non pas en toute la société, mais comme un composant significatif de l’identité socioculturelle germanique.
Nous risquons de susciter malaise et même réprobation en prétendant quintessencier une telle identité par ce jeu brutal et sanglant, à substrat élitaire et sadomasochiste, apparemment gratuit mais perçu par ses adeptes comme à la fois ’naturel’, mâle et amical. Toutefois, qu’il provoque -c’est l’un de ses buts- la critique, choquée ou moqueuse, de nombreux visiteurs étrangers, montre qu’il n’a rien de casuel ou d’anecdotique ; or l’anthropologue ne peut négliger que ces mutuelles scarifications exhibitionnistes se perpétuent en une aire culturelle construite autour d’une Prusse militariste à dominante luthérienne [13], elle-même produit de guerriers acharnés (les Teutoniques médiévaux [14], puis les trois Frédéric Hohenzollern du 18e siècle), où la crise paranoïaque et autoritaire qui parcourut toute l’Europe en 1930-1945 a pris une forme extrême, reposant sur le délire agonistique des dirigeants et la participante adhésion d’une bonne part des dirigés [15]. Pour autant, on ne saurait seulement soupçonner de nationalisme à xénophobie implicite (ou pire) tout étudiant s’adonnant à la Mensur : sans lien obligatoire avec un tel contenu idéologique, cette activité para-sportive -il y faut un long entraînement- reste en soi parfaitement respectable [16] ; soucieux de ne pas contribuer à fustiger encore un peuple qui le fut déjà -et le demeure- suffisamment, nous ne visons qu’à l’étaiement de notre thèse, non à quelque critique, fût-elle allusive [17]. A l’appui de notre propos définissant Schmisse de Mensur comme expressifs de l’identité germanique -et rien d’autre-, évoquons les schlagende Verbindungen [18] créées par les Allemands de confession israélite ; ce qui requiert un point d’histoire.
Comme on sait privés de nombreux droits et castés en toute l’Europe depuis le Moyen-Age, les juifs [19] d’Allemagne travaillèrent dès le début du 19e siècle à l’amélioration de leur intégration, évolution plutôt bien reçue de leurs cosociétaires : dès avant 1850, ils acquièrent divers droits communs à toute la population, même en Prusse. En 1867 l’Autriche habsbourgeoise, puis en 1869 la Confédération d’Allemagne du Nord (sous égide prussienne), confèrent identique statut juridique à tous leurs sujets, disposition que confirme l’Empire allemand fondé par Bismarck en 1871 : à la fin du siècle et au début du suivant, ces Etats s’avèrent ceux d’Europe où les juifs sont le mieux assimilés. Pour autant les préjugés -trop usés pour être à nouveau rabâchés- ne faiblissaient pas plus qu’aujourd’hui ; aussi les étudiants juifs des universités allemandes tinrent à cœur, à la fin du 19e siècle, de combattre ces préjugés par l’exemple, en créant leurs propres associations de Mensur [20] afin de faire montre et preuve des mêmes qualités -virile détermination, courage physique et maîtrise de soi, sanctionnés par les Schmisse- que les plus indiscutables et affirmés dominants luthériens ou catholiques. Ainsi les scarifications faciales de Mensur étaient regardées par ces jeunes israélites chroniquement ostracisés comme signe indéniable de leur souci de complète fusion en l’élite germanique [21] : ce qui nous semble achever de qualifier ces Schmisse comme un ’petit’ f.s.t. de ces sociétés.
’Petit’ f.s.t. ? L’adjectif s’avère paradoxal, quasi contradictoire avec ’total’. A la Mensur manque la dimension quantitative (mobilisation de nombreuses institutions, extrême généralité sociétale) du f.s.t. proprement dit ; mais de celui-ci, les Schmisse de Mensur ont bien l’aspect ancien et traditionnel, s’imposant aux sociétaires et mobilisant diverses institutions ; donnés de surcroît -et en contexte sadomasochiste, quelque peu agonistique- par l’adversaire qui reçoit d’autres balafres en retour, ces Schmisse confèrent à la Mensur certains caractères du potlatch [22]. Aussi la nommerait-on mieux pratique sociale généralisante ; ce qui conduit à une relecture attentive de la célébrissime définition du f.s.t.
’Les faits que nous avons étudiés sont tous, qu’on nous permette l’expression, des faits sociauxtotaux ou, si l’on veut -mais nous aimons moins le mot- généraux : c’est-à-dire qu’ils mettent en branle dans certains cas la totalité de la société et de ses institutions (potlatch, clans affrontés, tribus se visitant, etc.) et dans d’autres cas, seulement un très grand nombre d’institutions, en particulier lorsque ces échanges et ces contrats concernent plutôt des individus’ [23].
Premier constat, la longue phrase est ponctuée de réserves (’qu’on nous permette l’expression...’, ’si l’on veut...’, ’dans certains cas...’, ’seulement un très grand nombre d’institutions...’, ’plutôt des individus...’) paraissant traduire le scrupule voire l’hésitation de Mauss proposant un concept fort large en termes assez flous : ’fait social’ renvoie bien sûr à la précise définition d’Emile Durkheim [24], puis Mauss balance quelque peu entre ’total’, qui a sa préférence, et ’général’ : d’où l’on conclut que le premier adjectif est peut-être excessif (même le potlatch n’engage pas nécessairement chaque sociétaire ; et en chacun des groupes -phratries, clans, familles, chefs, confréries...- qui s’affrontent, les individus se sentent plus ou moins concernés selon l’ancienneté ou la virulence de la rivalité, selon leur position dans le groupe ou la parentèle, etc.), et le second adjectif, sans doute un peu vague (les ’tribus se visitant’ peuvent impliquer la quasi-totalité des sociétaires ou une partie précise, voire seulement d’une délégation représentative) [25]. D’autre part, Mauss envisage deux ’cas’ de f.s.t. : le premier, qui met ’(…) en branle (…) la totalité de la société (…)’ ; le second, mobilisant ’(…) seulement un très grand nombre d’institutions (…)’, dont il prend soin de préciser que ses échanges et contrats restent ’plutôt’ inter-individuels.
D’évidence, les scarifications faciales étudiées relèvent de ce second cas, puisque sans concerner la totalité de la société -loin s’en faut-, elles mobilisent les institutions militaire et universitaire, les institutions religieuse et judiciaire autorisant ou interdisant la Mensur, engendrent les schlagende Verbindungen, etc. -et bien entendu, l’échange inter-individuel, selon des règles très strictes, de coups d’épées scarifiants ; en outre, on a vu que si l’immense majorité de la population ne porte évidemment pas de Schmisse, la plupart des Germaniques en connaissent la signification, qu’ils désapprouvent ou admirent. C’est pourquoi, démarquant Mauss qui nous y invite, nous qualifions généralisant -et non ’total’ ou même ’totalisant’- ce ’fait social’ peu pratiqué mais très connu de cette population : puisque divers ’échanges et contrats’ du f.s.t. se limitent à ’des individus’, l’essentiel de la société peut n’être mobilisé qu’en tant que témoin -et non agent- de ce f.s.t. ; témoin certes majeur mais non-impliqué en ces coups d’épée, et dont l’admiration comme la réprobation attestent par elles-mêmes du poids sociologique de la Mensur : tant qu’une partie même faible des dominants de l’aire considérée porte des Schmisse, l’ensemble socioculturel germanique peut se sentir idéologiquement ’totalisé’, soutenu et confirmé en son être par ce modeste pattern d’une possible basic personality. Pratique sociale, les deux autres mots de l’expression proposée, se justifient assez facilement. Le substantif ’pratique’ [26] nous semble plus précis que le ’fait’ de Durkheim, terme dont le sens étendu se justifiait en 1894 lorsque, démiurge créant sa discipline au moyen du vocabulaire philosophique, il invitait ses étudiants à regarder les faits sociaux ’comme des choses’. Conservé de Mauss, ’sociale’ va de soi, car correspondant en l’occurrence à notre susdite qualification d’une partie -autrement dite ’classe’- de la société, la Mensur s’avérant intrinsèque aux (jeunes) dominants, et confusément peu prisée des dominés ; mais bien sûr existent aussi des pratiques sociétales totalisantes, propres à toute la société : ainsi la conduite automobile, selon des codes de la route nationaux.
’Mettant en branle’ non pas ’la totalité de la société’ ni même ’un très grand nombre (...de ses...) institutions’, en revanche la pratique sociale généralisante imprègne plus ou moins, et de diverses façons (approbation/indifférence/désapprobation), l’essentiel de la société -lequel n’est qu’indirectement concerné : cette pratique peut donc apparaître comme un sous-type spécialisé du type très large des f.s.t. -ou comme un effort pour mieux cerner la notion même de f.s.t. Car cette notion s’avère si extensive que d’innombrables faits sociaux -voire presque n’importe quel fait social- pourraient à quelque égard prétendre à l’adjectif ’totaux’, et l’on ne peut qu’adhérer aux critiques de Thierry Wendling sur les emplois abusifs et désordonnés de cette notion [27] : aussi n’est-ce probablement pas sans raison que Mauss a émaillé sa définition de réserves, comme on l’a vu. On peut donc tenter de réduire cette excessive compréhension [28], en augmentant et précisant, comme tenté ci-dessus, les caractères du f.s.t.
Sans doute les abus en question s’expliquent également par l’apparition du f.s.t. dans l’Essai sur le don mondialement connu, ce qui conduit à étendre la critique de Wendling à certains emplois de ce texte immortel. Car on ne prête qu’aux riches : de même que l’on ne saurait fourrer n’importe quoi dans le sac du f.s.t. au prétexte de son ampleur, il nous semble délicat d’utiliser le concept maussien du don, si riche et heuristique en anthropologie, comme ’paradigme hybride’ au service du global turn [29] : certes ce virage ’global’ des sciences vers une légitime appréhension mondiale des phénomènes requiert le forgeage de puissants outils méthodologiques -dont les travaux de Chloé Maurel offrent une bonne approche-, mais rien n’assure que l’on puisse en rigueur importer de tels outils d’un travail anthropologique de 1923 en une épistémologie un peu discoureuse des années 2010. Autrement intéressantes nous paraissent les propositions d’Etienne Autant faisant suite à l’article de Fistetti, suggérant l’utilité de la notion de partage [30] (ou, chrétiennement moins marquée, celle d’échange ?), plus compréhensive que les concepts de don, contre-don, etc. ; et dans le même sillage, la distinction proposée par Alain Caillé ’(…) entre don-partage et don agonistique, dont je suppose qu’elle recoupe largement la distinction entre systèmes des dons institués et don instituant’ [31]. Mais ce sont là des questions autres, et beaucoup plus larges que celle ici abordée.
R. Bucaille, 16/04/2016.