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Platon sur Facebook

Exposé présenté au colloque international “The Mimetic Turn” organisé en avril 2022 par Nidesh Lawtoo à la Katholieke Universiteit Leuven

Résumé

Socrate : Parmi les nombreuses qualités que je perçois dans l’ordre de notre État, il n’en est aucune qui, à la réflexion, me plaise davantage que la règle concernant Internet.
Glaucon : À quoi fais-tu allusion ?
Socrate : À notre refus d’admettre les médias de type mémétique, car ils ne devraient certainement pas être acceptés [...] Pour le dire entre nous, car vous ne me dénoncerez pas à Facebook et aux autres réseaux mémétiques, tous les mèmes sont faits pour contaminer la pensée de ceux qui les écoutent, à moins qu’en guise d’antidote (pharmakon) ils ne possèdent la connaissance de leur vraie nature (République 595b).

Il nous faut penser le présent, disait Hannah Arendt dans la préface à son recueil d’exercices de pensée politique Between Past and Future [Arendt, 1972]. Il nous faut penser le présent car la pensée naît de l’événement, de ce qui nous arrive ici et maintenant.

Son présent à elle, c’était bien sûr le totalitarisme, qu’elle définissait comme un régime politique totalement inédit, différent aussi bien des diverses formes de tyrannie ou de régimes autoritaires que de la démocratie. Aucun régime, jusque-là, n’avait complètement aboli les différences autour desquelles s’organise, s’articule la polis. La démocratie, en particulier, repose sur la reconnaissance explicite de la division de la société – division horizontale entre partis, classes et opinions, division verticale entre le peuple, demos, et ses représentants. Le totalitarisme, qu’il soit nazi ou stalinien, se caractérisait au contraire, selon Arendt, par une unification et homogénéisation de la société par l’imposition d’une idéologie, par quoi elle entendait la cohérence logique d’une idée, d’un grand récit omni-explicatif qui était rendu réel, littéralement, par la terreur. Tout ce qui venait contredire la cohésion de la Volksgemeinschaft germanique ou de la société sans classes était physiquement supprimé, qu’il s’agisse de « races inférieures » ou de « classes agonisantes ». Importait peu que ce récit idéologique corresponde ou non à la réalité puisque la réalité elle-même pouvait être formée à l’image du récit, à coups de camps de la mort ou de rééducation, d’autodafés ou de révolution culturelle. Les esprits, de même, étaient formés et informés par une propagande centralisée et omniprésente qui diffusait le récit aux masses en faisant appel à tous les moyens de communication de masse disponibles à l’époque – presse, radio, cinéma, sans oublier bien sûr l’art et la littérature.

Notre présent n’est plus celui-là, même si des régimes authentiquement totalitaires sont apparus ici ou là depuis le temps de Hannah Arendt, comme la Chine de Mao, les Khmers rouges ou l’État islamique. Ce à quoi nous assistons de nos jours est la montée des populismes. Eux aussi se caractérisent par une volonté d’abolir la division de la société au profit d’un peuple-un, uni, unanime, à ceci près que cette volonté, contrairement à ce qui se passait dans les régimes totalitaires, surgit de l’intérieur de la démocratie elle-même. On voit souvent dans le populisme une menace pour la démocratie, mais on oublie qu’il en est le défenseur acharné. Le populisme, qu’il soit de droite ou de gauche, ne veut pas moins, mais plus de démocratie, et une démocratie plus directe, plus référendaire, plus représentative du demos : « Stop the steal ! » « Take back control ! » Le populisme veut se débarrasser de toutes les médiations qui séparent le peuple de lui-même – représentants politiques ou syndicaux, corps intermédiaires, institutions gouvernementales, organes d’information, experts, lobbies, eurocrates, tous accusés de décider à la place du peuple, sans le peuple et derrière son dos : « Drain the swamp ! » D’où la propension des mouvements populistes à accorder foi aux théories du complot les plus fantaisistes, dans la mesure où tout discours ou récit officiel devient forcément suspect puisqu’il est distant et donc opaque, non-transparent. Le critère de la vérité n’est plus le consensus des experts au sujet d’un « matter of fact », c’est la proximité du peuple à lui-même : « C’est vrai parce que mon voisin ou mon cousin me l’a dit, et j’y crois précisément parce que les élites, elles, disent le contraire et y voient une fiction sans fondement. » Dans un renversement vertigineux, la rumeur devient plus vraie que le fait le mieux établi dès lors que celui-ci a été établi par des témoins auxquels on ne peut pas se fier. Bienvenue dans le monde des « faits alternatifs » et de la « post-vérité ».

On voit la différence avec le totalitarisme et son régime de vérité : alors que la propagande totalitaire formait des masses unanimes en leur imposant d’en haut un récit unique censé être plus vrai que le réel, les populismes parviennent au même résultat par la prolifération de récits et de rumeurs se propageant de proche en proche, de façon rhizomatique et horizontale. Et s’ils y parviennent si facilement, c’est parce que la proximité a pris un tout nouveau sens avec ces formes inédites de communication de masse que sont les réseaux sociaux électroniques – Facebook, Twitter, TikTok, etc. Naguère, les rumeurs se transmettaient de bouche à oreille et restaient limitées à des réseaux sociaux de proximité, du type congrégation, quartier ou milieu professionnel. Aujourd’hui, elles sont partagées de façon virale par des millions de personnes qui sont toutes « amies » ou « followers » les unes des autres, toutes unies dans un seul et même rejet de ces mensonges que sont les vérités officielles. Que ces rumeurs soient parfois lancées ou retweetées par le chef de l’État lui-même ne change rien à l’affaire, dans la mesure où il se présente comme le premier et plus proche « ami » de ses millions de « followers », qui dénonce les agissements de « l’État profond » et de la cabale de pédophiles dont il est à la fois la victime et le pourfendeur. Le démagogue populiste, contrairement au leader charismatique des régimes totalitaires, est un déconstructeur de la vérité d’État, un clown qui ridiculise sa fonction pour être plus près de nous, sa « base ». Il est comme nous et nous sommes comme lui, « We the people ».

C’est donc cela qu’il nous faut penser, cette socialité électronique et cette politique de la « post-vérité » qui nous semblent détruire à sa base le contrat social et épistémique sur lequel repose la vie démocratique. Comment ce renversement du vrai en faux et du faux en vrai est-il même possible ? Comment des citoyens éclairés et respectueux des lois peuvent-ils ainsi se transformer du jour au lendemain en une foule irrationnelle, émotive, violente, insurrectionnelle ? Ce n’est évidemment pas du côté des philosophies modernes du contrat social qu’il faut chercher une réponse puisque c’est justement ce contrat que les populismes font voler en éclats. Je propose donc de remonter dans le passé, comme faisait toujours Hannah Arendt, et plus particulièrement à Platon, le père de la philosophie politique, pour trouver les moyens de comprendre notre présent.

***

Le grand texte de Platon sur les réseaux sociaux est le Ion. Ion d’Éphèse, dans ce dialogue qui porte son nom, est un rhapsode, c’est-à-dire un récitant professionnel de poésie homérique. Les rhapsodes, vêtus de somptueux costumes de couleur rouge, déclamaient ou pour mieux dire interprétaient, mimaient des passages d’Homère, d’Hésiode ou d’Archiloque (ceux-ci étant en grande partie au style direct, la récitation des rhapsodes se rapprochait forcément du jeu de l’acteur). Les rhapsodes se produisaient notamment lors des compétitions rhapsodiques qui se tenaient lors des festivités religieuses des cités grecques, comme les Panathénées athéniennes. Ces fêtes, tout comme les Grandes Dionysies durant lesquelles se tenaient à Athènes les concours tragiques, étaient des événements civiques qui rassemblaient tous les habitants, hommes, femmes et métèques à l’exception des esclaves (Platon, dans le Ion, parle d’un public de 20 000 personnes). Les citoyens y communiaient dans le rappel rituel des grands récits (muthoi) fondateurs dans lesquels les poètes, notamment Homère, le « père de la Grèce », narraient les origines divines et humaines de la cité. Dans cette culture encore largement orale qu’était la Grèce des Ve et IVe siècles, la rhapsodie et le théâtre tragique étaient, littéralement, les moyens de communication de masse de l’époque, tout comme la poésie était l’instrument essentiel de l’éducation (paideia) [1].

Donc un jour Socrate rencontre Ion qui revient du festival d’Épidaure où il a gagné le premier prix en récitant une fois de plus Homère. Car Ion est spécialisé dans l’interprétation (hermeneia) d’Homère, un peu comme Laurence Olivier était spécialisé dans celle de Shakespeare ou Glenn Gould dans celle de Bach. Socrate lui avoue qu’il envie sa profession (technê), qui lui permet de revêtir de si beaux atours et surtout d’être l’« interprète de la pensée du poète auprès de ceux qui écoutent », ce qui est « impossible s’il ne sait pas ce que le poète veut dire (oti legei) » [Ion, 530c]. Technê, qui est traduit ici par « profession » et ailleurs par « art » ou « métier », veut dire plus précisément le savoir-faire d’un spécialiste, le savoir qui permet à quelqu’un de faire quelque chose, et une seule chose. Socrate y insiste à plusieurs reprises, aussi bien dans le Ion que dans La République : « Le dieu a attribué à chaque profession la faculté de juger d’un certain ouvrage » [Ion, 537c], de sorte que le pilote n’a pas la même technê que le médecin, le médecin pas la même technê que le menuisier, et ainsi de suite.

Or comment se fait-il, demande alors Socrate, que Ion ne sache interpréter que ce que dit Homère, son logos, et pas ce que disent d’autres poètes ? Archiloque et Hésiode parlent eux aussi de divination ou de guerre, tout comme Homère, mais Ion ne sait en parler que comme Homère en parle, en adoptant sa façon à lui d’en parler, sa lexis. Ion est bien obligé d’en convenir, il ne poétise et ne rhapsodie bien que lorsqu’il s’agit d’Homère. Donc son art n’est pas la technê de « la poésie prise comme un tout » [532c] et ce n’est pas, lui explique assez longuement Socrate, une technê du tout :

Ce don que tu as de bien parler sur Homère n’est pas une technê, ainsi que je viens de le dire : c’est une force divine (theia dunamis) qui te transporte, semblable à celle de la pierre qu’Euripide a appelée magnétique, et qu’on appelle ordinairement pierre d’Héraclée. Cette pierre non seulement attire les anneaux de fer, mais leur communique la vertu de produire le même effet et d’attirer d’autres anneaux ; en sorte qu’on voit quelquefois une longue chaîne de morceaux de fer et d’anneaux suspendus les uns aux autres, qui tous empruntent leur vertu de cette pierre. De même la Muse. Elle rend les hommes inspirés [entheous, enthousiastes] et comme par ces inspirés d’autres reçoivent l’inspiration, il s’établit une chaîne. Tous les excellents poètes épiques, ce n’est pas par l’effet d’une technê, mais en état d’inspiration et de possession qu’ils composent tous ces beaux poèmes et les poètes lyriques de même, tout comme ceux qui font les Corybantes qui ne sont pas dans leur bon sens quand ils dansent […], ils sont en état de transe bachique et possédés [533d-534a].

Les poètes, continue Socrate, ne sont que les « interprètes des dieux, chacun possédé par la divinité qui les tient », et les rhapsodes à leur tour sont des « interprètes d’interprètes » [534e-535a], chacun tenu, « pris » par le poète par lequel ils sont possédés, avant de transmettre cet enthousiasme à leur public (hermeneia, l’interprétation, veut aussi dire transmission) :

Vois-tu à présent comment le spectateur est le dernier de ces anneaux dont je parlais, qui reçoivent des uns des autres la force que leur communique la pierre d’Héraclée ? Toi le rhapsode et l’acteur (hupokritês), vous êtes l’anneau du milieu et le premier est le poète lui-même [535e-536a].

Voici donc une chaîne, un réseau social par lequel se transmet de proche en proche une « force divine » qui attache ses membres les uns aux autres. Or, ce qui est ainsi transmis n’est pas un contenu, un message, un logos divin, c’est un état bien particulier qui permet la transmission, la contagion magnétique. C’est ce que Platon appelle ici l’enthousiasme (enthusiasmos), et plus précisément encore la transe de possession (katokôchê). Le poète, puis le rhapsode et l’acteur, puis le public sont tous entheous, enthousiastes, c’est-à-dire, littéralement, « en-dieués » : ils deviennent le dieu (theos) lui-même, chacun à son tour.

La référence aux Corybantes et aux Bacchants fera comprendre de quoi il s’agit. Les Corybantes, ou plus exactement ceux qui « faisaient les Corybantes », célébraient des rites (teletai) destinés à soulager les personnes atteintes de ce que Platon appelle dans le Phèdre la folie « télestique » ou rituelle [Phèdre, 265b]. On jouait sur l’aulos des mélodies phrygiennes attribuées au Silène Marsyas et à son disciple Olympos, deux figures légendaires du panthéon dionysiaque, sur quoi le célébrant, reconnaissant le signal du dieu, entrait en transe et se mettait à exécuter une danse furieuse durant laquelle il imitait le comportement du daimôn dont il était possédé. Dans Les Lois, Platon évoque ainsi « la danse bacchique et ceux qui s’adonnent à ces danses qu’ils miment (mimounthai) en évoquant, prétend-on, des Nymphes, des Pans, des Silènes et des Satyres avinés, dans certains rituels de purification (katharmoi) et d’initiation (teletai) » [Les Lois, 815c]. Le rituel corybantique auquel Platon compare l’enthousiasme des poètes, des rhapsodes, des acteurs et de leur public consistait par conséquent en une mimêsis spectaculaire au cours de laquelle le célébrant s’identifiait littéralement à la divinité qui l’agitait et trouvait de la sorte une délivrance et purification « cathartique » (c’est le terme utilisé par Aristote dans un contexte identique [Politique, 1342a]).

La chaîne ou réseau magnétique du Ion est donc une chaîne ou un réseau mimétique où chacun entre à son tour dans la danse pour devenir autre, le même qu’un autre. D’où son caractère contagieux, viral : derrière les danses des Corybantes se profilent les chorées rituelles des bacchantes, ces orgies de femmes à caractère extatique dont le pauvre Penthée, dans la tragédie d’Euripide, disait qu’elles se propagent « comme un feu d’incendie » [Les Bacchantes, 778]. L’entraînement mimétique de la danse/transe de possession est proprement irrésistible (qu’on songe aux danses de Saint Guy et de Saint Jean dans lesquelles Nietzsche et son ami Erwin Rhode voyaient un retour du dionysiaque, ou encore aux épidémies de possession démoniaque de Loudun, Louviers ou Morzine). Ce que Platon décrit ici est très exactement ce que d’autres, au tournant des XIXe et XXe siècles, appelleront diversement « contagion psychique », « hystérie collective » ou « psychologie des foules », tous phénomènes caractérisés par une malléabilité subjective et une contamination – « imitative » disait Tarde, « identificatoire » disait Freud – entre les individus.

De fait, l’enthousiasme qui se communique des uns aux autres n’est pas quelque chose qui serait communiqué, c’est la communication elle-même, la réceptivité à l’autre. L’enthousiasme mimétique est communicatif. Lorsque Ion interprète, c’est-à-dire « transmet » Homère, ce n’est pas tant Homère qui le possède, c’est l’état d’enthousiasme qui avait permis à Homère d’être possédé, inspiré par ses personnages et qui lui permet à lui aussi, Ion, d’incarner les rôles d’Andromaque, d’Hécube ou de Priam en éprouvant toutes leurs émotions et en les faisant éprouver à leur tour par ses auditeurs : « Quand je déclame un morceau pitoyable (eleinon) », explique-t-il à Socrate, « mes yeux se remplissent de larmes, et quand c’en est un terrifiant (phoberon) et horrible, les cheveux me dressent sur la tête et le cœur me bat » [Ion, 535c] (on aura reconnu au passage l’effet propre à la tragédie selon Aristote, la fameuse katharsis de la crainte, phobos, et de la pitié, eleos).

***

Dans le Ion, Platon se contente de décrire cette dunamis enthousiasmante de la mimêsis poétique, rhapsodique et tragique, la qualifiant même de divine. Dans La République, en revanche, il la condamne fermement. C’est même, explique Socrate à Glaucon au tout début du Livre X, la raison pour laquelle il a fallu exclure de la cité la poésie de type mimétique :

Pour le dire entre nous – car vous n’allez pas me dénoncer aux poètes tragiques et autres imitateurs (mimetikous) – toutes les œuvres de ce genre endommagent, ce semble, l’esprit de ceux qui les écoutent lorsqu’ils n’ont pas comme antidote (pharmakon) la connaissance de ce qu’elles sont réellement [La République, 595b].

Socrate y revient un peu plus loin :

Mais nous n’avons pas encore accusé la poésie du plus grave de ses méfaits. Qu’elle soit capable, à de rares exceptions, de prendre possession (lambasthai) [2] même des meilleurs, voilà qui est redoutable. […] Quand nous entendons Homère ou quelque autre poète tragique imiter un héros dans la douleur qui, au milieu de ses lamentations, s’étend en une longue tirade, ou chante ou se frappe la poitrine, tu sais que même les meilleurs d’entre nous éprouvent du plaisir et nous nous laissons aller. Nous l’accompagnons de notre sympathie et nous louons comme un poète excellent celui qui pour ainsi dire nous met dans le même état que son héros [605c-605d].

On remarquera au passage que cette sumpatheia (l’éprouver-avec, la com-passion), a lieu lorsqu’on écoute « Homère ou quelque autre poète tragique imiter un héros dans la douleur », etc. Non seulement Platon identifie purement et simplement le poète épique et le poète tragique (ce qui à vrai dire était courant à l’époque : on citait souvent la déclaration d’Eschyle selon qui ses tragédies étaient des « miettes tombées du banquet d’Homère »), mais il les met tous deux en scène, littéralement, comme des rhapsodes ou des acteurs tragiques jouant des rôles devant nous, les auditeurs. Un peu plus haut, Platon avait d’ailleurs utilisé le verbe rhapsodier (rhapsôdein) pour décrire Homère et Hésiode récitant leurs vers [600d]. La raison de cet écrasement de toutes les différences entre poètes, rhapsodes et acteurs est bien sûr que pour lui ce sont tous des interprètes, des hermeneis, c’est-à-dire des miméticiens enthousiasmés et enthousiasmants, magnétisés et magnétisants, inspirés et inspirants.

Socrate met alors en garde contre cette contagion « sympathique » qui fait échapper la partie passionnelle, « thymique », de l’âme au contrôle de sa partie rationnelle, bouleversant du même coup la division hiérarchique de l’âme qui fait écho à la division hiérarchique de la cité en professions et compétences (technai) distinctes :

L’élément le meilleur de nous-mêmes, n’étant pas suffisamment formé par la raison et l’habitude, se relâche de son rôle de gardien vis-à-vis de cet élément porté aux lamentations, sous prétexte qu’il est simple spectateur des malheurs d’autrui, que pour lui il n’y a pas de honte à louer et à plaindre un autre qui […] verse des larmes mal à propos. Car il est donné à peu de personnes, j’imagine, de faire réflexion que ce que l’on éprouve à propos d’autrui affecte inévitablement ce que l’on éprouve soi-même et qu’il n’est pas facile de contenir la pitié que nous avons pour nos propres malheurs quand nous l’avons nourrie et fortifiée dans ceux d’autrui. […] La mimêsis poétique a le même effet sur nous en ce qui concerne le sexe et la colère, et tous les autres désirs et sentiments de peine et de plaisir qui accompagnent toutes nos actions. Elle les nourrit et les arrose alors qu’il faudrait les dessécher, elle leur laisse nous contrôler alors que nous devrions les contrôler [606a-606d].

La mimêsis poétique est un accélérateur des passions, un peu comme les modernes algorithmes de Facebook ou de Twitter. Elle nous passionne, nous affecte, nous infecte, et elle exerce à ce titre un véritable pouvoir sur nous. Sous son emprise, nous épousons les passions d’autrui et devenons proprement irresponsables, incontrôlables, puisque nous ne sommes plus nous-mêmes. Il ne faut donc pas croire, nous dit en essence Platon, qu’il s’agit d’un simple simulacre, d’une copie inoffensive et sans réalité.

Or, c’est pourtant bien ce qu’il venait d’affirmer un peu plus haut en définissant la mimêsis non pas comme « l’imitation de ce qui est tel qu’il est », mais comme « l’imitation de ce qui paraît (phainomenon) tel qu’il paraît », c’est-à-dire une simple apparence ou semblance (phantasma) [598b]. On connaît ce texte fameux :

1. le dieu produit l’Idée ou Forme (idea, eidos) du lit, qui est unique et seule réelle ;

2. le fabricant de lit (demiourgos klinês) « ne fait rien de réel mais quelque chose qui est semblable à ce qui est sans l’être vraiment » [597a], soit ce que Platon appelle ailleurs une image ou copie (eikôn), qui est une imitation (mimêsis) ressemblante, « eikastique », de l’original [Le Sophiste, 235d-236a] ;

3. le peintre produit une « apparence » ou « semblance » du lit fabriqué, soit ce que Platon appelle ici tout simplement une mimêsis et plus précisément, dans Le Sophiste, une imitation (mimêsis) « phantastique » [236b].

Le peintre, tout comme « le faiseur de tragédies (tragôdopoios) » est, « en tant que miméticien, par nature éloigné de trois degrés du roi et de la vérité, comme le sont aussi tous les autres miméticiens » [La République, 597e]. Soit donc le modèle, la copie, et la copie de la copie. Ou encore, comme disait Gilles Deleuze [1966], le Même, le Semblable et le Simulacre.

C’est à cette hiérarchisation ontologique qu’on s’arrête d’ordinaire, alors même qu’on entend la renverser de façon nietzschéenne ou baudrillardienne : le simulacre ou phantasme mimétique aurait moins d’être, dit-on, que l’Idée et que sa copie conforme, c’est-à-dire la bonne mimêsis eikastique. Mais pourquoi alors ce pâle fantôme serait-il si dangereux, et si dangereux politiquement, au point que Socrate voie dans l’exclusion des poètes miméticiens l’acquis essentiel du plan qu’il a dessiné pour la polis  ? [595a] En réalité, le passage sur les trois lits ne porte pas tant sur l’être des imitations, bonnes ou mauvaises, que sur l’être ou pour mieux dire l’identité de l’imitateur. Soit l’artisan, le demiourgos, imite toujours le même modèle pour produire ou faire toujours la même chose, auquel cas il a une technê en propre qui le définit, l’identifie comme fabricant de lit, pilote ou médecin. Soit il est comme le demiourgos fantastique qu’imagine Socrate, qui peut créer n’importe quoi en promenant un miroir, auquel cas il est un miméticien, c’est-à-dire un polytechnicien qui n’a aucune technê en propre. « Le peintre », dit Socrate, « nous représentera un cordonnier, un charpentier ou tout autre artisan (demiourgous) sans avoir aucune connaissance de leurs métiers (tôn technôn) » [598c]. De même pour les faiseurs de tragédies et leur « père, Homère », dont « on ne cesse de nous dire que ces poètes connaissent toutes sortes de métiers (technas) » [598d].

Voilà donc pourquoi les miméticiens sont si dangereux : ils imitent tout le monde, déstabilisant de la sorte la stricte division des rôles et des identités sur laquelle Socrate, au Livre II, avait fondé la cité juste : « Un homme, une technê ». Pire encore, les miméticiens nous invitent à imiter leur mimétisme, à entrer dans la danse de l’enthousiasme et à devenir à notre tour un anneau dans la chaîne ou le réseau mimétique. Socrate le disait bien, les œuvres du genre mimétique « endommagent, ce semble, l’esprit de ceux qui les écoutent lorsqu’ils n’ont pas comme antidote (pharmakon) la connaissance de ce qu’elles sont réellement ».

***

Cet antidote, c’est bien sûr la théorie des Idées, qui permet ici d’arrimer chaque technê, et donc aussi chaque artisan, au modèle unique et invariable auquel il leur faut se conformer (qu’il leur faut imiter, donc). Où l’on voit que l’ontologie platonicienne est avant tout une politique des Idées, un moyen de stabiliser la division de la société en distribuant de façon rigide les compétences et les identités : « Une Idée, un homme, une technê ». On remarquera toutefois que cette ontologie, il a d’abord fallu la créer, la construire et même, très littéralement, la fictionner, car elle est présentée dans le Livre VII sous la forme d’un récit (muthos), celui de la Caverne, et cela à l’intérieur de ce récit ou mythe plus large qu’est La République elle-même. Rappelons que Socrate, dans ce dialogue, « trace le plan », comme dit Glaucon, « d’une cité qui n’est fondée que dans nos paroles (logois), car je pense qu’elle n’existe nulle part sur terre » [592a]. Ayant « jeté par la parole (tô logô) le fondement d’une cité » [369c], à savoir le « principe vrai » selon lequel « il est impossible à un seul homme d’exercer plusieurs métiers (technas) » [374a], Socrate propose au Livre II de créer un corps de « gardiens » pour protéger la cité contre la violence tant interne qu’externe. Il faudra donc former, c’est-à-dire éduquer, des hommes ayant un caractère correspondant à cette technê qui va être, nous l’apprendrons plus loin, la technê des philosophes-rois (et reines) :

Eh bien, comme si nous racontions une fable à loisir (muthologountes) […], faisons l’éducation de ces hommes dans notre discours (logô) [376d].

Il se trouve que ce logos pédagogique est un discours au sujet du pouvoir pédagogique du logos, plus précisément des récits (muthoi) qu’on raconte aux enfants. La paideia grecque reposait pour une part sur la gymnastique et pour une autre part sur la mousikê, l’art ou domaine des Muses, c’est-à-dire pour faire bref la récitation orale, chantée et souvent dansée des hauts faits des dieux et héros de la Grèce narrés par les poètes. Or, explique Socrate, ces récits qu’on raconte aux enfants ont beau être de la fiction ou du mensonge (pseudos), ils n’en forment pas moins leur psuchê, c’est-à-dire leur esprit et leur caractère : « Car c’est alors qu’on les façonne et qu’ils reçoivent l’empreinte [ou le modèle, tupos] [3] dont on veut les marquer. » [377b] C’est là bien sûr le principe même de la paideia, mais là c’est aussi son danger : la psuchê des enfants et plus généralement des hommes est mimétique, elle prend modèle sur tout ce qu’on lui raconte, qu’il s’agisse d’un logos vrai ou d’un logos faux [377a]. C’est le régime de la post-vérité, qu’il vaudrait d’ailleurs mieux appeler pré-vérité car il précède la distinction entre vérité et fausseté. Éternels enfants, nous devenons – mieux, nous sommes – les récits qu’on nous raconte, par-delà le vrai et le faux, par-delà le bien et le mal.

Puisque telle est notre condition mimétique, il faut donc, poursuit Socrate, contrôler le logos des poètes afin de ne proposer aux futurs gardiens que des modèles ou types qui formeront leur esprit et leur caractère dans le sens désiré. C’est la logique séculaire de la censure, qu’on retrouve de nos jours dans la discussion autour des médias et des réseaux sociaux. On notera à ce propos que Socrate se défend de forger à son tour des mythes, alors que c’est pourtant bien ce qu’il fait :

Adimante, toi et moi ne sommes pas des poètes mais des fondateurs de cité, et à des fondateurs il appartient de connaître les modèles (tupous) que doivent suivre les poètes dans leurs histoires et de défendre qu’on s’en écarte, mais ce n’est pas à eux de composer des histoires (muthous) [379a].

Socrate enjoint en conséquence aux poètes de dépeindre des dieux et des héros vertueux, honnêtes, tempérants, courageux, etc., afin que les futurs gardiens se modèlent sur eux. En particulier, les poètes ne devront pas représenter un dieu qui change de forme, comme Protée [380d-381e], car les gardiens doivent se régler sur un modèle, un modèle un qui « reste toujours immuable dans la forme qui lui est propre » [381c], faute de quoi ils se régleraient sur un miméticien apte à toutes sortes de rôles et de technai.

Or c’est là une menace pour la stabilité des écarts différentiels sur lesquels Socrate a fondé la cité et c’est pourquoi il faut censurer non seulement le logos des poètes, ce qu’ils disent, mais aussi leur lexis, leur façon de dire. Le poète, celui qui raconte ces récits, ne doit pas donner le mauvais exemple de quelqu’un qui parle « comme s’il était quelqu’un d’autre » [393c]. C’est la distinction bien connue entre la narration simple (haplê diêgêsis), où le poète pratique le style indirect sans se confondre avec celui dont il parle, et la narration mimétique (mimêsis), où il pratique le style direct, en imitant, donc, les personnages qu’il fait parler. Cette idée d’une imitation de ses personnages par le poète peut certes nous sembler étrange à nous qui associons poésie à littérature, c’est-à-dire à écriture, mais elle allait au fond de soi dans une culture encore largement orale pour laquelle l’archi-poète, Homère, était un aède qui chantait, interprétait, jouait les récits de sa composition. Encore dans La Poétique [1455a], Aristote recommande au poète, lorsqu’il compose ses histoires, de leur « donner une forme achevée en effectuant les gestes appropriés », comme s’il était sur scène. Le jeune Nietzsche s’en souviendra : « Eschyle composait comme il jouait, en acteur » [Nietzsche, 1977, p. 236]. Le poète, dès qu’il donne la parole à des dieux et à des héros, est forcément un mime, un mimos qui incarne toutes sortes de rôles. [4]

Mais dans notre Cité, déclare Socrate, « il n’y a pas d’homme double ni multiple, attendu que chacun n’y fait qu’une seule chose » [397e]. On en bannira donc tous les raconteurs miméticiens – poètes épiques et rhapsodes, poètes tragiques et acteurs –, pour ne retenir que le raconteur plus austère qui propose des modèles, des tupoi distincts et invariables, en restant lui-même invariable. Ainsi seulement pourra-t-on former des gardiens qui resteront à leur tour invariables, chacun à sa place, avant de devenir des philosophes en tournant leur regard vers le règne des Idées immuables du Beau, du Juste et du Bien, conversion de l’âme qui est le but ultime de la paideia [518b-518d].

Voilà, sommairement résumé, ce que dit Platon dans un récit qui est celui de la formation des philosophes. Mais comment le dit-il ? Il le dit dans un récit où il parle à travers un narrateur général, Socrate, qui lui-même oscille entre des passages narratifs et des passages mimétiques dans lesquels il fait parler au style direct Glaucon, Adimante et les autres. Platon fait donc, comme cela a été souvent souligné, cela même qu’il reproche aux poètes et aux rhapsodes. Cela est d’autant plus vrai que Platon, comme le rappelle Pierre Hadot [1995, p. 118], lisait ses dialogues à haute voix dans des séances de lecture publique qui étaient dans cette culture majoritairement orale un moyen de transmettre ses idées [voir aussi Détienne, 1981, p. 71-72]. Il devait par conséquent « interpréter », mimer Socrate et les autres, à la façon d’un rhapsode ou d’un acteur. Les dialogues de Platon, dit encore Hadot, n’étaient pas écrits pour « informer » ses auditeurs, mais pour les « former », les « transformer » [Hadot, p. 118] : « Les dialogues peuvent être considérés comme des ouvrages de propagande, parés de tous les prestiges de l’art littéraire, mais destinés à convertir à la philosophie » [ibid., p. 116] et leur finalité était éminemment politique [ibid., p. 124].

Il s’agissait, plus précisément, de former, façonner, fictionner des citoyens-philosophes à l’aide de mythes appropriés tout en leur faisant croire qu’ils étaient nés et non pas faits tels. Socrate, dans La République, recommande de commettre un pieux mensonge (pseudos), « utile remède » (pharmakon chresimon, [382c, 389b]) réservé aux gouvernants (et plus encore aux fondateurs-de-cité-qui-ne-sont-pas-des-poètes). Aux gardiens, on racontera l’antique fable « phénicienne » de la fondation de Thèbes, comment Cadmos, « comme l’ont dit et fait croire les poètes », avait semé des dents de dragon dans la terre dont étaient sortis tout armés les hoplites qui allaient défendre la nouvelle cité, etc. :

J’essaierai de persuader d’abord aux chefs de cité, puis aux guerriers, et ensuite au reste des citoyens, que cette éducation et instruction qu’ils ont reçues de nous et dont ils croyaient avoir le sentiment et l’expérience, tout cela n’était qu’un songe ; qu’en réalité ils étaient alors formés et élevés au sein de la terre, eux, leurs armes et tout leur équipement ; qu’après les avoir entièrement formés la terre, leur mère, les a mis au jour ; que dès lors ils doivent regarder la terre qu’ils habitent comme leur mère et leur nourrice, la défendre contre qui l’attaquerait, et traiter les autres citoyens en frères, en fils de la terre comme eux [414d-414e].

Mais arriverons-nous, demande alors Socrate, « à faire croire ce muthos » ? Non, répond Glaucon, du moins « à ceux dont tu parles, mais il me semble qu’on peut le persuader à leurs fils, à leurs descendants et à tous ceux qui naîtront dans leur suite ». Eh bien alors, conclut Socrate, « laissons cela », notre mythe, « faire son chemin comme il plaira à la rumeur » [415c-415d]. Personne ne conteste la rumeur, phêmê, qui se propage de bouche à oreille, car elle est sans âge et sans créateur – sans poietês.

On aura compris que ce que Platon raconte dans le récit de La République est très exactement ce qu’il fait avec nous, son public captif et captivé. Il nous éduque et nous forme en nous racontant le mythe d’une cité où chacun reste à sa place, sur son quant-à-soi, sans se laisser entraîner dans la chaîne mimétique des conteurs de fables et des démagogues. Mais c’est en utilisant la mimêsis contre la mimêsis, la puissance du mythe et du story-telling contre le mythe, l’enthousiasme philosophique contre l’enthousiasme des foules et des réseaux sociaux. L’antidote (pharmakon) contre le poison de la mimêsis, c’est ce poison (ce pharmakon) même. Cela s’appelle la philosophie, utile rumeur.

Références bibliographiques

Arendt Hannah, 1972, La crise de la culture, Paris, Gallimard.

Havelock Eric A., 1963, Preface to Plato, Cambridge, MA, Harvard University Press.

Deleuze Gilles, 1966, « Renverser le platonisme. (Les simulacres) », in Revue de métaphysique et de morale, 4.

Détienne Marcel, 1981, L’invention de la mythologie, Paris, Gallimard.

Lacoue-Labarthe Philippe, 1975, « Typographie », in Collectif, Mimesis desarticulations, Paris, Aubier-Flammarion.

Nietzsche Friedrich, 1977, Œuvres philosophiques complètes, tome I, Paris, Gallimard.

Rouget Gilbert, 1980, La musique et la transe, Paris, Gallimard.

Roux Georges, 1961, « Le sens de ΤΥΠΟΣ », Revue des études anciennes, tome 63.

// Article publié le 19 juillet 2024 Pour citer cet article : Mikkel Borch-Jacobsen , « Platon sur Facebook  », Revue du MAUSS permanente, 19 juillet 2024 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Platon-sur-Facebook
Notes

[1Voir à ce sujet l’ouvrage pionnier de Havelock, 1963.

[2Comme le signale Gilbert Rouget [1980, p. 272], le verbe lambanô, “prendre”, “s’emparer de”, faisait partie du vocabulaire de la possession : on était “pris” par le dieu, tout comme de nos jours encore on est “pris” par les sorts.

[3Sur ce terme, voir Roux, 1961, et Lacoue-Labarthe, 1975.

[4C’est pourquoi Aristote, toujours dans Poétique 1455a, ajoutait que “l’art du poète appartient à l’esprit doué d’une heureuse aptitude, ou à celui qu’emporte le délire de l’inspiration. Le premier est apte à se mouler (euplastoi) aisément sur n’importe quel personnage, le second est prédisposé à se mettre hors de lui (ekstatikoi)”. De même Agathon, dans les Thesmophories d’Aristophane : “Il faut que le poète, conformément aux drames qu’il doit faire, ait les façons d’être en accord avec ces drames. […] Les qualités que nous n’avons pas, c’est à la mimêsis de nous les procurer” (149-156).

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