A propos de « Pour un manifeste du convivialisme », d’Alain Caillé
Critique de Denis Clerc parue dans Alternatives économiques, n°307 novembre 2011.
Le Bord de l’eau, Paris, 2011, 12 euros.
Voici un petit livre qu’il ne faut surtout pas louper. Même si le titre peut paraître énigmatique, voire repoussant, alors que pour l’auteur, il désigne la « vision commune qui se cherche à travers de multiples initiatives ou courants de pensée » critiques de notre système social. Il s’agit en effet de trouver une façon de vivre ensemble sans occulter ou dénier les oppositions, les divisions et les conflits qui existent nécessairement dans toute démocratie.
Le problème est que la croissance économique est devenue l’huile qui permet à nos démocraties actuelles de fonctionner. Chacun – y compris les gouvernements – compte sur elle pour régler les conflits et réduire les inégalités. C’était partiellement illusoire, c’est en train de devenir impossible : la « boucle émissaire de la croissance » (joli jeu de mots sur le thème du bouc émissaire) se heurte désormais aux limites environnementales. Ce qu’il nous faut donc, c’est « conjurer l’illimitation », car « le désir insatiable de certains nourrit la haine de tous ». Mais sans rompre avec le progrès car « ce qu’il importe de montrer, ce n’est pas d’abord ce à quoi l’humanité doit renoncer pour sauver la planète, mais tout qu’elle a à gagner à le faire ».
L’auteur plaide donc pour un revenu maximum, un « état économique stationnaire dynamique », la fin de l’occidentalo-centrisme culturel, l’essor de la société civile qui vise moins à l’intérêt individuel qu’au bien commun et, surtout, la valorisation de la gratuité, par opposition au tout-marchand du néolibéralisme. Impossible de résumer ici ce qu’en dit l’auteur, mais, incontestablement, il ouvre des portes, pour l’instant essentiellement intellectuelles, mais qui peuvent inspirer bien des actions. À lire, vous dis-je, et de toute urgence ».