Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Alain Caillé

Quel avenir pour la gauche ?

Texte publié le 2 février 2010

Cet article, paru dans Libération le 1 janvier 2010, est une réaction à l’article de Jacques Julliard, Vingt thèses pour répartir du pied de gauche, également paru dans Libération.

Comment ne pas être d’accord avec le diagnostic de Jacques Julliard ? La montée en puissance dans les années 1980 d’un capitalisme actionnarial a peu à peu enrayé la dynamique démocratique et avec elle l’espoir d’un approfondissement et d’une universalisation progressive du modèle incarné par le capitalisme rhénan, la social-démocratie scandinave ou la planification à la française. La mondialisation a permis l’enrichissement des classes dominantes – ou de leurs dépendants- des pays les moins développés mais, loin de permettre à ces pays d’accéder aux normes de protection sociale et de qualité des services publics dont pouvait s’enorgueillir l’Europe occidentale, elle a commencé à les éroder et à remettre de plus en plus fortement en question tout un ensemble de « conquêtes sociales » qui avaient pu sembler définitivement acquises. La construction européenne qui visait à les généraliser en Europe s’est retournée contre ses ambitions initiales en autorisant le dumping fiscal et social. Symétriquement, l’augmentation indéfinie du nombre des pays membres, au lieu de démultiplier leur puissance politique n’a abouti qu’à la fragmenter jusqu’à rendre l’Europe politiquement inaudible, invisible et impuissante à l’échelle du monde. Et avec elle, ce qui est plus grave, tous ceux qui croient encore au programme de progrès démocratique traditionnellement porté par la gauche. D’autant plus, d’ailleurs, que cette dernière s’est gravement discréditée pour ne pas avoir su, pu ou voulu s’opposer à cette mainmise du capitalisme financier, quand elle ne s’est pas compromise avec lui.

Quant aux remèdes, la direction générale indiquée par J. Julliard semble juste, mais elle fait preuve de trop de timidité pour pouvoir espérer remobiliser le peuple de gauche en France ou ailleurs.

NOTES