Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Dominique Bodin et Sophie Javerlhiac

Sportifs de haut niveau 
Illusions et désillusions face à la machine à rêves

Texte publié le 21 avril 2016

Le sport de haut niveau constitue une formidable machine à rêver. Pour autant, montre cet article, il comporte nombre de faces cachées ou éludées qui permettent de garder (ou donner) une image positive du sport. Au-delà des vertus laudatives se posent en effet nombre de problèmes et de questions : comme savoir de quoi ils vivent alors qu’ils ne travaillent pas, « l’enfermement » ou l’aliénation qu’ils subissent, la santé, les blessures et les maladies dont ils souffrent, le dopage comme mode d’intégration au groupe et comme viatique à l’effort et à la récupération, l’impossibilité pour beaucoup de suivre des formations malgré les textes légaux, les difficultés de reconversion qui en découlent, sans parler de la question de la retraite… Finalement le sport de haut niveau pose le problème de l’éthique des dirigeants politiques et sportifs. Éthique bien davantage tournée vers la « conviction » que vers la « responsabilité ».

Si le sport de haut niveau offre nombre de rêves et d’illusions à ceux qui s’y adonnent ainsi qu’à ceux qui admirent les sportifs de renom, il est également fait de beaucoup de désillusions. Notamment, pour ceux qui n’ont pas réussi à réellement percer au plus haut niveau ou, encore, qui rencontrent maintes difficultés au moment de se reconvertir, ou rencontrent des problèmes de santé que ce soit durant la carrière sportive voire bien plus tard ou, encore, ont des soucis de retraite pour ceux qui sont en âge de la demander. La machine à rêves et à rêver cède alors le pas à des réalités sociales d’autant plus douloureuses que ces jeunes hommes et femmes ont espéré ou vécu une vie hors normes.

La machine à rêves : entre rêves et réalités

Le sport de haut niveau et, plus particulièrement, les têtes d’affiches, ceux qui sont les plus médiatisés ou les plus médaillés, offrent, en effet, une part de rêve aux jeunes qui s’engagent dans un sport. Ce, dès lors qu’ils sont motivés par la compétition et obtiennent quelques résultats. L’augmentation du nombre de licenciés après chaque titre Olympique ou Mondial, quel que soit le sport, est là pour témoigner de cet impact sur les jeunes. Très souvent, encouragés en cela par leurs parents qui ambitionnent autant qu’eux, voire plus parfois, de les voir devenir célèbres, riches et adulés, ils sont prêts à tous les sacrifices pour ressembler à leurs idoles, les égaler et les dépasser.

La fonction opiacée du sport de haut niveau crée une sorte de brouillard social qui empêche de voir la partie immergée de l’iceberg, de penser ses dérives, d’observer l’aliénation qu’il crée parfois (Brohm, 2006). Cela a pourtant maintes fois, et depuis très longtemps, été dénoncé par le courant critique de la Sociologie des sports sans que l’on y prête attention, trouvant très souvent les propos outranciers, voire déplacés, au regard des vertus laudatives fréquemment attachées « naturellement » aux sports modernes (Brohm, 1976 ; 1993). Deux méprises principales conduisent à cet égarement.

Une première tient dans la confusion entre sport de haut niveau et sports professionnels, entre sport de haut niveau et gain d’argent… au point que rarement le grand public se demande : « de quoi vivent-ils ? ». Champion Olympique, du Monde ou d’Europe, a fortiori simplement médaillé, ne veut pas dire être riche ou, plus simplement, avoir des revenus. Encore faut-il que le sport soit médiatisé. Tous ne sont pas footballeurs professionnels, pilotes de formule 1, tennismen au plus haut niveau, basketteurs évoluant en NBA, etc. Tous ne sont pas, non plus, des sportifs qui, en raison d’une plastique ou d’une aura particulières, bénéficient de contrats publicitaires à l’instar de Florent Manaudou ou de Teddy Riner. Tous n’évoluent pas, également, dans des sports dotés de primes comme dans les meetings d’athlétisme, les courses cyclistes et autres. Un coup d’œil au classement Forbes 2015 des sportifs les mieux payés permet tout simplement de constater, outre, l’énormité de certains revenus, d’un côté, les écarts considérables entre sportifs, d’un autre côté, l’inexistence totale de certains sports et l’absence des femmes.

Cette méprise est souvent entretenue par les journalistes par négligence, pure méconnaissance ou, plus simplement, désintérêt et calcul. La dénonciation de ces difficultés les conduisant, sans aucun doute, à ne plus être invités par les fédérations concernées lors des grandes compétitions voire à ne plus être accrédités pour interviewer les athlètes.

Qui penserait, par exemple, que 5 000 des 6 500 SHN (Sportifs de Haut Niveau) en France ne sont pas salariés avec tout ce que cette absence de statut et de revenus implique en matière de retraite et protection sociale ?

Une seconde méprise consiste à penser que le sport de haut niveau servirait d’ascenseur social. L’erreur est identique à la précédente et, là encore, l’image des sports professionnels et des sportifs les plus médiatisés brouillent l’analyse, empêchant d’observer ce qui se passe dans la filière d’accès au haut niveau dans son ensemble. L’absence d’information concernant les entrants/sortants que ce soit dans les Centres de formation professionnelle de football, les Centres d’entraînement, les Centres d’excellence régionaux, les Pôles espoirs et les Pôles France… cachent la réalité des faits.

Beaucoup d’appelés, peu d’élus. Tout cela est normal si l’on s’en tient à la question de la pratique sportive (de haut niveau). L’élimination et le classement sont la règle.

Cela l’est moins si l’on prend en compte les (mauvais) résultats scolaires, l’absentéisme, la déscolarisation, le décrochage scolaire et de la désocialisation de nombre de jeunes, membres de ces structures. Ce pourrait être une « parenthèse » si de réels moyens étaient mis en œuvre pour assurer un soutien et un rattrapage. Il n’en est rien. D’ailleurs le Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports se garde bien de produire quelques statistiques que ce soient en la matière. Il évite soigneusement, surtout, de présenter des données qui, comparées aux statistiques de la DEPP s’avéreraient peu flatteuses pour les filières sportives et pourraient servir de repoussoir à certains jeunes et leurs familles. A l’aulne des recherches récentes on risquerait de s’apercevoir que les filières d’accès au haut niveau constituent des exemples prototypiques de la fabrique de l’absentéisme et du décrochage scolaire.

En affirmant que si le sport de haut niveau ne joue pas toujours le rôle d’ascenseur social qui lui est prêté, il n’opère pas non plus réellement de déclassement social particulier, Sébastien Fleuriel et Manuel Schotté (2011) s’égarent quelque peu en la matière. Cela tient probablement au fait que leur réflexion repose sur des générations limitées aux athlètes français sélectionnés lors des Jeux Olympiques de 1972 et 1992. Qu’elle n’est étayée d’aucune statistique d’ordre général et/ou longitudinale. Pour cause… les données n’existent pas. Les mêmes pourtant concluaient, quelques années auparavant, en fin d’un panorama sur les « sportifs en danger » que « de ce point de vue le sport se pose comme un véritable laboratoire de la précarité sociale » (Fleuriel, Schotté, 2011, 97). Un ancien Ministre des Sports, médaillé olympique, plus critique, n’hésitait pas, quant à lui, à déclarer que les SHN constituaient « une classe ouvrière qui a exactement les mêmes problèmes qu’avait la classe ouvrière à la fin du 19e siècle, c’est-à-dire la précarité, la non-reconnaissance des employeurs, le fait que l’on consomme, que l’on cueille, que l’on presse et après que l’on jette » (Bambuck, 2004, 140). Rarement, en effet, les médias mettent en exergue les problèmes liés à la reconversion des SHN. Ou alors faut-il que ce sportif, soit très connu comme cet ancien footballeur professionnel, victime d’une escroquerie qui s’est enfoncé dans le surendettement après un divorce. Le cas de ce pongiste, devenu SDF, n’intéresse personne. Il n’est pourtant pas le seul. Un certain nombre de SHN, en activité, sont tout simplement au chômage. Ainsi GR, en Aviron, surprenait les gens en affirmant son statut de chômeur avant les JO de Pékin de 2008. Surprenait et les gênait car l’équation SHN-RSA dérange. Quant aux sportifs la disqualification sociale s’avère, pourtant, probablement plus douloureuse à vivre, pour eux, car ils intègrent et acceptent plus difficilement, très certainement, ce processus de marginalisation qui marque la fragilisation de leur ancien statut et la constitution d’une identité négative (Javerlhiac, 2014) qu’ils ont du mal à rendre publique et que les autres ont du mal à imaginer et accepter.

Jamais ne sont évoqués par les journalistes mais également par les instances sportives, si ce n’est pour des cas exemplaires, les formations et/ou les diplômes des sportifs, leur devenir professionnel et leur niveau d’insertion. Les indicateurs de performance relatifs à ces questions qui, normalement, accompagnaient, les projets fédéraux ont même totalement disparus depuis longtemps déjà des critères d’évaluation du Ministère des Sports (Javerlhiac, op. cit. 177).

D’aucun pourrait croire à un tableau noirci exagérément. Il suffit pour se défaire de ce prêt à penser bien-pensant de faire nôtres les propos de Roger Bambuck affirmant qu’il est impératif que « les sportifs de haut niveau ne soient plus simplement pressurés pendant leur carrière et rejetés comme des citrons pressés après le déroulement de celles-ci » (Bambuck, op. cit ; 136). Affirmant cela il nous fournit deux entrées, la carrière et l’après carrière sportive, qui constitueront la trame de cette réflexion qui interrogera successivement le temps consacré au sport, la santé, le dopage, la formation, la (re)conversion et la retraite des SHN.

De la fabrique des exclus : le temps « plein » du sport

Le sport de haut niveau n’est pas seulement compétition, dépassement de soi, émotion et passion. Encore faut-il, pour parvenir au saint des saints, y consacrer tout son temps et toute son énergie. Encore faut-il savoir faire preuve aux yeux des dirigeants et cadres fédéraux de sa détermination sans limite, de son engagement sans faille, de sa docilité sans borne face aux « règles » de sélection, d’entraînement et de vie. Encore faut-il, bien souvent également, à leurs yeux faire le sacrifice de toute vie extérieure, des études surtout, jugées comme pouvant contrecarrer l’entraînement et donc la performance, voire même du conjoint vu comme susceptible de perturber la préparation ou la carrière. Au point que dans certains sports des entraîneurs continuent d’interdire toute relation sexuelle avant les compétitions quand bien même les nombreuses études psychologiques et physiologiques sur le sujet n’ont jamais montré aucune baisse de rendement. Le système sportif est ici assujettissant jusqu’à la déraison. La plupart des jeunes sportifs qui désirent atteindre le plus haut niveau s’y plient tant bien que mal avec tous les dérèglements psychologiques et/ou corporels que cela entraîne parfois. Il serait tentant de n’y voir, comme Jean-Marie Brohm (2006) qu’aliénation, despotisme, servitude et tyrannie.

Cette aliénation reste largement choisie et consentie. Ce surinvestissement, dans et pour la pratique sportive, ne doit pas, en effet, faire oublier la passion qui entoure les pratiquants. Certes, celle-ci s’acquiert par imprégnation culturelle. Se construit sous le joug des normes fédérales et sportives. Mais reprenant les propos de Georg Wilhelm Friedrich Hegel il faut accepter l’idée que rien ne se fait et « rien ne s’est fait sans être soutenu par l’intérêt de ceux qui y ont collaboré. [...]. En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion » (Hegel, 1965, 108).

A l’inverse, refuser de n’y voir qu’aliénation ne revient pas à réfuter toute idée d’aliénation voire d’instrumentalisation du sportif par l’institution et les « politiques » au sens large du terme (Javerlhiac, Bodin, Robène, 2010). Il s’agit tout simplement d’accepter l’idée que les uns (le mouvement sportif dans son ensemble, les cadres fédéraux) et les autres (les SHN et leurs familles) ont tout intérêt à imaginer, accepter, croire et laisser croire qu’il faille tout consacrer et sacrifier pour monter au pinacle. Le sport de haut niveau n’est pas seulement praxis. Il symbolise sous la forme d’un mimodrame la condition de l’élévation humaine sur la base d’un triple sacrifice : le don de soi (de son temps, de ses études parfois, etc.), le dépassement de soi (durant les compétitions, par la blessure, etc.) et la victime sacrificielle (le perdant) (Jeu, 1987, 173 et passim).

Comment imaginer dès lors que l’investissement ne soit pas à temps plein fût-ce dans des sports non professionnels et non médiatisés ? Le problème principal est que la plupart du temps la programmation des entraînements n’est pas conçue pour les SHN, en fonction de leurs contraintes autres, comme les études, les soins, leur vie personnelle, etc. Les entraînements sont posés comme des impératifs en fonction des horaires de « travail » des cadres techniques. Alors qu’ils sont l’axe essentiel des résultats, l’unique vecteur de la performance, les sportifs ne sont pas l’axe central du système. Ils en sont simplement à la fois les ouvriers et les outils.

Derrière cette organisation se joue l’acculturation progressive des jeunes sportifs amenés à intégrer et respecter les règles et les normes du système fédéral. Se construit et s’entretient ainsi un modèle d’entraînement basé sur le volume, le rendement dans le but d’atteindre la performance. Ne pas s’y consacrer revient à donner des signes désengagement, de défaillance, de déviance Becker, 1963 et conduit irrémédiablement à être écarté, vilipendé voire totalement exclu du système. Ces jeunes sportifs rêvaient de sport de haut niveau et de résultats. Ils s’imaginent devenir demain les modèles qu’ils admirent et miment aujourd’hui pour mieux les dépasser. Ils croient en les cadres qui les entourent pour les aider à atteindre leurs objectifs. Ils vivent dans un monde hors-normes, valorisant et valorisé. Ils possèdent eux-mêmes leurs admirateurs pour ne pas dire leurs envieux. Ils voyagent et participent à des stages et des compétitions dans des pays que peu de gens et notamment leurs amis fréquenteront un jour… Ils perdent pied, tout simplement, enivrés dans un projet utopique (Elias, 2009) accentué par la pression du temps qui les contraint et semble les fuir (Elias, 1984). Ils vivent dans un milieu clos, aux frontières certaines, fait de sportifs parlant, respirant, rêvant « sport ». Il s’agit d’un système assistanciel qui se substitue à eux (pour l’organisation, les déplacements et autres) fait pour les centrer sur la tâche (l’entraînement et la compétition). Il s’agit d’un système confortable qui les amène à perdre toute réalité sociale. Mais ils acceptent tout cela sans crainte, ni critique, ni regret jusqu’au moment où ils sont amenés à prendre conscience du côté irraisonnable de la chose. Ce déclic peut être une blessure plus grave que les autres, l’avancée en âge, la baisse des résultats qui les amène à se demander « et demain ? », la construction d’une famille qui engage à inverser les priorités, etc. Ils exercent finalement un métier, bien souvent, sans aucune contrepartie réelle, si ce n’est pour les professionnels, bien que subissant les contraintes des travailleurs (horaires, présence, cadence, etc.) et les mêmes injonctions au professionnalisme (résultats, performance, etc.) (Boussard, Demazière, Milburn, 2010). Il y a quelque chose de Sisyphe chez les jeunes SHN, avant que cette prise de conscience ne s’opère. Il faut peut-être tout simplement accepter, que « la lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux » (Camus, 1942, 168).

Reste la question de l’argent car si très peu de SHN perçoivent un salaire, nombreux sont ceux qui perçoivent des revenus au « noir » quel que soit le sport. Certains gagnent de cette manière plus d’argent que leurs parents qui exercent, pour leur part, un métier souvent moins passionnant et plus contraignant. Eux sont rémunérés pour vivre de leur passion. En gagnant de l’argent, plus d’argent que leurs parents, certains ont le sentiment « d’être arrivés ». Mais à quoi ? Il s’agit d’un ersatz de réussite. Tout ici est factice et éphémère. Peu ont finalement conscience que tout peut s’arrêter très vite, du jour au lendemain, encouragés en cela par le groupe de pairs et leurs entraîneurs. Ne nous y trompons pas le sport de haut niveau est un système comme les autres, fait d’acteurs et de relations de pouvoirs, de jeux d’acteurs et de stratégies tant personnelles que collectives, d’utilisation de marges de manœuvres pour mieux asseoir sa domination. A ce titre les SHN sont des victimes très largement consentantes qui contribuent à la construction, au développement et au fonctionnement du système jusqu’à la rupture. Singulièrement cependant, et alors qu’eux seuls sont capables de valoriser leur fédération par leurs performances, ils en sortent rarement les premiers bénéficiaires. Ils ne sont que de passage dans ce milieu compétitif tandis que nombre de dirigeants sont « permanents » et font carrière parfois à leur encontre. Tout cela perdurera sans eux avec d’autres qui croiront aux mêmes choses. Quoi de mieux pour symboliser le fonctionnement des fédérations sportives que l’Ourobouros, ce serpent qui se mord la queue, incarnant l’exemple parfait d’un cycle d’évolution anthropophagique totalement fermé ?

A votre santé !

Mais le sport de haut niveau n’est pas seulement chronophage et sclérosant. Il demande des efforts constants et répétés posant en corolaire la question de la santé des SHN. Problème d’autant plus important que nombre d’entraîneurs établissent une équation simpliste entre opposition mondiale et volume d’entraînement « nécessaire » pour atteindre le plus haut niveau. Le calendrier sportif a connu, quel que soit le sport, une inflation colossale. Les compétitions ont augmenté. Les épreuves sélectives ou qualificatives aussi. Le volume d’entraînement n’a cessé de croître ne laissant aucune place à des préparations plus qualitatives. A la question de la victoire et du classement se substitue également, dans certains sports, la notion de record. Bien au-delà d’une simple devise, Citius, Altius, Fortius traduit cette idée de dépassement permanent. Ainsi, se lit en creux la diminution des temps de récupération ou de repos et la sollicitation extrême des SHN aux plans articulaires, musculaires, physiologiques, métaboliques et psychiques. Les uns n’allant pas sans les autres. Les uns ayant des conséquences sur les autres. Le corps est sollicité en permanence, usé par les répétitions, meurtri par les blessures ou les chocs, fatigué par les charges d’entraînement. Un médecin de l’INSEP fait état d’opérations de plus en plus précoces chez les jeunes sportifs.

Mais la santé doit-elle et peut-elle, réellement, être prise en compte ? Pour provocatrice qu’elle soit cette question renvoie aux résultats et à la nécessité d’être performant. Résultats des équipes de France, c’est à dire la vitrine d’un sport, la base en partie du moins de son recrutement, le moyen privilégié de négociation des subventions. Résultats des équipes de France encore c’est à dire le capital symbolique des entraîneurs mais aussi des présidents de fédérations qui existent trop souvent dans et par les résultats des sportifs dont ils ont la charge. Performance recherchée par les mêmes mais également par les sportifs. Quoi de plus normal si ce n’est qu’entraîneurs et dirigeants ont tout intérêt à ce que les SHN blessés soient de nouveau « utilisables » et « rentables » le plus rapidement possible tandis que les sportifs, eux-mêmes, ne souhaitent pas rester longtemps loin des entraînements et des compétitions pour des raisons de concurrence, d’opposition et de sélection. Au point, parfois, qu’ils en arrivent à cacher les blessures, minimiser la douleur, éviter de consulter des médecins ou en viennent à en consulter en-dehors des référents prescrits. Nombreux sont les facteurs qui concourent, ainsi, à la mise en danger de la santé des sportifs malgré les moyens et structures mis en œuvre. Nombreux sont les facteurs qui entraînent le recours à des méthodes et techniques, des prises de produits, interdits bien sûr, qui servent de viatique à la récupération. Comme le suggérait, François Bellocq, ancien médecin d’équipes professionnelles cyclistes et adepte du rééquilibrage hormonal : « le sportif de haut niveau est un homme ordinaire à qui l’on demande des choses extraordinaires ». Reprenant ses propos loin de nous l’idée de soutenir la prise de produits dopants. Nous relevons, simplement, le caractère extra ordinaire, en-dehors de l’ordinaire, hors normes de la pratique sportive à très haut niveau qui conduit par les désajustements (Callède, 1992) provoqués à l’imposture des performances (De Mondenard, 2000) mais aussi à la mise en danger, tant physique, psychologique que sociale des sportifs eux-mêmes (Béon, 2009).

Si les meilleurs sont suivis tout au long de leur carrière pour d’évidentes raisons de « rentabilité » mais aussi d’appartenances aux grands Centres d’entraînements comme l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) il n’en est pas de même des autres, qu’ils soient anonymes, ou pas. Les Centres d’entraînement en province ne bénéficient pas des mêmes installations à disposition, des mêmes équipements et des mêmes personnels pour aider à la récupération et, plus simplement, soigner. Ceux qui s’entraînent hors structures, par choix ou nécessité, doivent se débrouiller par eux-mêmes. Mais que dire de tous ceux qui, rêvant d’accéder au plus haut niveau en étant très jeunes, sont soumis à des (sur)charges d’entraînement, au sein de leurs clubs sans aucun contrôle, conseil ou aide ? La détection précoce, quel que soit le pays et le sport, engage nombre de jeunes à une pratique intensive et traumatisante qui ne peut qu’être nuisible sur le long terme (Bodin, Robène, Héas, 2005) surtout lorsqu’elle est exercée en période de croissance et de puberté. Dirigeants et entraîneurs ferment allègrement les yeux sur la multiplication des compétitions chez les jeunes comme la création des Jeux Olympiques de la Jeunesse, des Jeux Européens et d’autres… Et ce n’est pas le Code d’éthique sportive édicté par le Conseil de l’Europe qui peut y changer quoi que ce soit. Tout ceci ne reste qu’au stade des belles paroles et grandes déclarations d’intention non suivies de mesures réelles (Bodin, Sempé, 2011). Les raisons sont simples. Les fédérations nationales et internationales n’existent qu’au travers des compétitions qu’elles organisent et/ou des résultats qu’elles obtiennent, les jeunes rêvent de devenir des champions, les parents imaginent leur progéniture auréolée de gloire, les entraîneurs utilisent cette double ambition, les dirigeants ne veulent pas savoir, le Ministère fait comme si de rien n’était, éludant totalement son rôle… Bref tous les acteurs sont d’accord pour que le système amène vers le plus haut niveau les jeunes quel qu’en soit le prix à payer par la suite. Car derrière tout cela perdure une contre-vérité qui consiste à considérer que le sport de haut niveau constitue une « étape neutre » que ce soit socialement, professionnellement, psychologiquement ou, encore, en matière de santé. Cette parenthèse, parfois longue d’une quinzaine d’années voire plus, périodes d’accès et de maintien au plus haut niveau comprises, ne peut pas être sans conséquence aucune sur le devenir des sportifs surtout pour les plus jeunes. Et pour cause le sport est, très et trop souvent, considéré d’abord et seulement sous ses aspects laudatifs (Bodin, 2003). Depuis Coubertin, Tissié, Elias et d’autres, le sport est considéré comme éducatif, socialisant, porteur de valeurs, facilitant le goût de l’effort… Équation simpliste lorsque le sport, fort de ces valeurs, est considéré comme le parangon des temps modernes apte, a priori, à résoudre les maux les plus divers de la société. Il sera, ainsi, envoyé à la rescousse des banlieues, pour forcément calmer, obligatoirement pacifier, inévitablement normaliser ces jeunes qui font peur et hantent nos pieds d’immeubles (Bodin, Robène, 2014). Il sera, aussi, vanté pour lutter contre l’oisiveté, l’obésité, le risque de maladies cardiovasculaires… dans des programmes du type « manger-bouger ».

L’enquête INSERM de 2008, complètement inscrite dans cette perspective, a conclu que la pratique sportive était « bonne pour la santé » (Inserm, 2008). Elle fut relayée sans discernement par de nombreux médias. Ramenée à une population sédentaire, le sport est probablement bon pour la santé… à condition cependant… d’analyser, adapter et individualiser les modalités et volumes de pratiques au regard des risques encourus et des capacités de chaque individu… Mais pour les autres qui pratiquent bi quotidiennement 50 semaines par an qu’en est-il sur le long terme ? Sur la maternité d’anciennes athlètes ? Sur les maladies graves déclarées plus tardivement ? Sont-elles plus ou moins nombreuses ? Différentes ? Plus fréquentes dans certains cas ? Qu’en est-il de la santé des anciens SHN lorsqu’ils atteignent des âges avancés ? Point de réponse à cela. Point d’enquête épidémiologique. Le Ministère des Sports se garde bien d’en diligenter même lorsqu’il est parfois rattaché à celui de la Santé. Les fédérations ne s’en occupent pas. Autant le dire ils ne se sentent pas concernées. Rarement sont relayés les graves problèmes de santé, voire de dégénérescence, dont peuvent être atteints certains sportifs comme l’ancien pilier du stade Colomiers en rugby, Stéphane Delpuec, atteint à 41 ans, 3 ans seulement après sa retraite de professionnel, d’encéphalopathie chronique post-traumatique, affirmant, qu’il a été « de la chair à canon pour le rugby professionnel ». Tout au plus constate-t’on qu’il existe environ 1 500 cas de mort subite par an sur les terrains de sport en France. Dans le cas des maladies graves, les références sont hors de l’hexagone bien sûr. A croire que les joueurs de Base-ball et de Football américains tout autant que les athlètes de l’ancienne RDA feraient presque figure d’exception dans ce paysage. Tout au plus souligne-t’on les décès prématurés de certains sportifs comme deux anciens vainqueurs du Tour de France… les regrettant, retraçant avec maints détails et trémolos dans la voix, leurs hauts faits et gestes, sans trop se poser de questions, cependant, sur l’origine possible des « longues et douloureuses » maladies qui les ont emportés. Autant de signaux d’alertes négligés, éludés et bafoués qui devraient amener à des mesures préventives et à une surveillance médicale accrue bien au-delà du temps de la carrière. Dirigeants et politiques préfèrent fermer les yeux sur ce problème et pour cause, car dans le cas d’une corrélation avérée, ils pourraient être reconnus responsables pénalement comme cela a pu être le cas dans d’autres domaines. Pensons ici à la question de l’amiante dans le monde du travail. Éludant les enquêtes épidémiologiques la question de l’impact d’une pratique intensive sur le corps et la santé deviennent donc des impensés tout autant que des impensables.

Vous prendrez bien un petit quelque chose ?

La santé et le corps des athlètes devraient pourtant être au cœur des préoccupations de chacun. Il s’agit bien d’un instrument de travail à tous les sens du terme. Il est tout à la fois un outil permettant la performance, un instrument du rendement et un appareil de mise en scène des champions. Le corps est montré, analysé et décrit.

Il est le témoin de l’engagement physique et de l’âpreté des combats : « Corps tordus dans la douleur dans l’ascension de… », « Corps meurtris dans les affrontements d’hommes à hommes lors de cette rencontre… ». Les commentaires ne manquent pas.
Il devient vecteur de communication, de vente, de promotion lorsque le sportif se transforme en homme sandwich vantant tel ou tel produit, telle ou telle marque. Le corps doit donc être préparé à ces affrontements et à ces démonstrations. Deux voies possibles pour cela non exclusive l’une de l’autre : l’entraînement et/ou le dopage.

L’entraînement possède nombre de désavantages cependant. Tout d’abord, il nécessite des efforts sans pour autant être assuré de voir se réaliser, rapidement et réellement, des progrès physiques ou biologiques. Il demande une pratique continue et soutenue ne laissant que peu de place à la vie sociale, aux études, etc. Il impose, enfin, compte tenu de l’augmentation des compétitions, un rythme soutenu qui réduit de fait les temps de repos et de récupération. Les performances nécessaires à la victoire et à l’établissement de records conduisent inéluctablement à la prise de produits. Ainsi, les travaux de Timothy D. Noakes et Ross Tucker (2004), de l’Université de Cape Town montrent l’anormalité de l’accroissement du rendement des sportifs et de leur VO2 max.

Bref, en-dehors du temps partagé et du plaisir d’être ensemble il est souvent plus facile de recourir au dopage, c’est à dire à des viatiques permettant l’accroissement de la masse musculaire, diminuant la fatigue, améliorant la performance, favorisant une meilleure récupération, aidant à la concentration et au dépassement de soi. En listant ainsi les effets escomptés, il est possible de se rendre compte que les produits potentiels sont nombreux, divergent forcément, mais également que chaque sport peut être concerné et touché. Les exemples d’athlètes suspectés ou convaincus de dopage ne manquent pas. Certaine aurait été victime d’une erreur de leur pharmacien. Tel autre aurait mangé de la viande contaminée par l’emballage. Un athlète n’a eu recours à des produits que pour agrandir son pénis trop petit. Un tennisman aurait embrassé une jeune femme dont la bouche et la langue auraient été imprégnées de Cocaïne. Le peloton du Tour de France serait majoritairement asthmatique au point de se demander si cela ne devrait pas devenir un critère de détection et de sélection des jeunes. Le football professionnel n’est pas en reste preuve en est l’affaire ayant opposé le Real de Madrid au FC Barcelone en 2011. On feint, enfin, de découvrir avec surprise que le dopage était érigé en système dans l’équipe de Lance Armstrong et que des contrôles antidopage en Russie étaient falsifiés. Nul besoin de continuer cet « Inventaire à la Prévert » (Prévert, 1946) pour comprendre l’ampleur de ce phénomène. Il ne s’agit là, bien évidemment, que d’un florilège, d’affaires connues, destiné à montrer que le dopage concerne nombre de sports, à toutes les époques, revêt de multiples formes, de nombreuses justifications et fait appel à des produits très différents. Le récit autobiographique de Patrick Béon op. cit. apporte, à ce titre, un éclairage fort sur ces dérives, leurs conséquences et les manières dont se construit l’acculturation au dopage.

Autant le dire les responsables du mouvement sportif dans son ensemble, les dirigeants, les entraîneurs… ferment les yeux et feignent d’ignorer des pratiques qu’ils soupçonnent fortement pour ne pas dire qu’ils connaissent ou qu’ils cautionnent. Le récent email du Directeur de Cabinet du président de la Fédération Internationale d’Athlétisme, dévoilé par le Journal Le Monde, du 21/12/2015, expliquant comment étouffer les affaires de dopage dans l’Athlétisme russe montre combien chacun est enclin à faire disparaître les faits qu’il devrait pourtant dénoncer. Bien évidemment lorsque les sportifs dont ils ont la charge sont contrôlés positifs chacun y va de sa déclaration indignée, de son discours moralisateur, jurant ses grands dieux que jamais il ne se serait douté… que ces comportements sont indignes… Les mêmes applaudissaient pourtant quelques semaines ou mois auparavant aux titres et médailles engrangés par ces mêmes sportifs sans chercher à réellement savoir si les procédés pour ce faire étaient honnêtes.

Comment, en effet, ne pas observer la mode des crânes rasés, des cheveux teints, l’accroissement anormalement rapide chez certains sportifs de la masse musculaire, la forme de la mâchoire d’un grand nombre de sportifs les faisant ressembler à des bodybuilders sachant pourtant qu’il s’agit là d’un indice du recours aux hormones de croissance et bien d’autres exemples encore ?

Les contrôles antidopage, nous avons déjà eu maintes fois l’occasion de l’affirmer, sont impuissants face à l’amélioration des produits (Brissoneau, Bodin, Delmarche, Péchillon, 2008 ; Bodin, Sempé, 2012). Ce n’est pas réellement la faute des agences de contrôle. Elles ne peuvent, en effet, détecter que les produits connus et répertoriés. Pour lutter contre ce fléau le nombre de tests augmente, mais cet accroissement des contrôles et des mesures coercitives, comme le Système Adams, ne constitue pas un cercle vertueux. Bien au contraire ! Ils agissent à la manière d’un modèle centripète de la déviance et conduit au recours à des produits et techniques nouveaux, chaque fois plus difficilement identifiables et détectables. Des recherches l’ont montré : le « principe utilitariste de la peine » (l’affichage d’une peine sévère et l’application de celle-ci) est inefficace sur les individus (Cusson, 2003 ; Mucchielli, 2000) déjà engagés dans une carrière déviante et faisant de la déviance un style de vie « normal ». A ce titre, l’un des arguments utilisé par Robert Badinter, dans son discours du 17 septembre 1981, pour demander l’abolition de la peine de mort en France, reposait sur cette même analyse faisant de la peine capitale une mesure inefficace pour combattre la criminalité la plus extrême : « ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine ». 

Plus inquiétant sans aucun doute est de constater que le sport dans son ensemble, et non pas seulement le sport de haut niveau, est touché par ce phénomène dont l’ampleur semble chaque fois surprendre l’ensemble des acteurs du mouvement sportif Martinez, 2004. Nombreux sont les produits pris par les sportifs amateurs quel que soit le niveau, l’âge ou le sport. Disant cela nous nous souvenons d’un étudiant de thèse qui travaillait avec nous. Il s’appelait Loïc Le Bellec. C’était un des meilleurs cyclistes amateurs français. Il travaillait sur la question de l’éthique et du dopage. A la question de savoir à quel âge on commence à se doper dans le cyclisme il répondait « à partir de 12/13 ans » ! Il est mort sur son vélo, lors d’une course, d’un arrêt cardiaque.

Au-delà de cette tragédie se lit également l’inefficacité et la non pertinence de la prévention du dopage en France. Plusieurs raisons à cela. La multiplication des acteurs, tout d’abord, qui fait ressembler la politique française en la matière bien davantage à un millefeuille, utilisant une multitude de structures qui dilue l’action et la compréhension
au lieu de concentrer les moyens. Les outils de prévention, ensuite, qui bien qu’utiles sont mal utilisés, usent d’un langage inapproprié aux publics de différents âges, de différents sexes. Les outils, encore, qui n’offrent aucune progression raisonnée dans le temps permettant petit à petit de s’adapter aux risques, aux âges et aux publics. Les nombreux sportifs qui sont non informés, aussi, comme ceux pratiquants en clubs pourtant parfois 5 ou 6 fois par semaine. La prévention bafouée et non réalisée bien que les directives obligent à le faire. Une anecdote à ce niveau. Réalisant une étude pour le compte de l’Agence Mondiale Antidopage (Bodin, (dir.), 2013) nous nous rendons dans un Centre de Haut niveau français. L’entraîneur sait que nous venons pour une enquête et non pour réaliser une information préventive en direction des jeunes dont il a la charge. A la fin de l’entretien réalisé avec lui, il déclare : « c’est bien que vous soyez venus comme ça je vais pouvoir cocher la case prévention comme ça je serai débarrassé »… La prévention, encore, essentiellement axée sur la sanction et la peur de la sanction et éludant tout à la fois les aspects éducatifs, informatifs, épidémiologiques, dissuasifs, la réhabilitation et la réinsertion des contrevenants (Javerlhiac, Bodin, 2015).

Disons le franchement la neutralisation des sportifs reconnus de dopage et les sanctions infligées sont plus faciles à mettre en œuvre, plus démonstratives aux yeux du grand public, permettent de se donner bonne conscience, prennent la forme des « campagnes périodiques d’entrepreneurs moraux » dénoncées par Howard Saul Becker op. cit., donnent aux dirigeants le moyen « bon marché » de justifier leur présence et leur action en la matière… Tout cela n’est que poudre aux yeux. Il est, en effet, bien plus coûteux et plus invisible, donc bien moins intéressant, d’agir en profondeur sur le long terme par de réelles actions de prévention (Bodin, (dir.), op. cit.). C’est sans compter que beaucoup de sanctions mises en œuvre sont contraires aux Droits de l’Homme voire à la législation française et qu’il convient de les réformer (Heyraud, Péchillon, 2015). A ce niveau, ne doit-on pas se reposer la question de l’impact que peuvent avoir sur les jeunes les compétitions créées ces derniers mois comme les Jeux Olympiques de la Jeunesse, les Jeux Européens, etc. ? Soyons en effet réalistes. Au delà du viatique à la préparation physique, le dopage est pour les sportifs un moyen de bénéficier d’un capital symbolique en devenant des héros adulés et reconnus. Nouveaux Hérauts des temps modernes. C’est aussi dans les sports professionnels un moyen parmi d’autres, d’accéder au plus haut niveau et d’accroître ses revenus.

Demain est un autre jour : Et si vous pensiez à demain plus tard ?

Nul besoin de longues explications pour comprendre, après tout cela, que la formation scolaire, professionnelle ou universitaire de nos élites sportives n’est pas et ne peut pas être la première préoccupation des dirigeants sportifs, qu’il s’agisse des dirigeants au sens strict du terme ou des entraîneurs qui en ont la charge. Leur objectif principal est la « rentabilité », c’est-à-dire que leurs athlètes soient qualifiés, médaillés, titrés ou en mesure de l’être. Les dispositifs en matière d’accompagnement sont pourtant nombreux (Javerlhiac, 2014). Les grandes déclarations politiques ne manquent pas. Les Ministres et Secrétaires d’État qui se sont succédés avenue de France n’ont jamais omis de rappeler, dès leur arrivée, leur attachement au double projet des SHN (c’est à dire à la formation conjointe tant sportive que scolaire, professionnelle et/ou universitaire), la nécessité de les aider à préparer leur reconversion, etc.

Belles paroles et jolies déclarations qui ne sont cependant que peu suivies d’effets et rarement étayées de moyens. Belles paroles qui visent tout d’abord à envoyer un signal fort à la communauté des SHN. Ce message, réitéré, à leur attention, sous de multiples formes, ressemble à s’y méprendre au « Je vous ai compris  » prononcé en d’autres circonstances par le Général de Gaulle. Comme le suggérait Machiavel « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » (Machiavel, 1515). Une chance pour tous ces Ministres et Secrétaires d’État : les SHN ne sont pas syndiqués et sont tout entier tournés vers leur carrière sportive, espérant devenir « le » champion de demain, obtenir de maigres avantages financiers, comme les aides personnalisées, s’ils se montrent serviles et silencieux, celles-ci étant de la discrétion du Directeur Technique National… Bref, plafond de verre et omerta sont de mise !

Disons-le franchement les textes légaux et réglementaires existant sont, à quelques fédérations près, largement bafoués, non respectés ou simplement éludés. Et personne, côté Ministère ne demande réellement de comptes. Les PES, bien qu’indiqué qu’« ils doivent être particulièrement performantes dans trois secteurs clés : la préparation sportive, la formation scolaire, universitaire ou professionnelle, le suivi personnalisé » ne s’intéressent qu’au déclaratif pas… aux résultats acquis en matière de « formation scolaire, universitaire ou professionnelle » ! Tout cela n’est guère différent de ce qui se pratique dans nos Universités en matière d’évaluation. On part d’un bilan déclaratif de ce qui a été fait et non du déclaratif précédent qui permettrait alors de voir, mesurer et apprécier si ce qui a été annoncé, a été fait, de quelles manières et avec quels résultats… Aucune démarche n’est mise en œuvre pour vérifier si « l’arbre des objectifs et des valeurs » se confond ou non avec « l’arbre des réalisations » et d’analyser les écarts pour en tirer les conséquences et tenter d’améliorer le système (Baslé, 2008). La stratégie politique peut-être résumée en cette expression commune : « demain on rase gratis ».

Le Ministère aurait pourtant tout intérêt à y regarder de plus près. D’abord parce qu’il s’agit de femmes et d’hommes dont il s’occupe indirectement puisqu’il a donné délégation aux Fédérations pour le faire. Ensuite parce qu’il est question de finances publiques donc de responsabilité des dépenses publiques en matière de sport. La Cour des Comptes a rendu un rapport très critique en Janvier 2013, intitulé « Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État » qui devrait interroger et alerter les responsables politiques, tant sportifs qu’au Ministère. Elle y soulevait « l’instabilité historique du sport  », recommandant, entre autres, d’insister sur la nécessaire régulation de l’État et l’impératif d’efficience du dispositif du sport de haut niveau compte tenu des investissements financiers faits.

Certains diront « ce n’est pas vrai tous nos SHN suivent une formation » et… ils auront raison… à quelques « détails » près !

D’abord peu suivent la formation de leur choix. On leur propose maintes formations disponibles de préférence sur place. Les solutions sont bien souvent collectives (le plus grand nombre est regroupé dans les mêmes formations) qu’individuelles (chacun suit la formation de son choix). La raison de cette orientation est à la fois simple, logique et simpliste… malgré tout.

Simple car il s’agit de favoriser ce qui est sur place, de favoriser les formations pour lesquelles ont été obtenus des financements.

Logique lorsque l’on s’intéresse à l’INSEP les temps de déplacements dans la Région Parisienne rendent impossibles nombre de formations. Il est alors plus aisé d’engager les SHN dans des formations in situ qui permettent de conjuguer pratique sportive, soins et temps de formation. Mais l’INSEP n’est pas le seul lieu ou sont regroupés des SHN et les sportifs qui y sont rassemblés...

Simpliste malgré tout. Car ce n’est pas à la femme ou à l’homme sportif que s’adresse ce projet mais au système sportif de manière à ce que les SHN restent disponibles et rentables pour ne par dire corvéables et malléables à merci ! Preuve en est, nombre d’entre eux sont engagés à suivre les BP JEPS (appelés autrefois Brevet d’État d’Éducateur Sportif). Formation sans réelle contrainte, sur place, dont le contenu ne demande pas d’effort tangible. Formation qui ne leur permettra pas d’exercer ailleurs que dans le monde sportif… et encore : que feront-ils avec leur BP JEPS dans le futur ? Éducateur sportif en club payé au SMIC ? Belle ascension sociale qui promet des lendemains qui chantent et un avenir radieux !

Pis, probablement, le fait de constater que les actions politiques vantées et mises en avant s’adressent à ceux qui sont « encore » dans les filières. En effet, qu’en est-il des autres ? De tous les autres qui se sont engagés dans les filières de haut niveau sans l’avoir jamais atteint ? De la même manière que l’absence d’études épidémiologiques doit être déploré l’absence d’études longitudinales permettant d’observer le devenir des entrants dans les filières de haut niveau à ceci de pratique qu’elle permet de faire disparaître nombre de cas qui pourraient, là encore, décourager jeunes sportifs et parents de s’engager dans cette voie. Quels impacts le sport de haut niveau a t’il sur le niveau scolaire ? Sur les filières empruntées par ces jeunes ? Sur les diplômes obtenus ? Sur leur retard ? Etc.

Et pourtant, si l’État veut construire une politique en faveur des SHN, il doit mesurer les réussites et les échecs, les « bonnes pratiques » et les dérives.

Reste que l’obtention d’un diplôme n’est pas une garantie pour l’avenir. Singulièrement l’une des réflexions très faiblement engagée, tant par le Ministère que l’INSEP, est l’obsolescence des diplômes. S’engager dans le double projet est indispensable. Reste le choix du moment. En effet, si les sportifs obtiennent un diplôme sans « s’en servir » durant plusieurs années c’est à dire sans insertion véritable, cela revient tout simplement à l’avoir obtenu pour rien. Nombreux sont ceux qui auront obtenu le même depuis avec des connaissances actualisées. Les difficultés d’insertion professionnelle des étudiants restent fortes malgré des chiffres relativement stables.

Et que dire des CIP ? Beaucoup sont détournées de leur vocation et servent à rémunérer les sportifs sans être accompagnées réellement de professionnalisation, même si la nouvelle loi les y oblige Soit que les clubs les utilisent sous forme de faux contrats « d’éducateurs sportifs » ou de « directeurs sportifs »… soit que les sportifs eux-mêmes ne s’engagent pas réellement dans les entreprises qui les ont accueillies. A ce niveau, paraphrasant les propos de Anne Chiffert et Maurice Michel, les SHN doivent être considérés, pour beaucoup, comme des « victimes largement consentantes » (2004, p. 9). La domination de l’institution sportive sur les SHN n’est pas seule en cause. Leur volonté à s’engager ou pas dans le double projet l’est tout autant. Se former, c’est se préparer à changer de vie ce qui revient à mettre en tension leur identité personnelle. Le problème est, tout simplement pour eux, celui de la réussite. « Celle que l’athlète croit, ou espère pouvoir obtenir dans son sport, et celle qu’il peut éventuellement obtenir en se formant. L’une n’étant pas le complément de l’autre. L’une permettant de préparer sa vie au-delà de l’autre. Mais l’une étant vécue également comme pouvant potentiellement empiéter sur l’autre. Les discours sont complexes et, en se réfugiant derrière les contraintes qui, pour être réelles, n’en sont pas moins surmontables, certains s’interrogent sur la nécessité et/ou la faisabilité de ce double projet en ayant finalement déjà choisi de... ne pas le faire. Car le faire « pour de vrai » nécessite de réussir, tant au plan sportif qu’au plan de la formation, au risque d’être la cause de leur propre malheur aux yeux des autres. Faire semblant de le faire dédouane l’athlète qui trouve là une double excuse à l’échec potentiel, « je n’ai pas réussi mes études car j’étais trop pris par le projet sportif » ou « je n’ai pas progressé car les études absorbaient mon temps » » (Javerlhiac, op. cit. p. 203 et passim).

Reste une problématique complexe que le Ministère se refuse de prendre à bras le corps bien que nombre de travaux et projets (Javerlhiac, Bodin, Huet, Robène, 2011 ; Javerlhiac, Leyondre, Bodin, 2011 ; Karaquillo, 2015) l’y engagent : comment garantir aux SHN un niveau minimal de formation/qualification avant d’atteindre le très haut niveau ? Comment entretenir/développer leurs compétences intellectuelles et professionnelles tout au long de leur carrière sportive ? Ne faut-il pas à l’amorce de la fin de leur carrière mettre le maximum de moyens en œuvre pour d’abord les aider à assumer cette mort symbolique et ensuite faciliter l’obtention de diplômes et qualifications professionnelles pour lesquels ils seraient motivés.

Se trouve posée ainsi la question des moyens financiers à mettre sur la fin de carrière (quel que soit le moment de celle-ci) et l’utilisation réelle des listes reconversion… si peu employées par les fédérations. Le nombre d’athlètes inscrits sur celles-ci en témoigne. Encore faut-il qu’il y ait un pilote dans l’avion ? Le Ministère ne joue pas son rôle à ce niveau. Pour autant, si le système n’est pas piloté, à l’inverse, il existe des acteurs, certains cadres fédéraux, les personnels du DOFER (Département de l’Orientation, de la Formation, de l’Accès à l’emploi et de la Reconversion des SHN) ou d’autres, qui déploient une énergie considérable au service des sportifs. Considérable, car ils croient en cette mission… sans en avoir les moyens cependant. Reste à observer la mise en application de la Loi Bourguignon et voir si elle est assortie de moyens ou si elle en restera au stade de vieux pieux !

Adieu les artistes ! Donnez-nous de vos nouvelles un de ces jours !

Dès lors que la formation des SHN n’est pas la préoccupation majeure des hommes/femmes politiques, dirigeants et entraîneurs pourquoi leur reconversion le serait-elle ?

L’une est bien évidemment le corolaire de l’autre. Là encore, l’arbre cache la forêt. Les SHN les plus médiatisés et/ou appartenant aux sports les plus populaires ont généralement aucun ou moins de mal à se reconvertir.

Quant aux autres, ils étaient des sportifs reconnus voire adulés. Ils ne sont plus rien. Du jour au lendemain, le téléphone ne sonne plus. Nombre de relations ont disparu (Javerlhiac, Bodin, Robène, Roussel, 2010). Ce changement de statut est d’autant plus douloureux qu’ils ont connu la reconnaissance sociale et les honneurs. Comme le suggérait Catherine Négroni « Les bifurcations engagent diversement l’acteur selon qu’elles se présentent comme un projet, comme une crise, comme un choix, comme un événement extérieur » (Négroni, 2005, p. 311).

Car le problème est là. Cette reconversion a pu être anticipée que ce soit par lassitude du sport de haut niveau, sentant la baisse de performance ou préférant partir au sommet de sa carrière. C’est le cas, entre autres de Marion Bartoli. Elle peut être brutale et due à un événement inattendu comme une blessure. Le cas emblématique d’Andy Schleck en est un exemple. Mais dans tous les cas, l’arrêt de la carrière est vécu comme un traumatisme au point de dire, comme Michel Platini, « Je suis mort à 32 ans, le jour où j’ai arrêté le football ». Pour marquer cette phase problématique voire douloureuse, certains en ont fait le titre d’un livre, paraphrasant l’opéra de Richard Wagner, Le crépuscule des dieux. Issue maîtrisée ou issue fatale ? (Collectif, 2004).

La raison en est simple : la reconversion des SHN n’est pas seulement un changement d’état professionnel, celui de sportif à autre chose, il s’agit, aussi, pour la plupart d’entre eux d’un changement biographique, c’est à dire de vie, d’être et d’« être au monde » Heidegger, 1927 pour lequel ils ne sont ni préparés, ni soutenus. Très peu d’entre eux sont accompagnés par leurs fédérations. Il en est de même du Ministère hormis dans le cadre des actions mises en œuvre à l’INSEP. Mais, là encore l’INSEP n’est pas la France et les sportifs qui le fréquentent ne représentent qu’une faible portion des sportifs inscrits dans les filières de haut niveau. Alors quant à évoquer le cas de ceux qui n’ont pas réussi à accéder aux équipes de France ou qui ont quitté très tôt les filières d’accès au haut niveau cela relève de l’incongruité, presque du gros mot, au point, lors d’une recherche en la matière, d’avoir été menacés de poursuite au tribunal par un responsable fédéral si nous poursuivions nos investigations. Celles-ci étaient vécues comme autant de mises en accusations et non comme des analyses susceptibles de les aider dans leurs réflexions et leurs projets si tant est… qu’ils en aient en la matière ! Cette intervention pose ainsi et aussi directement la question du libre arbitre des chercheurs et de la liberté académique. Mais il est des choses qui dérangent à n’en point douter !

Si l’accent est mis sur quelques uns seulement, c’est cependant la philosophie même du processus qui est à repenser. La reconversion doit, en effet être, largement préparée et anticipée et non organisée dans la précipitation, au point que l’action ne finisse par ressembler, trop souvent, à celui d’un pompier cherchant à éteindre un incendie (Javerlhiac, Bodin, Robène, 2010, p. 80 et passim). Il convient d’amener les sportifs à y penser, à l’organiser avant que de se reconvertir (Bodin, Javerlhiac, Puaud, 2011). Le processus est d’autant plus long qu’il faut l’adhésion et l’engagement des sportifs pour le mener à bien.

Penser à se reconvertir les oblige tout à la fois à prendre en compte et accepter l’idée que le sport ne constitue qu’une étape de leur vie. Étape agréable certes. Hors normes très certainement. Mais il leur faut aussi et surtout accepter de faire le deuil, dès maintenant, donc par anticipation de cette vie de SHN qui ne fait pourtant que commencer. Difficile à faire comprendre tout autant qu’admettre. Difficile à faire croire. Tant les sirènes de la réussite, l’acculturation au milieu et le poids des anciens sont forts.

Si penser à se reconvertir est indispensable, savoir organiser sa reconversion (temporellement, en termes de choix, de mobilisation des informations…), pouvoir l’organiser (financièrement, structurellement, en accord avec son club ou sa fédération, en termes de planification…), vouloir l’organiser (ne pas repousser les échéances, se donner les moyens d’atteindre ses objectifs, ne pas tout attendre du système sportif…) et devoir l’organiser (se débrouiller en dehors du système sportif, s’organiser dans l’urgence…) constituent les vraies problématiques sous-jacentes à ce processus (Bodin, Javerlhiac, Puaud, op. cit. p. 48). Celui-ci s’inscrit donc dans le long terme en y pensant petit à petit, en l’acceptant avant que de se donner des objectifs, et de l’organiser en s’engageant, notamment, dans des formations.

Finalement reste la question de la reconversion elle-même. Étape la plus facile peut-être si ce n’est au plan psychologique. Elle peut n’avoir rien de brutale si elle a été anticipée correctement et si l’arrêt de la carrière n’est pas fortuit. Les SHN ne sont cependant pas égaux à ce stade du processus. Certains ont la capacité de construire, entretenir et solliciter au moment opportun un réseau. D’autres n’ont pas su le faire, n’osent pas le faire. D’autres enfin pensent que tout leur est dû et sollicitent, en l’épuisant, le réseau disponible. Pour eux ce sera plus difficile.

Mais c’est là, probablement, que les fédérations sont les plus passives. Si elles s’engageaient, réellement, dans la reconversion une de leurs préoccupations pourrait et devrait être de construire, entretenir et activer un réseau de partenaires basé en premier lieu sur les sponsors qui soutiennent leur sport. Certes, tous les sportifs ne sont pas enclins à rester dans le secteur sportif mais force est de constater que beaucoup ont du mal à quitter ce milieu. Certains sports, comme le rugby, avaient poussé à l’extrême cette logique d’accompagnement et de placement… largement remise en cause, pour ne pas dire abandonnée aujourd’hui en raison de la professionnalisation (Eisenberg, 2007).

Reste le Ministère « des Sports » témoin muet de ce qu’il faut bien appeler une dérive, dénoncée dans cette formule de Roger Bambuck précédemment citée afin que « les sportifs de haut niveau ne soient plus simplement pressurés pendant leur carrière et rejetés comme des citrons pressés après le déroulement de celles-ci ». Certes la citation est déjà ancienne. 10 ans déjà ! Mais rien de bien nouveau cependant. Point de prise en considération de l’ensemble des entrants dans les filières de haut niveau quand bien même ils sont « pressurés » pour y parvenir ou utilisés comme des sparring-partners ou des « obstacles » pour permettre à d’autres d’y arriver. Point d’études longitudinales pour observer l’insertion sociale et professionnelle des anciens SHN, le rôle ou non d’ascenseur social que peut jouer le sport de haut niveau et dans ce cas les facteurs y ayant contribué, la mobilité sociale intergénérationnelle (ascendante ou descendante) qu’ils ont pu connaître…

Ne pas mesurer évite bien des déboires à commencer par devoir se justifier. Tout cela est d’autant plus surprenant que dans d’autres secteurs comme le Ministère de la Recherche cette mesure est indispensable. D’autant plus incroyable que la LOLF s’applique au Ministère « des Sports » comme aux autres Ministères depuis 2006. A moins que ce Ministère ne soit doté, on ne sait pour quelle raison, d’une sorte d’extraterritorialité juridique qui l’en dispenserait ? Si la chose n’est pas nouvelle, elle ne s’est pas améliorée pour autant. En 2007 le rapport Carrez dénonçait un certain nombre de dysfonctionnements ou de transformations de libellés qui altéraient la lisibilité des programmes d’actions engagés en affirmant :

« De nombreux indicateurs de performances, examinés plus loin dans le détail, présentent des faiblesses : manque de pertinence, difficultés de chiffrage, d’interprétation... Toutefois, une large partie des crédits de la mission porte sur des dépenses d’intervention ; l’évaluation de la pertinence des nombreuses subventions versées aux diverses associations et fédérations sportives reste délicate. Un sérieux effort d’amélioration des indicateurs de performance devra être consenti dans ce domaine ». Ou encore, un peu plus loin : « Ainsi, le nombre d’objectifs passe de six à sept, avec pour l’un d’entre eux une modification du libellé (objectif 6) [...] : l’objectif n° 6 : Adapter l’offre de formation aux évolutions des métiers, (son intitulé était en 2007 : Adapter l’offre de formation aux évolutions des métiers et contribuer à l’insertion professionnelle des sportif(ve)s de haut niveau). On peut regretter la suppression de cette mention puisque c’est là une des missions essentielles du Ministère ».

Comment justifier ces manquements alors que le Ministère par délégation et via ses personnels mis à disposition des fédérations (cadres techniques nationaux et fédéraux) engagent nombre de jeunes à s’inscrire dans une filière dont l’issue est incertaine socialement et professionnellement ?

A moins qu’il ne faille accepter l’idée, comme Jean-Marie Brohm le propose, que l’institution sportive ne soit finalement qu’un espace totalitaire (Brohm, 2002) dont les acteurs phares, les SHN, constituent les meilleurs vecteurs de propagande d’un illusoire esprit sportif humaniste, dont ils sont les premières victimes consentantes. Plus simplement ils sont prisonniers d’un système qui les exploite pour son propre fonctionnement.

Bonne retraite les sportifs !

Plus encore que la question des revenus ou de leur reconversion, la retraite des anciens SHN n’est jamais discutée dans le grand public ou par les médias. Si ce n’est sous forme de mots convenus, « une retraite bien méritée », ou quelques reportages montrant d’anciens sportifs dans leurs lieux de vie. Jamais ne sont évoquées les difficultés des sportifs retraités. Là encore, dans l’imaginaire collectif l’équation est simpliste ils ont été sportifs de haut niveau, ils ont forcément gagné de l’argent, ils n’ont pas eu de problème pour trouver un « bon » travail, ils n’ont donc pas de problème de retraite.

Personne ne se demande, tout simplement, quel est l’impact d’une carrière sportive et, surtout, d’une entrée tardive dans le monde professionnel sur le calcul et le montant de la retraite des sportifs.

La réponse est pourtant simple : pour la grande majorité d’entre eux, ils n’ont pas de contrat de travail et ils n’ont pas de salaire du moins durant le temps de leur carrière sportive. Et pour reprendre les propos de Laurence Manfredi et Arnaud Flanquart (2013, p. 2, cité à la page 6 du Rapport Karaquillo), « 4 sportifs de haut niveau sur 10 gagnent moins de 500 € par mois ».

Ils commencent à travailler tardivement ou perçoivent, pour vivre, des sommes occultes ils n’auront donc pas suffisamment de trimestres de cotisation pour prétendre à une retraite à temps plein. Qui plus est lorsque ce nombre va croissant. Dans ce cas le législateur est clair la « pension est réduite au prorata de votre durée d’assurance au régime général de la sécurité sociale ». « Le constat est simple. Hormis les sportifs professionnels qui cotisent pour leur retraite, la plupart des SHN ne perçoivent pas de revenus suffisant pour relever d’un régime de retraite. La situation est en effet complexe et très différente du reste de la population. Si certains sont soutenus financièrement, par le biais des aides personnalisées, d’autres ne le sont pas. Car ces aides ne sont pas accessibles à tous et réparties à la discrétion du Directeur Technique National. De fait, elles s’avèrent différentes d’une fédération à une autre, d’un athlète à un autre, sans parler des écarts considérables entre hommes et femmes. Dans tous les cas, ces aides ne constituent qu’un complément et pas un salaire » (Javerlhiac, 2014, p. 210). Bref, le principe d’équité, entre les membres de la société française, est rompu en matière de retraite au détriment des SHN.

A travers cette focale particulière, c’est le statut de SHN qui est en question depuis très longtemps. Il résulte d’une longue tension entre amateurisme et professionnalisme, dont la spectacularisation des événements sportifs a été progressivement le témoin (Vigarello, 2002). Les hésitations dont il témoigne, encore aujourd’hui, reflètent les débats idéologiques qui ont opposé les tenants du sport amateur à ceux du sport professionnel, les tenants d’une éducation physique à ceux du sport, les tenants du sport spectacle à ceux d’un sport loisir et pour tous. La question de la retraite n’échappe pas à cette dialectique.

La demande en la matière était forte. Les politiques ont pris le temps de la réflexion… pour ne pas dire pour s’y intéresser. Devant les pressions du mouvement sportif, ce n’est, en effet, que le 18 avril 2007 que le Conseil des Ministres abordera cette question en rappelant le projet de loi relatif à la retraite des sportifs de haut niveau, déposé deux mois auparavant. Le compte-rendu indiquait que « Les sportifs de haut niveau se trouvent souvent placés dans des conditions défavorables en matière d’acquisition de droits à la retraite. Le projet de loi vise à rééquilibrer, au regard des droits à la retraite, la situation de ces sportifs qui apportent leur concours, par leurs performances dans les grandes compétitions, au rayonnement international de la France ». Les choses au moins sont clairs : les sportifs ont une utilité politique.

Rien n’est réellement dû au hasard si l’on observe que le Ministre des Sports de l’époque est un ancien champion Olympique et du Monde, issu d’un sport, l’Escrime, très attaché à la formation et à l’insertion professionnelle de ses athlètes.

Être concerné c’est déjà quelque chose. Provoquer une réflexion est essentiel. Pouvoir faire aboutir les dossiers est plus difficile. Le dispositif de retraite a fini par être voté le 28 novembre 2011. Il aura donc fallu quatre années et demi de palabres et tergiversations. L’article 49 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoira que « l’État assurera la prise en charge des droits à la retraite des sportifs de haut niveau ne bénéficiant pas de ressources suffisantes pour cotiser au régime de retraite ». La formulation même de cet article indique, sans aucun doute possible, la situation de dénuement dans laquelle se trouve nombre de SHN.

Si l’État a fini par s’intéresser à la retraite des sportifs, il a néanmoins grandement, limité son apport. « L’État compense les trimestres non cotisés par les sportifs de haut niveau pour compléter, à hauteur de 4 trimestres par an, tous régimes de retraite de base confondus, les droits à retraite des sportifs de haut niveau. La prise en charge par l’État ne peut excéder 16 trimestres par sportif de haut niveau durant sa carrière. Ce dispositif n’est pas rétroactif ».

Ce texte instituant un « droit à la retraite » est une avancée… très restreinte cependant ! La carrière sportive est loin de ne durer que quatre années pour la plupart des sportifs et la loi n’est pas rétroactive ! On donne certes mais s’il s’agit d’un progrès cela n’en est pas moins une aumône.

Il fallait tout simplement ne pas être productif trop tôt, du moins avant le décret d’application de cette loi ! Là encore, l’État n’assume pas complètement ses choix politiques d’engager au nom de la France, pour la grandeur et l’image de celle-ci, les jeunes athlètes dont il vante la réussite ou tait l’exclusion. Nul besoin d’insister pour dire que les SHN sont largement instrumentalisés au service des « fonctions politiques internes et externes » (Brohm, 1976) que le sport rempli au service des gouvernements et des gouvernants en place… quels qu’ils soient !

Les choses sont loin d’être stabilisées et pour tenter de mieux les accompagner, une loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale a été promulguée. Elle prend en compte tout particulièrement le fait qu’ils participent au rayonnement de la France, insiste sur leurs droits et obligations en matière de formation, reconversion, pointe le rôle que doivent tenir les fédérations pour le suivi socioprofessionnel, l’assurance contre les accidents des sportifs, etc.

Reste maintenant à savoir comment cette loi sera appliquée ? De quels moyens financiers et humains elle sera accompagnée ? De quelles manières sera évalué le respect de ces dispositions par les fédérations ? A défaut, tout cela restera au stade des bonnes intentions, sorte d’écran de fumée dont la valeur « opiacée » n’est plus à démontrer. Une question cependant : pourquoi ne pas appliquer le droit du travail, stricto sensu aux SHN et aux fédérations, plutôt que d’inventer une nouvelle loi ? Serait-ce trop contraignant pour le monde sportif ? N’aurait-on pu tout simplement ajouter quelques articles au Code du travail faisant du statut de SHN un statut d’exception ? A moins tout simplement que la loi soit, parfois, symboliquement plus importante pour ceux qui la déposent, il s’agit de laisser son nom à la postérité, qu’utile pour ceux qui doivent bénéficier de cette politique publique ?

En guise de conclusion : Faites du sport de haut niveau !

Arrivé à ce stade de l’analyse est-il nécessaire de préciser encore que le sport de haut niveau n’est pas fait pour les sportifs ? Il est utile pour l’image d’un pays, il est un vecteur de communication, il est fait pour la valorisation des dirigeants et des entraîneurs mais pas pour les sportifs eux-mêmes. Ceux qui arrivent à en vivre, car professionnels, ceux qui obtiennent des résultats internationaux ne se reconnaîtront que très peu dans ce tableau dont la noirceur n’a rien d’exagérée. Les autres, les oubliés du système, les exclus et les obscurs oui sans nul doute.

Le sport constitue, tout simplement, un vecteur fondamental de domination d’un groupe humain (les dirigeants politiques et fédéraux ; les entraîneurs) sur un autre (les sportifs), au point de se demander, à l’instar de Bernard Jeu (1975), s’il est autre chose que violences ?

Mais il met également en exergue un fonctionnement politique largement conduit, en référence à Max Weber (1959), par « l’éthique de la conviction ». Pour lui tout projet politique se fondait sur deux maximes radicalement « différentes et irréductiblement opposées » (Ibid. p. 206) et « peut s’orienter selon l’éthique de la responsabilité ou selon l’éthique de la conviction. Cela ne veut pas dire que l’éthique de conviction est identique à l’absence de responsabilité et l’éthique de responsabilité à l’absence de conviction. Il n’en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction - dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » - et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » » (Ibid. p. 206). Alors que pour Max Weber, l’homme politique, devait privilégier « l’éthique de la responsabilité » sans pour autant manquer de « conviction », à ce niveau dirigeants et entraîneurs ont depuis longtemps abandonné cette idée au profit de la seule conviction : la fin justifiant les moyens ! Les résultats sportifs priment sur le reste.

La question n’est donc pas de savoir si le sport joue un rôle d’ascenseur ou descenseur social. Cette interrogation est somme toute dérisoire après ce que nous venons d’analyser. S’il n’est pas obligatoirement descenseur social, il n’est que très rarement ascenseur social. Les sportifs sont isolés au sein d’un système dont le principal objectif est sa propre reproduction. Ils sont les nouveaux Tantales de l’Odyssée grecque. Ils aimeraient et devraient pouvoir bénéficier de quelques faveurs et avantages au regard du fait qu’ils « apportent leur concours, par leurs performances dans les grandes compétitions, au rayonnement international de la France » mais il n’en est rien.

Que dire, en effet, du rôle, entre autres du CNOSF, dont le principal fait de gloire aura, ces dernières années, consisté en son rôle pour l’obtention et la reconnaissance du statut de dirigeants bénévoles. « On n’est jamais si bien servi que par soi-même » pourrait résumer la ligne politique d’un organisme qui a fait passer le statut de ses dirigeants avant celui des athlètes qui lui permettent d’exister ! La promotion et la protection des SHN ne sont tout simplement pas des valeurs communément partagées. Aucun « champ de force » (Müller, 1990, p. 102) n’est visible pour défendre le statut des SHN, leur formation ou leur insertion professionnelle.

Peut-être faudrait-il tout bonnement concevoir le sport de haut niveau comme un travail, soumis à des « injonctions au professionnalisme » (Boussard, Demazière, Millburn, 2010), certes, mais donc assortie de droits, comme tous travailleurs, encadrés par le Code du travail ? Peut-être faudrait-il, dans ce cas, également concevoir la détection précoce sous l’angle du respect des droits de l’enfant ? Peut-être faudrait-il aussi et surtout s’intéresser au devenir social, professionnel et médical de ces sportifs qui se sont largement investis en mettant en œuvre un suivi longitudinal de tous les « entrants » dans les filières de haut niveau ainsi que des enquêtes épidémiologiques. Cela ressemblerait alors à un début « d’éthique de la responsabilité ».

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NOTES