Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Didier Peyrat

Cause morale, cause perdue ?

Texte publié le 28 février 2015

N’est-il pas temps de relancer un débat sur la place que la morale peut occuper dans les combats pour l’émancipation, la lutte contre les inégalités, le sauvetage de l’environnement, bref en faveur d’une société décente ? N’est-ce pas là un élément indispensable au réarmement programmatique de la gauche ?
Didier Peyrat est notamment l’auteur de En manque de civilité, Textuel, 2005, et de Face à l’insécurité, refaire la Cité, Buchet Chastel, 2007. Il a publié sur le site du Mauss : “Un aspect de l’illimitation capitaliste : la production du cynisme et des « sans scrupules »”, en septembre 2007.

« Quand le mal et le bien sont réintégrés dans le temps, confondus avec les événements, rien n’est plus beau ou mauvais, mais seulement prématuré ou périmé. »
Albert Camus

Le cynisme est la marque de l’époque. Les « affaires » venues de tous les bords éclatent les unes après les autres, comme des bulles malodorantes à la surface d’un marécage. Quand on voit le spectacle donné par la classe politique, on se dit qu’il y a des coups de pieds intellectuels aux fesses qui se perdent. Quel dommage que le 21e siècle n’ait pas encore fabriqué ses Péguy, Bernanos, Camus ou Gary !

Il y a trente ans, on jurait, croix de bois croix de fer, que les lois nouvelles en finiraient avec les financements douteux des partis politiques. A la même époque, on évoquait une « génération morale » l’une des rares fois où le mot morale n’était pas affecté d’un coefficient négatif par des journalistes ou des essayistes réputés de gauche. Qu’est-elle devenue ?

En 2015, ce n’est pas la moralisation mais la démoralisation de la vie politique qui bat son plein en France. Et la gauche, face au phénomène endémique des corruptions, semble ne plus trouver les mots qu’il faut devant des conduites et des comportements qu’elle peine à dénoncer, comme prise au piège de l’anti moralisme primaire qui est depuis trop longtemps - quoique pas depuis toujours – une sorte d’axiome de base de l’intelligentsia « progressiste ».

N’est-il pas temps de relancer un débat sur la place que la morale peut occuper dans les combats pour l’émancipation, la lutte contre les inégalités, le sauvetage de l’environnement, bref en faveur d’une société décente ?

L’immonde des affaires

Défilé interminable de créatures prêtes à tout, gavées de pouvoirs cumulés, transitant sans mauvaise conscience aucune de la gauche à la droite, mentant comme arracheurs de dents, s’emplissant les poches au mépris de la loi parfois, de la morale commune toujours… Qu’est ce qui a permis la fabrication en chaîne, dans le monde des entreprises, chez d’éminents responsables de l’Etat, dans toutes sortes d’organisations politiques ou syndicales, de personnages si manifestement dénués de scrupule ? On ne citera pas de noms, toutes les procédures n’étant pas terminées, mais comment cette floraison de malfaiteurs en cols blancs est-elle devenue possible ? Pourquoi les barrières éthiques qui auraient du empêcher leur accession aux plus hautes responsabilités étaient-elles baissées ? « C’est pas pire qu’à droite » entend-on à gauche. Extraordinaire aveu de capitulation devant l’amoralité, quand on y pense.

Christophe Prochasson, dans son ouvrage publié en 2010 [1], n’avait pas tort d’affirmer que « la crise des social-démocraties européennes est une crise morale. » [2]. Mais contrairement à ce qu’il espérait, la sociale démocratie française, loin de ressourcer « le pacte moral qui doit la lier à ceux qu’elle aspire à représenter », a dans la dernière période abondamment montré qu’elle avait rompu ses dernières amarres avec le socialisme encore pénétré de rigueur éthique des Jaurès, Blum et Mendès France, pour ne pas remonter à Durkheim et Mauss. [3] Cependant, Prochasson, plutôt sensible aux thèmes de « la deuxième gauche », a peu examiné le lien entre cette crise morale et les conséquences du ralliement au capitalisme, désormais présenté comme leur « horizon indépassable » par les partis socialistes européens, grâce en partie à cette « deuxième gauche ».

Il est difficile en effet de ne pas déceler quelques affinités entre soumission aux réquisits de l’économie capitaliste et conversion au cynisme de l’argent roi, ainsi qu’à la compétition sans scrupule pour le pouvoir que traduisent tous ces comportements. On assiste partout, sous la concurrence des motions d’avant congrès, à la lutte pour occuper les postes les plus rémunérateurs, en vile monnaie ou en prestige symbolique. Compétition féroce pour avoir un emploi (dans une association ou une collectivité territoriale), un poste d’élu (avant d’essayer d’en avoir plusieurs en même temps), sans parler des allers et retours fructueux entre responsabilités politiques et directions d’entreprises… S’il faut « arriver » et « vendre » par tous les moyens, comme l’enseignent les grandes écoles de commerce, pourquoi se gêner dans le champ politique ?

Le capitalisme foncièrement amoral - puisque sa logique est celle de la maximisation du profit privé et non celle du bénéfice public, et qu’il est par conséquent structurellement incapable de se fixer des limites – a envahi toutes les sphères sociales. Il a aussi déteint sur la gauche, et c’est d’évidence l’un des facteurs explicatifs du pullulement des sans scrupule, sans que des différences substantielles puissent de ce point de vue être discernées entre droite et gauche.

L’impulsion morale du socialisme

Si vous prononcez le mot « morale » dans une enceinte de gauche ou d’extrême gauche, bien souvent des cheveux se hérissent immédiatement sur les cranes. Vous avez prononcé un mot sale, douteux. Par un extraordinaire détournement de sens, il est devenu indécent de parler de décence. Et il y a des convergences qu’il est difficile de ne pas remarquer : la gauche officielle d’aujourd’hui, celle qui est ralliée au capitalisme concurrentiel et à un « progrès matériel illimité », mais aussi une bonne part de l’extrême gauche, féroce critique de la première, se rejoignent sur le mépris doctrinal de la question morale. Le sort fait récemment aux ouvrages de Jean-Claude Michéa par toute une série de polémistes, des plus « socio-libéraux » aux plus gauchistes, est emblématique de cette évacuation, souvent agressive, de la question morale.

Pourtant, cet effacement de la question morale est basé sur un oubli des origines. Le socialisme est bien né d’une protestation morale qu’il s’efforçait de prolonger sur le plan politique et social. Sans même remonter au préambule des statuts de l’Association Internationale des Travailleurs (signés par Marx et Bakounine en 1864) évoquant la « Vérité, la Justice et la Morale » (avec leurs majuscules) comme base du comportement exigé de ses membres, voici comment s’exprimait encore William Morris en 1890 : « le socialisme a ses racines non dans la conviction selon laquelle son avènement est inéluctable, mais dans la révolte contre un système qui est moralement répugnant parce qu’il asservit l’homme au besoin économique et réduit la vie à une lutte pour la survie ». Aux premiers socialistes français (Fourier, Leroux, Proudhon), on pourrait ajouter les allemands (Feuerbach, Hess, Wietling) qui tous accordaient une place prépondérante à l’altruisme comme fondement d’une société émancipée de l’argent et de l’esclavage industriel naissant.

Cependant, après ces commencements, l’orthodoxie léniniste d’un côté, l’orthodoxie réformiste de l’autre, sont parvenues à couvrir de cendres cette impulsion morale initiale du socialisme. Michéa a raison de souligner que la tendance de Marx - après le manifeste communiste de 1848 qui soulignait la dissolution des valeurs dans les « eaux glacées du calcul égoïste  » - à rechercher du côté des sciences les garanties de l’émancipation du prolétariat l’ont progressivement conduit « à négliger les conditions morales du projet socialiste » [4]. Mais Michael Lowy nous rappelle que dans le livre I du Capital (1867) encore, dans la description faite par Marx des horreurs de l’accumulation primitive, celui-ci « n’hésitait pas à donner « libre cours, dans ses pages brûlantes, à son indignation morale ». [5] Les notions d’aliénation et d’exploitation n’étaient pas que descriptives : elles exprimaient simultanément un point de vue éthique.

Tout ceci permet de comprendre la naissance, à partir du tronc, d’une branche romantique du marxisme qui, même dissimulée dans l’épais feuillage du matérialisme dit « scientifique », n’est jamais morte.  [6]

Les horloges d’un socialisme éthique ne se sont pas arrêtées au 19e siècle. D’abord, l’école de la protestation morale n’a jamais complètement disparu du mouvement ouvrier. Pour s’en tenir à la France, on trouve encore des réaffirmations de l’importance de la question morale chez de nombreux penseurs et dirigeants de gauche (Jean Jaurès, Léon Blum, Mendès France). Quelques intellectuels engagés à gauche s’attacheront à montrer que les phénomènes moraux, s’ils sont certes sociaux, sont des faits sociaux distincts et méritent une étude particulière : Benoît Malon, Frédéric Rauh, Emile Durkheim, Marcel Mauss, Georges Gurvitch, Lucien Goldmann [7]. Pour eux, aucun socialisme digne de ce nom ne peut écarter la question morale, tandis que poussé à ses limites l’individualisme intégral de le lutte capitaliste de tous contre tous aboutit à nier la possibilité d’une morale commune.

Certes ce filon s’est tari, notamment vers les années soixante (et Sartre a fini par renoncer à la construction d’une morale de la liberté), notamment sous la pression du structuralisme, mais il n’a jamais complètement disparu, comme en témoigne l’œuvre d’un André Gorz ou, par éclairs, celle de Castoriadis et, plus récemment, celle de Denis Collin.

Y compris pour critiquer le devenir des états collectivistes bureaucratiques, la ressource morale n’était pas inutile et elle avait été mobilisée avec raison par les premiers opposants de gauche au régime de l’URSS. Quelques exemples. Mauss, en 1923, notamment à cause du procès odieux intenté aux socialistes révolutionnaires, estimait que les bolcheviks s’étaient mis « hors la loi morale ». [8] Victor Serge a également donné à ses réquisitoires contre le régime stalinien une forte tonalité morale (ce qui lui valut d’ailleurs une volée de bois vert de Trotsky). Dans ’Droit naturel et dignité humaine’, Ernst Bloch critiquait aussi la suppression de la question morale en tant qu’elle serait nécessairement dépassée par le processus de libération et de transformation sociale. [9] Plus près de nous, Karel Kosik, dissident marxiste qui avait maintenu, contre le collectivisme dictatorial en vigueur en Tchécoslovaquie, l’idée que les questions éthiques subsistaient nonobstant la libération sociale et affirmé que son pays subissait une « dévastation morale » du fait du cynisme de la caste au pouvoir, dénonçait après 1989, la restauration capitaliste sauvage aux main des affairistes de tout poil, et plus généralement le « supercapital » globalisé en l’accusant de bâtir une société sans morale. [10] On trouve incontestablement chez ce marxiste hétérodoxe et sans tâche (l’un des rares penseurs contemporains qui ait lutté sur les trois fronts avec la même énergie : contre la dictature collectiviste, contre le fascisme et contre le capitalisme irrémédiablement sauvage) une critique morale du capitalisme.

La gauche ne part donc pas de rien : les rameaux du socialisme moral ont continué de vivre, pas seulement dans la gauche réformiste ou « deuxième gauche » comme semblait le croire Christophe Prochasson, mais aussi dans certains secteurs rattachés à la tradition de la gauche révolutionnaire.

Ernst Bloch voyait déjà un risque de ’tyrannie’ dans la tentation de la réduction du moral au politique. Affirmer que la lutte pour une société meilleure devient l’unique comportement moral possible, ainsi absorbée dans une cause finale, aboutit fréquemment à éliminer la morale en tant que catégorie spécifique pour appréhender les comportements humains. La formule la plus ramassée de cette dissolution de la morale dans le politique avait été donnée par Trotsky : « Les questions de morale révolutionnaire se confondent avec les questions de stratégie et de tactique révolutionnaire. » [11] Pour avoir commis cette phrase effectivement problématique parce qu’elle broie l’éthique dans le politique, il s’est fait épingler pour l’éternité par tous les penseurs antitotalitaires. Cependant, comment ne pas voir que cette conception – qui revient à n’accepter aucun frein moral dans la conduite des affaires politiques – est adoptée en réalité par toutes sortes de courants politiques, et plus que jamais pratiquée aujourd’hui à droite comme à gauche en passant par le centre . [12]

Or une telle conception n’a pas seulement passablement désarmé les oppositions de gauche face à la mise en place d’un socialisme autoritaire après 1917, puis l’édification du totalitarisme stalinien, elle a conduit à occulter deux séries de phénomènes, une occultation très largement partagée.

La morale, lampe torche à braquer sur les phénomènes politiques et sociaux ?

En premier lieu, il est curieux d’observer - alors que ’l’indignation’ demeure le point de départ de toute lutte sociale et/ou démocratique, qu’elle soit lutte pour la conquête de droits nouveaux ou lutte pour la défense d’acquis - que cette notion manifestement mêlée de morale donne si rarement lieu à études et réflexions chez les penseurs de gauche. Daniel Bensaïd reconnaissait que « l’indignation » était au principe des luttes et en faisait le point de départ d’une stratégie émancipatrice : « L’indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s’indigne, on s’insurge, et puis on voit ». Mais il renonçait à creuser pour chercher de quoi était constituée cette indignation, ce qui pouvait la mettre en branle. Il y a pourtant sous l’indignation une trame morale indéniable, autant dans les luttes ouvrières les plus classiques, les combats menés pour la démocratie et les libertés fondamentales, pour l’égalité des sexes ou la défense des homosexuels, contre le racisme. Si on s’insurge, c’est contre quelque chose qu’on voit déjà et qu’on évalue comme insupportable. « On voit » avant de s’engager, et pas seulement après.

Il y a quelques raisons profondes à ces noces maintenues contre vents et marées entre luttes, indignations et morale. Si les révoltés se soulèvent périodiquement, ce n’est pas seulement parce que des situations négatives engendrant souffrance et mal être leur sont imposées (tous les « plans sociaux » ne déclenchent pas de luttes collectives), c’est que les conditions ou les mesures infligées sont à un moment donné perçues comme contrevenant à un certain nombre de normes, de principes, de valeurs, de façon si éclatante qu’on parvient à une sorte de point d’indécence : la limite du supportable a été franchie. Comme le souligne Alain Caillé : « (…) partout à travers le monde des peuples se dressent, non seulement contre la misère mais, d’abord et plus profondément, contre la corruption des élites et des dominants. » [13] De la place Tien an men aux « printemps arabes », jusqu’aux mobilisations du 11 janvier en France, en passant par les Indignés espagnols, on voit fonctionner un « choc moral » [14] à la base d’innombrables contestations de l’ordre existant et mobilisations.

Comment ne pas voir, également, que la lutte pour la défense de l’environnement naturel a, sans s’y réduire, un rapport étroit avec un certain nombre de principes éthiques heurtés par le saccage de la planète, des paysages, les souffrances innommables infligées aux animaux, le règne de l’obsolescence programmée, de la publicité invasive et des gaspillages ? L’indignation que suscitent, parfois, ces phénomènes n’est pas le résultat mécanique d’un dérèglement du système. Elle n’est pas que, mais aussi une réplique morale à des comportements évalués comme offensants.

C’est un point fort de l’œuvre de Hans Jonas, lorsqu’il évoquait « la faculté ontologique de l’homme à choisir, sciemment et délibérément, entre des alternatives de l’action  » pour assurer « la réconciliation de notre Etre séparé avec le tout dont nous vivons. » [15] Son éthique du futur est bien un appel à une responsabilité anticipée devant les agressions infligées à la nature et aux enfants à naître. Les analyses de Murray Bookchin [16], l’un des précurseurs de la décroissance, bien qu’anciennes, sont également précieuses. Son « municipalisme libertaire » - qui se voulait une réponse aux dégâts de l’Etat, des nations centralisées, des villes modernes démesurées et des méga-machines bureaucratiques lesquelles « abrutissent les hommes et vident la collectivité de toutes ses valeurs de solidarité, de cohésion, de moralité et de culture » - est notamment fondé sur l’idée que le gigantisme produit une société sans morale possible.

On voit donc aisément qu’évacuer la morale comme une question périmée, « éculée », ou marquée « à droite », c’était, en premier lieu et spécialement pour la gauche, risquer de ne pas se donner les moyens de saisir un ressort essentiel des mouvements sociaux, écologiques et démocratiques réellement existants. On se prive ainsi de projeter un certain rayon de lumière sur pas mal de phénomènes politiques et sociaux.

Les dilemmes éthiques du comment faire ?

En deuxième lieu, dans toutes les luttes existent un certain nombre de dilemmes, de tensions, de conflits éthiques que la référence aux motifs du combat ne permet pas de trancher et qui obligent à se référer à des normes, explicites ou implicites, qui dépassent les clivages purement politiques. De ce point de vue il est particulièrement intéressant de se pencher sur les travaux d’Axel Honneth. Les thèses de celui-ci ouvrent en effet des aperçus utiles sur ce que pourrait donner l’intégration de la préoccupation morale, ainsi enrichie des apports de la théorie de la reconnaissance, aux pratiques des mouvements sociaux. Non pas seulement pour déterminer leurs buts, mais pour veiller à ce que leurs méthodes ne soient pas infectées d’un utilitarisme, d’un cynisme peu regardant sur les moyens qui font qu’elles deviennent elles mêmes dispensatrices de blessures morales. Car dans ce domaine aussi, il y a « des choses qui ne se font pas » (ou ne devraient pas se faire).

Honneth avance entre autres l’idée que les individus se voient parfois infligés par autrui ou les institutions des « blessures morales » (atteintes à l’estime de soi, déni de reconnaissance, mépris). Cette approche ouvre plein d’aperçus intéressants sur notre vie politique, sociale, économique et culturelle. Pour s’en tenir ici au premier plan, les partis politiques aujourd’hui, grands ou petits, se présentent souvent comme des machines spécialement performantes pour organiser le refoulement de leurs membres. Ils se perpétuent dans leur être, avancent, mais en semant derrière eux d’innombrables « déçus de » ou « ex  ». Aucun rapport avec les blessures morales infligées à tant de leurs novices par des modes d’organisation et de sélection en vigueur dans ces groupements ? On peut en douter.

Ce qui est intéressant aussi pour renouveler la question morale, c’est de remarquer que les lésions personnelles auxquelles fait référence Honneth ne sont évidemment pas compréhensibles hors la prise en compte du fait individuel. Elles sont irréductibles à des offenses faites au groupe. Ouverture, alors, vers une morale qui ne serait pas envisagée seulement comme un dispositif spirituel permettant au groupe de persévérer dans son être, l’expression d’un besoin du collectif, mais également comme l’expression de l’individuation, dans la mesure où elle doit intégrer la nécessité d’adopter les uns envers les autres des attitudes permettant de sauvegarder l’intégrité personnelle des individus. C’est à cette condition que peuvent se relier, sans écrasement de l’une au profit de l’autre, les polarités de la socialité et de l’individualité. Si la morale peut toujours être envisagée comme « l’art de la vie en commun », selon la définition de Marcel Mauss dans son Essai sur le don, on doit, pour avancer dans la définition du concept et en dégager quelques conclusions opérationnelles pour le monde d’aujourd’hui, adopter une définition large du « commun » en tirant toutes les conséquences de la reconnaissance de l’individualité comme fait majeur et inéliminable de nos sociétés.

En tout cas, sauf à penser l’engagement comme un acte de foi ou à adopter la logique du ’pari’(qui expose quand même à un certain isolement, peu de gens ayant envie de jouer leur existence sur un coup de dés), aucune référence à une finalité ’juste’ ne saurait faire disparaître les contradictions inévitables de l’action, surtout si celle-ci, attentive aux individus, ne cherche pas à les écraser, mais à les déployer. Nier cet espace spécifique de controverses et de tensions non soluble dans le politique, c’est s’imaginer que la pureté des fins poursuivies possède une telle puissance intrinsèque qu’elle excuse tout ’dérapage’ dans le cours de la transformation sociale. Inutile d’insister sur le fait que l’expérience historique a amplement démontré les dégâts de ce type de croyance.

Une morale en devenir pour un monde compliqué

Les luttes ont donc souvent un détonateur moral. Elles ont aussi besoin de boussoles. On reconnaît qu’elles doivent s’imposer certaines limites. Si c’est vrai, pourquoi les démarches émancipatrices devraient-elles refuser d’entrer dans une discussion sur le terrain moral ? C’est pourtant ce qu’une grande partie de l’intelligentsia de gauche s’applique à faire depuis des années.

Un des arguments les plus couramment employés pour jeter l’opprobre sur toute réflexion éthique : poser des problèmes en terme moraux serait forcément faire référence à une morale intangible, fixe, immuable, trait bien connu de la pensée réactionnaire qui présente comme éternelles des valeurs changeantes… Mauvaise querelle que ce procès en fixisme. En appeler à une morale immédiatement utile pour la société, ce n’est pas automatiquement (sauf bien sûr pour les contempteurs de toute approche morale) vouloir réhabiliter d’anciennes morales ayant fait leur temps.

Il s’agit plutôt d’insister sur le fait qu’une société humaine ne se construit pas que sur des rapports de production, des dispositifs de pouvoir, des structures : pour être possible, elle suppose aussi des formes de sociabilité qui, dans l’en dessous, étayent l’ensemble en permettant aux individus de communiquer et de cohabiter dans des espaces communs. Cette trame de sociabilité (ou de civilité), si elle n’est bien sûr pas indifférente aux rapports de production, renvoie à des états d’esprits, des mentalités, qui ne sont pas le simple « reflet » dans les cerveaux des situations objectives. Or l’examen un peu attentif de ces mentalités, individuelles et/ou collectives, montre que des valeurs, des préférences morales, implicites ou explicites, sont constamment mobilisées par les individus dans leurs interactions. Dans tout groupe humain, on se regarde, on s’évalue, on se jauge et on se juge. Pour s’aimer, s’entraider, s’éviter… ou se massacrer.

Bien entendu, la question morale n’est pas figée. Elle donne lieu à controverse, d’abord. Elle est un espace de discussions infinies. De la plus petite famille, en passant par les communautés de travail (les débats sur la déontologie professionnelle) jusque dans le champ intellectuel (la philosophie morale). Dans ce dernier, elle se nourrit également de recherches conduites dans les champs les plus divers (sociologie, psychologie, philosophie, droit etc.) et elle peut intégrer sans cesse de nouveaux apports, eux-mêmes sujets à débat. La morale n’est pas une substance : elle est en devenir.

En revanche, ce qui est éminemment contestable c’est de soutenir qu’une société humaine vivable pourrait se passer longtemps d’une armature morale. Là est la permanence, là est l’invariant anthropologique, là est le « roc », comme écrivait Mauss…

La décence commune et ses contextes : le débat Michéa/ Lordon

Récemment, les travaux de Jean-Claude Michéa ont connu un succès grandissant. Or Michéa est l’un des rares intellectuels se réclamant du socialisme à poser la question morale avec assiduité dans tous ses livres.

La présentation que Frédéric Lordon a faite de la thèse de Michéa, dans deux articles parus sur Internet [17] est fort caricaturale. Voici Michéa accusé de sous estimer la question des contextes de la morale et de transformer celle-ci en une essence hors du temps et de l’espace. Lordon n’a visiblement pas pris le temps de lire.

Interrogé sur la question de savoir comment faire pour promouvoir les « vertus de base », voici par exemple ce que Michéa répondait en 2007 : « Il s’agit plutôt de construire progressivement un contexte politique, social et culturel qui favorise indirectement les dispositions à l’égalité, l’entraide et l’amitié plutôt qu’à l’égoïsme et à la guerre de tous contre tous. Cela n’a rien d’utopique. Qu’est-ce qui favorise, dans nos sociétés libérales, les progrès de l’égoïsme ou du désir de réussir au détriment de ses semblables ? C’est bien tout le contexte mis en place par la civilisation juridico-marchande, à travers, par exemple, son urbanisme son organisation du travail, ses structures éducatives, sa propagande publicitaire ou son industrie de l’information ou du divertissement. » [18] Michéa se rend donc parfaitement compte que la Common decency ne se défendra pas toute seule et qu’il s’agit de lui préserver des situations favorables.

Mais relevons que pour Michéa, si le contexte à construire est « politique, social et culturel », il n’est pas envisagé qu’il puisse être aussi juridique. Au contraire, il évoque une « civilisation juridico-marchande » qu’il érige en bloc contre les dispositions à l’égalité, l’entraide et l’amitié. Il semble bien y avoir ici une confusion discutable entre certains usages problématiques du droit dans les sociétés actuelles et les potentialités que recèle le droit en tant que tel. En effet, le droit peut dés aujourd’hui servir de frein à l’illimitation et, dans une société refondée sur des bases non-capitalistes, il pourrait (car rien dans sa structure essentielle ne l’interdit) et devrait être mis au service de la socialité et de l’individualité.

Frédéric Lordon, si on met de côté le sectarisme outrancier de sa critique du michéisme [19] soulève donc une question réelle sur « l’institutionnalisation » de la Common decency, à laquelle jusqu’ici, on n’a pas trouvé de réponse convaincante chez Michéa, faute sans doute d’une réflexion approfondie sur la ressource juridique.

La vertu n’est-elle que le masque de l’égoïsme ?

Mais Lordon reproche également à Michéa de ne pas vouloir admettre que la Common decency n’est que le masque de l’égoïsme. [20] Les individus qui pratiquent la solidarité quotidienne, le don et le respect d’autrui ne le font que par calcul d’intérêt : ils espèrent en retirer des bénéfices. Ce qui est premier, c’est donc l’égoïsme. Par conséquent, promouvoir ces pratiques (Lordon n’expose d’ailleurs nulle part les motifs de ce volontarisme en faveur de la vertu auquel il semble quand même adhérer) ne peut que consister à prendre l’égoïsme comme base de départ et à l’utiliser en le réorientant pour le faire servir à autre chose. On est bien en présence d’une approche résolument utilitariste de la morale, ce qui au passage explique que Lordon s’en prenne régulièrement, avec il est vrai plus de véhémence que de citations précises, au MAUSS.

Mais Lordon, en réactivant cette opposition binaire entre égoïsme et altruisme, tout en affirmant que le second n’est qu’une déclinaison du premier, se rend-il compte qu’il régresse à de très vieilles conceptions ? Par exemple, celles de La Rochefoucauld qui réduisait l’altruisme à n’être qu’une forme déguisée de l’égoïsme. Elles étaient déjà éreintées il y a plus d’un siècle par Emile Durkheim, notamment dans son cours de la Sorbonne de 1902-1903 [21] lorsqu’il critiquait l’idée que la vertu n’est que le masque de l’égoïsme.

Pour Durkheim, qui prenait appui sur une observation des comportements enfantins, s’il y a de l’égoïsme dans tout altruisme, il y a de l’altruisme dans tout égoïsme. Même s’il est rudimentaire, on trouve chez l’enfant « un genre d’altruisme que l’éducation n’a qu’à développer. » Cela débouchait sur une approche de l’éducation respectueuse de l’évolution et des contradictions enfantines, et conduisait Durkheim, par exemple, à proscrire tout châtiment corporel à l’école, ce qui tranchait nettement avec les pratiques majoritaires en son temps ! Tout au contraire, une éducation fondée sur l’idée que l’égoïsme et le calcul sont au principe des conduites humaines et que l’enfant n’est qu’un être primitif, cruel, ne poursuivant que ce qu’il croit être son propre plaisir, a de tout temps justifié des procédés de dressage et la mise en place d’une pénalité scolaire extrêmement sévère.

Puisque l’intérêt commande tout, la seule chose qui compte aux yeux de Lordon, fidèle aux axiomes posés par Pierre Bourdieu sur ce point, c’est de bâtir des univers dans lesquels les gens auront intérêt à la morale. Le reste est chimère poursuivie par de dangereux naïfs. Conséquences : au mieux, la question morale est renvoyée à plus tard. Au pire : peuvent ainsi êtres justifiées des pratiques de « rectification morale » du haut (les élites munies de la science) vers le bas (ce peuple décidément capable de tout) qui peuvent, à tout le moins, faire froid dans le dos. En effet, si l’égoïsme est le penchant primordial de l’homme, si l’altruisme est une simple construction éducative et sociale sans fondement anthropologique, venant après et à tout le moins secondaire dans les processus qui agissent l’être humain, alors on n’est pas loin de se préparer à forcer les gens à se plier aux impératifs catégoriques d’une morale à laquelle, spontanément, par leur « nature » en quelque sorte, ils renâclent.

La réflexion lancée par Michéa paraît, malgré ses limites, plus féconde. Il nous rappelle que question sociale, question écologique et question morale sont indissociables. Il met le doigt sur une plaie ouverte dans nos flancs : l’abandon de la question morale par la gauche, pain béni, malgré les déclarations de congrès, pour le capitalisme tendanciellement criminel de notre temps et en même temps venin qui la dévore de l’intérieur, parce qu’elle n’est pas oppositionnelle mais fondamentalement installée désormais dans le système dont elle subit la pression à la fois externe et interne. Voilà pourquoi il suscite tant de réactions agressives à la fois dans les cercles de la gauche gouvernementale qui traite de « passéiste » tout ce qui n’est pas rallié à l’amour « moderne » des entreprises (et aux salaires mirobolants des patrons allant avec), à la fois dans la gauche dite « radicale » qui, à ne retenir de 68 que le nouveau catéchisme libertaire qui en est issu confond depuis bientôt 50 ans morale et catéchisme moralisateur. Posture assez généralisée à gauche pour permettre à la droite, à l’extrême-droite et à certains courants religieux de « capturer » la question morale. Et c’est pourquoi aussi Michéa déclenche les anathèmes des mandarins du sociologisme structuraliste, lesquels s’échinent à nous démontrer que les structures effacent toute distinction utile entre le bien et le mal. Pour eux, les individus, qu’ils soient délinquants d’en haut ou délinquants d’en bas, patrons accapareurs ou politiques cyniques, ont bien raison de plaider qu’ils ne font, après tout, que ce qui est leur est dicté par le système.

Un peuple dépositaire de la morale ?

Entre autres, oui. En effet, les valeurs de décence et de civilité tant malmenées, non seulement par la droite mais aussi par la gauche officielle, demeurent toujours vivaces au sein des classes populaires, en dépit de reculs soulignés par Michéa lui-même.

Eh oui, actuellement, on est plus porté à l’indignation devant le cynisme de l’époque dans les classes populaires que dans les classes supérieures. Si la lutte contre la corruption est si défaillante en France, c’est notamment parce que les élites ont eu beaucoup de mal à se motiver sur ce combat nécessaire qui pourtant, s’il était mené vigoureusement, rapporterait beaucoup d’argent à l’Etat. Comme si la corruption faisait à leurs yeux partie des faux frais de la mondialisation capitaliste. Mais l’indifférence éthique, souvent mêlée de snobisme, affectée par les « décideurs » creuse discrètement un fossé social et civique supplémentaire.

Bien entendu, reconnaître l’existence d’une « moralité populaire » n’implique en rien d’attribuer à ces classes des qualités « naturelles » liées à une « essence », pas plus d’ailleurs que cela n’exclut que des personnes occupant des positions privilégiées dans l’espace social puissent avoir un comportement respectueux de la moralité. Les structures laissent quand même beaucoup de marges de manœuvres aux individus !

En revanche, c’est sans doute seulement si on prend en compte ce fond existant de moralité ou de « civilité » populaire qu’on peut comprendre pourquoi la gauche moderne - en déclarant la préoccupation morale scientifiquement inepte, en la classant dans l’enfer des catégories intrinsèquement « réactionnaires » ou en la reportant à l’après (« La bouffe d’abord, la morale ensuite  » disait Brecht ) - a indirectement mais sûrement contribué à sa déprolétarisation.

Aujourd’hui la protestation morale contre l’état du monde prend des formes déroutantes, pour une large partie à cause des carences de la gauche sur le sujet. Elle est repérable à la fois dans le retour des fondamentalismes religieux, l’abstentionnisme politique, le repli sur la sphère privée et d’autres phénomènes encore. On doit également constater que même le vote d’extrême-droite, qui est en partie un vote anti-corruption, reflète, en la déformant et en la manipulant, cette protestation morale. La montée du Front national en milieu populaire a des causes politiques, sociales et culturelles. Elle a aussi des causes morales. Ce n’est pas l’habileté des dirigeants d’extrême-droite à exploiter ce filon (au prix d’ailleurs de quelques contradictions qui ne manqueront certainement pas d’éclater rapidement) qui devrait exclusivement nous interpeller : c’est le fait que la gauche, ces dernières années, s’est trop fréquemment donnée à voir comme une famille politique qui, dès qu’elle est en situation de pouvoir, et dans tous les secteurs (y compris quelques chasse-gardées médiatiques, universitaires et associatives), ne brille pas par l’honnêteté, le respect des principes ou la rigueur à l’égard des comportements indélicats (adoration du dieu pognon, clientélisme forcené, arrangements entre amis et promotions dans l’Etat par réseaux de copinages, et ce qui va avec : l’appétit pour les mises à l’index).

Du coup, il n’est pas surprenant que Michéa estime que la référence à la gauche - tellement embrouillée par toutes sortes de trahisons, palinodies et accompagnements du monde tel qu’il va - constitue désormais un obstacle à la constitution du « front de libération populaire » qu’il appelle de ses vœux. Michéa pense en effet qu’on ne peut plus sommer quiconque « de se courber sous la bannière identitaire d’une gauche » qui n’évoque aux yeux des gens que « le culte de la modernisation à outrance (…) et de la transgression morale et culturelle sous toutes ses formes ». Il ne veut plus, pour sa part, se dire de gauche. On peut être dubitatif sur ce point : faut-il abandonner le drapeau parce qu’il est souillé ou le laver énergiquement ? Mais une chose est certaine, Michéa a raison dans son diagnostic : la gauche actuelle est à peu près déconsidérée sur le plan moral, et ce notamment aux yeux de millions de gens qui votaient ou votent encore pour elle (nez pincé).

Une politique sans morale ne peut faire sens

En résumé, la problématique de la morale paraît devoir faire l’objet de travaux indispensables au réarmement programmatique de la gauche. Ce n’est évidemment pas ’la’ clé (la gauche va assez mal sur bien d’autres sujets) mais c’est l’une de ses tâches impératives.

A la fois comme moteur et garde fou des luttes d’émancipation, à la fois comme fondement d’une société délivrée de l’économie supercapitaliste, de la fièvre de l’illimitation, des violences (systémiques et interpersonnelles), de la désinvolture à l’égard de l’environnement naturel, la préoccupation morale mérite une intégration au corpus doctrinal de l’écosocialisme qui cherche à émerger. Il n’y a pas que cela à faire, mais il faut le faire. Contrairement à ce que nous serinent les professionnels de l’amalgogie (amalgame + pensée par analogie), il ne s’agit pas de faire régner un « ordre moral », mais de faire le ménage dans toutes les pratiques douteuses qui ont contribué à l’effondrement tout à la fois éthique, électoral et militant des organisations de gauche.

Au lieu de discréditer sans débat toute approche morale, mieux vaudrait admettre qu’il faut remettre sur l’établi la réflexion sur l’un des problèmes cruciaux du temps présent. Réactiver l’élan moral à gauche, c’est tout simplement la condition pour adresser au super capitalisme immoral (promoteur d’un cynisme qui couvre les traitements inégaux infligés aux êtres humains jusqu’à ceux infligés à la planète), la dénonciation implacable qu’il mérite… ce qui suppose d’avoir soi même les fesses à peu près propres.

Mais désormais il faut ajouter : c’est aussi une condition pour que la gauche joue un rôle dans la résistance au nouvel ouragan qui se lève contre les démocraties, participation qui est une condition pour éviter des dérives dangereuses à ce combat indispensable. Un totaliterrorisme inédit dans l’histoire s’est dressé. Celui-ci n’hésite pas, contre des sociétés très imparfaites - mais qui ont pour l’instant ce mérite incalculable de préserver des possibilités, y compris celle d’une libération effective, raison principale des attaques qu’elles subissent, à distiller la pire des anesthésies morales : le mépris sans limite de la vie humaine. A cela, il faut faire face par toutes sortes de moyens. Mais sans leur adjoindre une morale ferme, vigilante et réhabilitée, ils seront privés de sens.

24 février 2015

NOTES

[1Cf. La gauche est-elle morale ? Christophe Prochasson, Flammarion, 2010.

[2La gauche est-elle morale ? op. cit. p. 249.

[3Je précise que j’emploie indifféremment les termes « morale » et « éthique », aucun texte ou ouvrage lu jusqu’ici n’ayant réussi à me convaincre qu’existe une réelle différence de sens entre les deux notions, autre que celle qu’on peut décider de leur attribuer.

[4Cf. Impasse Adam Smith, Climats, 2002, p. 85.

[5Cf. Lire Marx, Géard Duménil, Michael Löwy, Emmanuel Renault, PUF, 2014, p. 69.

[6Cf. Révolte et mélancolie : le romantisme à contre-courant de la modernité , Michal Löwy avec Robert SayrePayot, 1992.

[7Lire à ce sujet : Lucien Goldmann : Le pari socialiste d’un marxiste pascalien par Michael Löwy accessible sur : http://blogs.mediapart.fr/blog/michael-lowy/061112/lucien-goldmann-le-pari-socialiste-dun-marxiste-pascalien

[8Cf. Ecrits politiques, Marcel Mauss, Fayard, 1997.

[9Droit Naturel et Dignité Humaine, Ernst Bloch, Payot, 1976.

[10Cf. La crise des temps modernes : dialectique de la morale, éditions de la Passion, 2003.

[11Cf. Leur Morale et la nôtre, Léon Trotsky, éd. Jean Jacques Pauvert, p. 97.

[12L’hypocrisie de ses contempteurs était d’ailleurs ce que Trotsky invoquait pour sa défense dans Leur morale et la nôtre et sa réponse à John Dewey…

[13Le « Manifeste convivialiste, déclaration d’interdépendance » paru en 2013, signé par de nombreux intellectuels proclame que la « question morale » est l’une des cinq questions centrales de l’époque. Changement de climat, début de la fin de la mise à l’index de la morale ? Espérons-le.

[14Cf. expression empruntée à Isabelle Sommier, Entretien dans Le Monde, 23 novembre 2014.

[15Cf. Pour une éthique du futur, Hans Jonas, Rivages poche, 1997.

[16Murray Bookchin (1921-2006). Lire notamment Pour une écologie sociale et radicale, Le passager clandestin, 2014.

[17Cf. Michéa : le meilleur, le bizarre et le pire, Frédéric Lordon, article publié en 2014 sur le site de la Revue des livres. Voir aussi :  Impasse Michéa (accessible : http://www.revuedeslivres.fr/impasse-michea-par-frederic-lordon/ ).

[18Cf. Entretien du 27 septembre 2007 avec Aude Lancelin pour Le Nouvel Observateur, repris dans La double pensée, Champs Flammarion, 2008.

[19Cf. Michéa : le meilleur, le bizarre et le pire, op. cit. Lordon éprouve le besoin de railler « la communauté villageoise et familiale où Michéa a fait retraite » tout en lui reprochant « de ne pas beaucoup sortir de chez lui » … Etrange accès de parisianisme élitiste chez ce grand pourfendeur du Capital.

[20Cf. Impasse Michéa, op. cit.

[21Cf. L’éducation morale, Emile Durkheim, PUF Quadrige, 1992 notamment p. 189.