Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Le Pouvoir des hommes passe par la « langue des femmes ». Variations mongoles sur le duo de la légitimité et de l’aptitude

Texte publié le 29 juin 2012

Article paru initialement dans L’Homme, 1979, n°3-4. Reproduit ici avec l’aimable autorisation de Jean Jamin, directeur de la publication,et de Roberte Hamayon, auteur.

En complément au n°39 de la Revue du MAUSS semestrielle, « Que donnent les femmes ? », nous reproduisons ici l’article de Roberte Hamayon paru en en 1979, dans le tome XIX, n° 3-4 (p. 109-139), de la revue L’Homme, qui est sans doute une des plus belles études ethnologiques existantes (sur la société bouriate, en l’occurrence), et des mieux documentées, sur les mécanismes et l’idéologie de la domination masculine. Et, notamment, dans le rapport à la langue et à la parole. Où l’on voit, également, que la réalité est rarement conforme à l’idéologie, qu’il existe de multiples écarts entre la norme et son application. Qu’à certains égards, personne n’est totalement dupe de la hiérarchie proclamée. Mais qu’au bout du compte tout reconduit à la reproduction de l’idéologie de la supériorité masculine. A.C.

Se proposant d’observer la différence sexuelle telle qu’elle est conçue et vécue par les sociétés mongoles, l’auteur a retenu, parmi les domaines où elle se manifeste, celui qui la met le mieux en relief comme objet de pensée modelé par l’idéologie parce que dépourvu de racine naturelle : le domaine de l’activité de langage, et, plus généralement, des aptitudes intellectuelles qu’elle met en œuvre. Le phénomène usuellement qualifié de « langue des femmes » – emploi de substituts pour éviter des mots interdits – n’en est qu’un aspect, qui apparaît comme une règle de pure coercition, linguistique dans son objet mais sociologique dans sa nature, faite pour affirmer l’autorité des hommes et la soumission des femmes. Limiter, pour les femmes, la part créatrice de l’usage du langage, c’est contrebalancer leur privilège procréateur. Stimuler par la contrainte les performances féminines sans les reconnaître pour telles ni les socialiser autrement qu’au nom des hommes et à leur profit, c’est tirer avantage des aptitudes individuelles tout en les empêchant de subvertir la légitimité.

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NOTES