Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Bernard Saladin d’Anglure

Introduction : L’influence de Marcel Mauss sur l’anthropologie des Inuit

Texte publié le 2 mars 2012

Publié dans la revue Études/Inuit/Studies, vol. 30, n° 2, 2006, p. 5-18. Québec : Département d’anthropologie de l’Université Laval.
Version revue et corrigée par l’auteur en février 2012.

Peu de lecteurs du célèbre article de Mauss (et Henri Beuchat), « Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie sociale », paru il y a cent ans (1906) y sont restés insensibles. Mais quelle est sa pertinence proprement ethnologique ? Longtemps contestée, elle est ici réhabilitée avec éclat par Bernard Saladin d’Anglure, grand spécialiste de ceux qu’on nomme maintenant Inuit. A. C.

La revue Études/lnuit/Studies ayant choisi de consacrer ce numéro à Marcel Mauss, je vais m’efforcer d’éclairer le lecteur sur ce choix. Durant ses 30 années d’existence, elle n’a en effet accordé un tel privilège qu’à Franz Boas (Dans les traces de Boas, 100 ans d’anthropologie des Inuit ; vol. 8 [1], 1984), le père de l’anthropologie américaine [1], à Knud Rasmussen (L’oeuvre de Knud Rasmussen, vol. 12 [1-2], 1988) le plus grand ethnographe des Inuit, et plus récemment, à un pionnier de la préservation des langues et des savoirs autochtones dans le nord, Michael Krauss (vol. 29 [1-2], 2005).

Mauss est reconnu pour avoir établi l’ethnologie au rang de discipline universitaire en France, durant l’entre-deux guerres mondiales, mais il fait plutôt figure d’ethnologue en chambre pour ce qui touche l’anthropologie des Inuit, car il n’a jamais mis les pieds chez eux, ni étudié véritablement leur langue ou les collections ethnographiques les concernant. Polyglotte, il avait néanmoins tout lu ce qui avait été publié sur ce peuple jusqu’en 1905. C’est ce qui lui permit (avec la collaboration de Henri Beuchat), d’écrire la première et « [...] seule publication savante dans laquelle une théorie sociologique spécifique a été construite à partir de données concernant les Inuit », pour emprunter la formule d’Asen Balikci (1989 : 105, ma traduction). Il s’agit de l’« Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie sociale » de Mauss, paru il y a 100 ans (1906).

L’anthropologie maussienne vs l’anthropogéographie allemande

Avec cette oeuvre célébrée en son temps, Mauss ouvrait de nouvelles et intéressantes perspectives à l’ethnographie des Inuit- ; il proposait aux chercheurs en sciences humaines des hypothèses stimulantes qui se démarquaient des courants dominants de l’époque, en particulier de l’anthropogéographie de Ratzel. Il participait à l’émergence d’un courant de pensée qui fut d’abord désigné sous le nom d’école sociologique française sous l’impulsion de Durkheim, puis d’école ethnologique française sous la sienne. Elle se caractérise par une approche holiste des sociétés, qui privilégie le fait social total où parenté, organisation sociale, organisation économique, système de croyances, organisation religieuse et mythologie entretiennent des rapports structurés, courant qui préfigure sous plus d’un aspect l’anthropologie structurale développée par Claude Lévi-Strauss [2].

Le génie de Mauss fut de comprendre, en lisant la compilation des notes de terrain du capitaine Comer, éditée par Franz Boas (1901), que la vie religieuse des Inuit était marquées par le dualisme saisonnier (hiver/été). Il y avait une période hivernale, commençant avec l’englacement marin et finissant avec la pleine lune de mars, à la naissance des bébés phoques, période où les tabous (prescriptions et prohibitions) étaient les plus stricts et les plus nombreux. Une seconde période couvrait le reste de l’année, où les règles étaient plus souples. Mauss mit en rapport ces données religieuses avec celles sur l’habitat de l’anthropogéographe danois Hans-Peder Steensby, disciple de Ratzel. Il montrait dans sa thèse de doctorat (1905) [3] comment les Inuit s’étaient adaptés aux conditions géographiques de l’Arctique, en se concentrant l’hiver dans quelques grands établissement et en se dispersant l’été en de nombreux petits campements.

En utilisant notamment les observations de Boas (1888) sur les grandes fêtes inuit du solstice d’hiver, Mauss élabora sa théorie du « communisme » hivernal inuit, parental, sexuel, économique, juridique et religieux, qu’il considère comme une quintessence de la vie sociale ; « communisme » dont les Inuit se reposent durant la saison estivale, en vivant alors sur un mode individualiste. Mais ni Boas, ni Steensby, ni Ratzel n’avaient la formation et les connaissances en sciences religieuses, qui faisaient l’originalité et la force de la pensée de Mauss, sans compter l’étendue de ses lectures. L’enquête ethnographique de Boas sur la Terre de Baffin avait été un demi-échec [4] ; il compensa ce handicap et sa méconnaissance de l’inuktitut en faisant travailler les capitaines Comer et Mutch, ainsi que le Révérend Peck qui tous les trois parlaient suffisamment la langue des Inuit pour recueillir leur tradition orale. Il ne revint jamais sur le terrain inuit et son intérêt scientifique se déplaça progressivement vers la côte Nord-Ouest de l’Amérique.

Une question importante reste cependant en suspens : pourquoi ce brillant essai n’a-t-il pas suscité, en son temps, chez les ethnologues français, des recherches sur le terrain pour en vérifier les hypothèses, ou de nouveaux développements théoriques ? Je voudrais proposer quelques éléments de réponse à cette question difficile, en m’appuyant sur des documents retrouvés récemment dans les archives du Collège de France (Fonds Hubert-Mauss), sur l’incontournable biographie de Marcel Mauss, par Marcel Fournier (1994), et sur mon expérience de chercheur arctique, formé en France auprès d’anciens élèves ou collègues de Mauss [5], et en Amérique du Nord, avec de grands ethnographes de l’Arctique, contemporains de Mauss [6], ou avec les nombreux inuitologues de ma génération que j’ai eus comme professeurs, collègues ou amis [7], sans compter les amis et collègues américains, danois, hollandais ou allemands et autres, rencontrés lors des congrès internationaux d’Études Inuit.

Ethnographie de terrain vs anthropologie en chambre

Mauss valorisait au plus haut point l’ethnographie de terrain, même si lui-même n’eut jamais l’occasion d’en faire [8]. Le cours annuel qu’il dispensa sous le titre d’« Instructions d’ethnographie descriptive » à l’Institut d’Ethnologie de l’Université de Paris, entre 1926 à 1939, en témoigne ; on en retrouve le contenu dans son ouvrage Manuel d’Ethnograhie (1947), assemblé à partir des notes de cours de son étudiante Denise Paulme. Il s’efforça pendant les 30 années qui suivirent la publication de l’Essai de motiver ses étudiants pour qu’ils aillent étudier sur le terrain, les Inuit et les autres peuples de l’Arctique. Ses efforts furent malheureusement contrariés par plusieurs évènements dramatiques :

Pour Mauss, les peuples de l’Arctique faisaient partie des peuples archaïques dont l’étude était indispensable au développement de la réflexion anthropologique. Il leur accorda près du quart de ses conférences pendant les 32 ans passés à l’École Pratique des Hautes Études, dans la section des Sciences Religieuses.

C’est Marius Barbeau qui recommanda la candidature de Beuchat à la Division d’Anthropologie de la Commission Géologique du Canada, quand elle voulut recruter un responsable de la recherche ethnographique pour l’Expédition Arctique Canadienne, dirigée par Vilhjalmur Stefansson. Il avait connu Beuchat à Paris, au séminaire de Mauss (1908-1910), pendant ses études doctorales en Europe. Beuchat obtint le poste et se prépara à vérifier les thèses de Mauss chez les Inuit du Cuivre, avec Diamond Jenness, pour le seconder. Mais voilà que le bateau de l’expédition - le Karluk - fut immobilisé par la banquise et se mit à dériver vers la Sibérie, avant d’être disloqué par les glaces et de sombrer. Beuchat ainsi que plusieurs autres membres de l’équipe, tentèrent bien de rejoindre à pied l’île Wrangel qui était en vue, mais ils disparurent sans laisser de traces. Jenness, qui remplaça Beuchat au pied levé comme responsable du programme ethnographique, n’avait ni sa formation, acquise auprès de Mauss, ni sa sensibilité. Il n’est donc pas surprenant de lire sous sa plume un jugement très critique sur la théorie de Mauss :

En autant que les Esquimaux du Cuivre sont concernés, la brève description qui a été donnée de leur vie durant les deux saisons, suffisent à infirmer cette théorie [celle de Mauss]. Les changements dans leur environnement, il est vrai, produisent des changements importants dans leur vie économique [...] mais leur organisation sociale et leur vie religieuse continuent de façon inchangée durant les deux périodes (Jenness 1922 : 143, ma traduction).

La disparition de Beuchat affecta beaucoup Mauss comme aussi celle de plusieurs autres de ses collaborateurs et élèves, tués pendant la première guerre mondiale et enfin celle d’Émile Durkheim (1917), son oncle et maître. Il reprit néanmoins son enseignement en 1920 et publia en 1925 son « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques ». Ce dernier dépassa en notoriété et éclipsa l’essai sur les « Eskimos » dont il constitue sous plusieurs angles un développement ; éclipse à laquelle contribuèrent également la publication des rapports des grandes expéditions scientifiques chez les Inuit canadiens, ceux de l’Expédition Arctique Canadienne, 1913-1918, et ceux de la Ve Expédition de Thulé, 1921-1924, dirigée par Rasmussen. Ces rapports devinrent les nouvelles références internationales sur les Inuit. Cependant, peu après la publication de son « Essai sur le don », Mauss eut la surprise de recevoir une lettre de Jenness, datée de juillet 1925, qui faisait amende honorable ; en voici quelques extraits :

Avec le recul du temps, et peut-être un peu plus de sagesse, j’en suis arrivé à la conclusion que je connais vraiment très peu de chose sur les Inuit, malgré les trois années que j’ai vécues avec eux et qu’un philosophe en chambre que la plupart des chercheurs de terrain méprisent fréquemment a un point de vue sur une culture indigène plus juste et plus équilibré que quelqu’un qui est sur le terrain. Si je pouvais réécrire mon livre sur les Inuit du Cuivre, il y a beaucoup de choses sur lesquelles je serais moins affirmatif, et beaucoup aussi qui demanderaient à être radicalement révisées. Je suis heureux que vous n’ayez pas pris trop au sérieux mon agitation contre votre théorie. Je continue à penser que la question reste ouverte, mais que la théorie était indiscutablement valable. Elle m’a ouvert les yeux sur de nombreuses choses qu’autrement j’aurais négligées. Si Beuchat avait survécu, il n’aurait jamais fait les erreurs que j’ai faites et il aurait eu un regard beaucoup plus profond sur la culture inuit [...] (Archives du collège de France, Fonds Hubert-Mauss, ma traduction).

Relève puis déclin de l’ethnographie française en pays inuit

Après son élection au Collège de France à une chaire de sociologie (1931), Mauss connut une notoriété accrue et il disposa des moyens nécessaires, par les enseignements qu’il cumulait, pour former de bons ethnographes : Paul-Émile Victor fut l’un d’entre eux. Après avoir suivi ses cours, il partit en 1934 avec un autre jeune chercheur, le Docteur Robert Gessain, accompagnés d’un géologue et d’un cinéaste pour passer une année à Angmassalik, sur la côte Est du Groenland [9]. Victor était en charge de l’enquête ethnographique et Gessain de l’anthropologie biologique et de la démographie. L’année suivante Victor décida d’y passer une seconde année, seul, chez les Inuit d’Angmassalik, dont il avait appris la langue et partageait la vie. Gessain, quant à lui, se vit offrir un poste de pensionnaire à l’École Française de Mexico pour aller étudier les Indiens du plateau central. Mauss attendait beaucoup de Victor qui démontrait des qualités d’ethnographe exceptionnelles. Après une riche moisson de données ethnographiques celui-ci revint avec une imposante collection d’objets pour le Musée de l’Homme. Mauss fut impressionné par ces résultats et appuya son projet de préparer pour 1940 une nouvelle expédition chez les Inuit, mais à Thulé cette fois-ci, chez le groupe humain le plus septentrional, au nord-ouest du Groenland. On en trouve mention dans une lettre que Victor adressa à Mauss le 30 juillet 1939.

Mauss avait appuyé la candidature de Victor pour donner au Collège de France la prestigieuse conférence annuelle financée par la Fondation Loubat ; elle avait été programmée pour l’hiver 1940, avant son départ pour Thulé. La guerre vint contrarier tous ces plans et annihiler pour la seconde fois un grand projet de recherche ethnographique français sur les Inuit, encouragé par Mauss. Celui-ci ne se remit jamais des épreuves subies durant cette guerre. Diminué physiquement et psychologiquement il resta en retrait de l’enseignement et de la recherche qu’il avait jusque-là animés avec tant de zèle. Plusieurs de ses anciens élèves et collaborateurs tentèrent d’assurer la relève.

En 1947, André Leroi-Gourhan, ancien élève de Mauss, fut nommé sous-directeur au Musée de l’Homme où il créa le Centre de Formation à la Recherche Ethnologique (CFRE). Il y accueillera plusieurs jeunes chercheurs dont Jean Michéa (1950), géographe qui avait passé une année chez les Inuit du Caribou et ira enseigner l’ethnologie à Lyon, Claude Desgoffe (1951) qui passera deux années au Danemark avec Kaj Birket-Smith, avant de mourir noyé (1955) aux îles Belcher, au cours d’une mission ethnographique canadienne, Jean-François Le Mouël, de formation géographique qui passera une année dans une communauté inuit insulaire à l’ouest du Groenland avant de s’orienter vers l’archéologie préhistorique ; et enfin Patrick Plumet qui fera carrière au Canada comme archéologue préhistorique. Chacun d’entre eux contribua à faire avancer les connaissances mais avec des perspectives beaucoup plus étroites que celle adoptée par Mauss.

En 1949, Claude Lévi-Strauss fut nommé lui aussi sous-directeur au Musée de l’Homme, avant d’être élu en 1950 à l’École Pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses, à la chaire des « Religions comparées des peuples non civilisés » [10] qu’avait occupée Mauss. Peu après, Éveline Lot-Falck qui avait suivi les derniers cours de Mauss, entra au CNRS et fut chargée du département des peuples arctiques au Musée de l’Homme. Elle sera par la suite élue à l’École Pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses, à une chaire sur les « Religions comparées des peuples arctiques » (1963).

Quant à Paul-Émile Victor, revenu en France en 1947 avec ses galons d’officier de l’armée américaine, il préférera créer les Expéditions Polaires Françaises consacrées à la logistique des missions scientifiques polaires, grâce à l’aide du gouvernement français, plutôt que de reprendre un cursus académique en s’appuyant sur les études inuit [11] qui redevinrent pour l’ethnologie française comme un terrain en friche, 40 ans après l’essai sur les « Eskimos ». Victor confia à son ami Gessain ses archives ethnographiques sur Angmassalik, avec l’espoir qu’elles puissent servir un jour [12], mais Gessain travaillait maintenant à l’Institut National d’Études Démographiques et exerçait comme psychanalyste ; et s’il avait bien le projet de rédiger une thèse de doctorat sur les Inuit d’Angmassalik, c’était en anthropologie biologique.

À la mort de Mauss, en 1950, il y avait encore un grand vide institutionnel en ce qui concerne l’encadrement de l’enseignement et de la recherche sur les Inuit en France. Même si l’œuvre de Mauss suscitait un regain d’intérêt comme le prouve la publication cette même année de ses principaux essais sous le titre de Sociologie et anthropologie, avec une longue introduction de Claude Lévi-Strauss. « L’Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos » n’y figure pas. Il faudra attendre encore 16 ans avant qu’il ne soit inclus dans la troisième édition de l’ouvrage, et 29 ans pour que paraisse une traduction anglaise de cet essai par James Fox (1979).

Anthropogéographie malaurienne vs anthropologie maussienne

En marge de cette dispersion des efforts individuels français pour redonner vie à l’ethnologie des Inuit et des peuples arctiques initiée par Mauss, apparaît un jeune chercheur dont le profil contraste avec celui de ses prédécesseurs. Jean Malaurie, qui est géomorphologue, veut se spécialiser dans l’étude des éboulis post-glaciaires et vient d’entrer au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) avec l’appui d’Emmanuel de Martonne (1947). Il apprend alors que se prépare la première mission scientifique au Groenland des Expéditions Polaires Françaises, sous la direction de Paul-Émile Victor. Il réussit à s’y intégrer comme géomorphologue et effectuera deux missions dans ce cadre, mais il s’y trouve très vite à l’étroit. Lui qui rêve de défis à sa mesure, de solitude héroïque et de responsabilités sans partage, démissionne des Expéditions Polaires Françaises (décembre 1949) et va réussir en quelques années à ouvrir un immense chantier chez les Inuit et les peuples arctiques, comparable à celui ouvert par Mauss entre 1906 et 1940. Ce chantier se caractérise par un retour à l’anthropogéographie, d’inspiration ratzelienne, mais marquée au coin de sa propre personnalité, teintée de romantisme allemand, de passions faustiennes et d’idées nietschéennes (Malaurie 1999). On revient aux forces telluriques. Avec l’aide du CNRS, Malaurie (1999, 1 : 83) organisa un vaste programme d’« Expédition géographique et ethnographique française dans le nord du Groenland pour 1950-1951 » chez les Inuit de Thulé, là où avait voulu se rendre Victor en 1940. En plus de vouloir étudier les « éboulis » rocheux, sujet de sa thèse de doctorat, il voulait faire une thèse complémentaire en démographie, une des composantes de la « morphologie sociale » étudiée par Mauss. Lors de leur première rencontre avec des Occidentaux, en 1818, les Inuit de Thulé avaient affirmé au capitaine John Ross qu’ils se croyaient seuls au monde. On en conclut qu’ils avaient vécu en complet isolat pendant deux siècles. Malaurie partit de cette idée et avec l’aide de l’historien Lucien Febvre et de démographes de l’INED, il élabora son projet.

À son retour, les généalogies qu’il avait recueillies furent analysées avec l’aide du démographe Léon Tabah et du généticien Jean Sutter et ils publièrent ensemble deux articles dans la revue de démographie Population, qui firent grand bruit. Avec l’exemple des Inuit de Thulé, le seuil numérique minimal d’un isolat de population n’était plus de 500 personnes, comme on le croyait jusqu’alors, mais de 300 personnes. Malaurie (1999, I : 118) avouera plus tard que ses prémisses, à l’origine de son projet de recherche, étaient fausses parce que l’isolat n’était pas étanche. Mais ces articles qui parurent en 1952 et en 1956 l’établirent comme le nouveau spécialiste des Inuit, dans le champ de la « morphologie sociale », terme qui recouvrait alors la démographie et l’écologie humaine, auquel il substitua celui d’anthropogéographie.

Malaurie publia en 1955 un récit de voyage romancé rempli de dialogues intimistes, chez l’éditeur Plon, qui lui confia la direction d’une nouvelle collection, au titre très anthropogéographique de Terre humaine. Elle allait connaître un des plus grands succès d’édition des sciences humaines. Malaurie se présentait encore comme géographe et publiait dans des revues de géographie, mais son ambition le poussait vers des horizons plus larges, les sciences humaines. Cette même année il réussit à convaincre Claude Lévi-Strauss d’écrire pour sa collection un ouvrage sur ses expériences ethnographiques en Amérique du sud (cf. Lévi-Strauss 1955). Le livre fut écrit en quatre mois et devint un des ouvrages cultes de la collection. Deux ans plus tard Lucien Febvre et Claude Lévi-Strauss acceptèrent de parrainer la candidature de Malaurie pour un poste de directeur d’études à la Vle section des sciences économiques et sociales de l’École Pratique des Hautes Études. Malaurie fut élu avec pour mission de mener une étude anthropogéographique des sociétés en conditions extrêmes et créa aussitôt le Centre d’Études Arctiques et la revue Inter Nord. Il exerça autour de lui par son enseignement, par les thèses et les recherches qu’il dirigea, par la collection Terre Humaine aussi, une présence tous azimuts dans les média et un véritable pouvoir en ce qui concerne les études inuit et celles des autres peuples arctiques, dans un esprit assez proche de ce que Hamon et Rotman (1981) décrivent dans leur livre Les intellocrates. Loin de fédérer ethnologues, géographes, linguistes et autres chercheurs en sciences humaines intéressés par les études inuit et travaillant dans d’autres équipes ou laboratoires, il les cantonna chacun dans son domaine ou son institution, gelant par là l’héritage maussien.

D’autres possibilités d’encadrement pour les études inuit existaient toutefois à Paris, que ce soit au Musée de l’Homme avec Leroi-Gourhan († en 1986) ou avec Robert Gessain († en 1986), à l’École Pratique des Hautes Études (Ve Section) avec Éveline Lot-Falck († en 1973), ou à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales quand débuta dans les années 1980 un enseignement de langue et culture inuit avec Michèle Therrien (devenue professeure des universités en 2000), au CNRS avec Joëlle Robert-Lamblin, ou au Muséum d’Histoire Naturelle avec Pierre Robbe. Mais, il y avait peu de contacts entre ces divers chercheurs et encore moins avec le Centre de Jean Malaurie. On était loin de l’esprit de Mauss.

Au Québec, un retour à la pensée de Mauss

Paradoxalement, c’est hors de France que s’est opéré principalement le retour à Mauss et à son essai sur les Inuit, et ce principalement au Québec. Dès 1968, j’avais créé à l’Université Laval une équipe de recherche sur les Inuit qui prit le nom d’Inuksiutiit. Celle-ci devint en 1974 l’Association Inuksiutiit Katimajiit, à l’origine de la revue Études/Inuit/Studies (1977), puis des Congrès biennaux d’Études Inuit (1978), enfin du Groupe d’Études Inuit et Circumpolaires (1987) qui se transforma en 2004 en Centre Interuniversitaire d’Études et de Recherches Autochtones (CIÉRA). Dès le départ l’accent fut mis sur l’importance de la langue inuit, l’ethnographie de terrain et le caractère holiste de la recherche. On notera aussi une importante emphase mise sur l’étude des phénomènes religieux et du symbolisme, si prisés par Mauss, emphase renforcée par la venue de Frédéric Laugrand, qui dirige actuellement le CIÉRA (2006).

Parallèlement, Marcel Fournier, sociologue de l’Université de Montréal, mettait en chantier dès les années 1980 sa magistrale somme biographique sur Marcel Mauss. Lorsqu’il organisa en 1997 au Collège de France un colloque intitulé « L’héritage de Marcel Mauss », Fournier m’invita à y présenter une communication sur « Mauss et l’anthropologie des Inuit » [13]. Ce fut pour moi l’occasion d’aller faire des recherches dans la correspondance de Mauss conservée à cette époque dans les archives du Collège de France. L’année suivante je fus invité par la direction du futur Musée du Quai Branly à faire partie du Comité Amériques chargé de travailler à la préconfiguration de la section du Musée consacrée à cette aire. Comme l’ouverture du Musée était prévue pour 2006, je proposais à la direction d’y tenir cette année-là le 15e Congrès d’Études Inuit qui coïnciderait avec le centenaire de la publication de l’essai de Mauss sur les « Eskimos ». La proposition fut accueillie chaleureusement-, puis elle fut entérinée par l’Association Inuksiutiit Katimajiit, proposée et acceptée par les participants au 14e congrès d’Études Inuit, à Calgary, en 2004, qui chargèrent Michèle Therrien et son équipe de collaborateurs de l’INALCO d’en assumer la réalisation. Elle partagea cette responsabilité avec une géographe humaine, Béatrice Collignon, qui avait fait des recherches sur le terrain chez les Inuinnait, ceux-là mêmes qu’avait voulu étudier Beuchat ; et avec Nicole Tersis, une linguiste spécialiste de la langue inuit parlée à Angmassalik.

C’est ainsi que le congrès eut lieu à Paris en octobre 2006 et connut un franc succès avec plus de 400 participants, parmi lesquels une bonne représentation inuit en provenance d’Alaska, du Nord canadien et du Groenland. Un atelier fut consacré à l’influence de Marcel Mauss sur l’anthropologie des Inuit, auquel participèrent quatre des auteurs de ce numéro. On peut penser que ce congrès a marqué comme un retour à une anthropologie maussienne des Inuit. De plus, depuis quelques années, une association d’étudiants a vu le jour à Paris, l’Association Inuksuk, qui saura, espérons-le, retrouver la collaboration interdisciplinaire et le dynamisme qui caractérisèrent les études inuit en France durant l’entre-deux guerres.

Mauss hors de France et aux confins de l’anthropologie classique

Pour terminer cette introduction, je dirai quelques mots des contributions à ce numéro qui démontrent que l’intérêt pour l’essai de Mauss déborde les frontières de la France et celles de l’anthropologie classique. Ceci devrait ouvrir la voie à de nouveaux débats.

On trouve tout d’abord dans le numéro l’analyse du géographe culturel et historien des sciences Michael Bravo, professeur au département de Géographie de l’Université de Cambridge et chercheur au Scott Polar Research Institute. Il nous présente une intéressante théorie sur le contexte dans lequel fut écrit l’« Essai ». À l’anthropogéographe allemand Ratzel qui valorisait l’individualisme, la compétition et l’expansion industrielle, justifiant l’expansion territoriale (Lebensraum) et coloniale, dans un Empire prussien triomphant où l’évolutionnisme conforte le nationalisme et l’anti-sémitisme, Mauss oppose une approche ethnologique de la « morphologie sociale » privilégiant les valeurs collectives chères à l’idéologie républicaine française et un rapport de réciprocité et de symbiose entre les groupes humains et leur milieu. On connaît les liens étroits qu’entretenait Mauss avec ses collègues d’Oxford et de Cambridge et c’est en Angleterre que son essai a été traduit et le plus cité.

Jarich Oosten, anthropologue structuraliste hollandais, est professeur au département d’Anthropologie de l’Université de Leiden. Il s’intéresse depuis longtemps aux pratiques rituelles, aux représentations et à la mythologie des Inuit de l’Arctique canadien chez lesquels il se rend régulièrement. Il nous présente ici un important concept théorique, celui de « champ d’étude anthropologique » qui a été défini et utilisé par les anthropologues de Leiden J.P.B. de Josselin de Jong et P.E. de Josselin de Jong en s’inspirant de l’« Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos » de Mauss. Mauss a été en effet un des premiers à faire une réflexion théorique sur les Inuit à partir d’une comparaison régionale, en faisant ressortir un principe de variations à portée universelle. À cette étude des régularités observées entre certains aspects de la vie sociale, le structuralisme ajoutera celle de la logique des différences (Blaisel et Muller 1997). Il est intéressant de découvrir cette influence de Mauss sur l’anthropologie structurale hollandaise quand on sait qu’il fit un séjour de quatre mois en 1898 à l’Université de Leiden. Des liens étroits existaient en effet entre la Section des Sciences religieuses de l’École pratique des Hautes Études - où enseignait Mauss - et l’école hollandaise des sciences religieuses, née de la transformation des anciennes facultés de théologie protestantes en facultés laïques de théologie, dont elle s’inspira (Fournier 1994 : 84). Mauss se passionnait comme ses collègues allemands, anglais et hollandais pour la philologie védique bien implantée à Leiden.

Yves Labrèche, ethno-archéologue québécois, est associé à la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse au Collège universitaire de Saint-Boniface à Winnipeg, où il enseigne. Il possède un doctorat en anthropologie de l’Université de Montréal et a participé à de nombreuse campagnes de fouilles et enquêtes ethnographiques en territoire inuit, au Nunavik et au Labrador. Il nous présente ici une intéressante contribution à l’ethnographie de l’alimentation et du partage alimentaire avec ses variations saisonnières et conjoncturelles. Je suis d’autant plus sensible à son article que j’ai été associé, il y a 40 ans, à une enquête alimentaire qui a porté sur une année (1965-1966) dans le principal village d’où proviennent les données de Labrèche (Malgrange et Saladin d’Anglure 1967). Nous y avions évalué à 10% la quantité de nourriture consommée lors des visites dans les autres familles ou par les visiteurs, dans la famille ; et nous avions pu calculer la part exacte de la consommation d’aliments traditionnels et d’aliments importés. Plusieurs ethnographes ont déjà souligné que la dispersion estivale n’excluait pas une consommation collective dans les petits camps de chasse de trois ou quatre familles. De même, nos observations, comme celles de Pierre Robbe à Angmassalik, montraient que les gros gibiers étaient partagés systématiquement entre toutes les unités domestiques dans les camps de chasse. Voilà donc un chantier que Labrèche a le mérite d’avoir ouvert et qui a tout intérêt à être abordé avec une approche maussienne et dans une perspective historique. « Communisme » économique, partage immédiat ou différé, stockage, variations saisonnières, abondance, pénurie ou famine, autant de variables pertinentes dans une société qui tire encore une part non négligeable de sa subsistance des ressources locales. En ce qui concerne les changements récents, il faudrait aussi prendre en compte la multiplication des cabanes de chasse ou de pêche, et la rapidité des déplacements avec quatre-roues, motoneiges ou canots à moteurs hors-bord qui constituent les nouveaux éléments de l’économie alimentaire. Mauss aurait été très intéressé par ce type de recherche.

Anja Nicole Stuckenberger, anthropologue d’origine allemande, a obtenu un doctorat en anthropologie des Universités d’Utrecht et de Leiden. Elle est présentement titulaire d’une bourse post-doctorale Stefansson à l’Institut d’études arctique de Dartmouth College, aux Etats-Unis. Sa thèse Community at play : Social and religious dynamics in the modern Inuit community of Qikiqtarjuaq, a été publiée en 2005 et sa contribution s’en inspire. Elle concerne les champs de prédilection de Mauss dans son essai et ses travaux importants : le social et le religieux. Elle nous offre aussi les données les plus récentes sur les variations saisonnières dans un établissement inuit, observées pendant plus d’une année. Ce qui veut dire que son étude intègre et la vie sédentaire dans un village moderne avec écoles, églises, magasins, etc., et la vie nomade dans les petits camps de chasse et de pêche saisonniers. Elle discute aussi des croyances traditionnelles enracinées dans le passé ainsi que des rites et croyances importés par diverses confessions chrétiennes. Elle utilise la théorie de Mauss comme un outil heuristique et en valide sa grande valeur, Il y a selon elle continuité dans le changement. La qualité de ses observation et la finesse de son analyse nous font souhaiter que son exemple soit suivi par d’autres, en d’autres communautés inuit, et qu’elle puisse retourner sur son terrain pour aller encore plus loin dans la théorisation de ses observations.

Peter C. Dawson est un archéologue canadien, professeur au département d’archéologie de l’Université de Calgary, passionné par l’informatique, l’histoire des peuples autochtones de l’arctique et surtout par l’habitat. Il a donc élaboré des modèles en trois dimensions pour reconstituer des habitats anciens et pour étudier un autre domaine auquel Mauss était très sensible et qu’il développe dans son essai comme aussi dans les cours qu’il dispensait à ses étudiants : l’habitation, ses variations saisonnières, ses utilisations familiales restreintes et étendues et ses usages communautaires ou festifs. Dawson a eu l’idée d’enquêter systématiquement sur la façon dont les Inuit actuels s’approprient les maisons préfabriquées importées en les socialisant, en les adaptant à leurs habitudes culturelles, et inversement comment ces maisons peuvent modifier des habitudes ancestrales que Mauss nous a habitué à prendre en compte et qu’il appelle les « techniques du corps », postures, façons de manger ou de travailler. Là encore on peut souhaiter que Dawson intégrera à son analyse les cabanes de chasse ou de pêche qui sont bien souvent les premières générations de maisons préfabriquées qui ont été remplacées, démontées et transportées dans les camps. Elles sont paradoxalement devenue des symboles de la vie traditionnelle, par contraste avec les maisons nouvelles de plus grande taille installées dans les villages. Il s’agit d’une recherche qui en est à ses débuts mais elle est prometteuse et l’outil informatique devrait permettre de modéliser adéquatement les nombreuses variables.

Pour conclure je dirai deux mots de mes propres recherches qui valident l’intuition maussienne du dualisme saisonnier en prouvant que les Inuit divisaient l’année en deux grandes périodes égales séparées par l’axe des équinoxes. Division que l’on décèle dans le système des prescriptions et prohibitions, donc dans le domaine du religieux. Mais ce que Mauss n’a pas su, c’est que ce dualisme saisonnier avec une période ou le soleil culmine et une autre où c’est la lune qui culmine, était pensé à travers un autre dualisme, le dualisme des sexes ou genres. En effet le vocabulaire chamanique révèle, tant à Angmassalik qu’à l’ouest de la baie d’Hudson que le terme pour désigner l’été était construit sur le radical femme ou femelle et que le terme pour désigner l’hiver était construit sur le radical, homme ou mâle. Quand on ajoute à cela que Lune est représentée par un homme et Soleil par une femme, on voit là encore que c’est dans la symbiose de l’environnement naturel et des représentations religieuses que l’on trouve la logique inuit des variations saisonnière. Cette découverte ouvre la voie à d’autres développement comme le chevauchement de la frontière des genres qui est un aspect important du chamanisme (cf Saladin d’Anglure 2004, 2006) [14].

Bernard Saladin d’Anglure est Professeur émérite en anthropologie, Université Laval.

Références
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— 1993, La civilisation du phoque 2. Légendes, rites et croyances des Eskimo d’Angmassalik, Bayonne, Éditions Raymond Chabaud.

NOTES

[1Il réalisa ses premières recherches ethnographiques et géographiques chez les Inuit de la Terre de Baffin en 1884-1885.

[2Voir Lévi-Strauss (1950).

[3Il est très vraisemblable que c’est le Danois William Thalbitzer qui informa Mauss des travaux de Steensby, quand il vint suivre les cours de Mauss à Paris durant l’hiver 1905, et l’aida à mettre à jour la documentation et les références danoises nécessaires pour la rédaction de l’« Essai ».

[4En raison d’une épizootie qui décima les chiens de traîneau, il ne réussit pas à se rendre comme prévu dans la communauté d’Igloolik, restée en dehors de l’influence directe des baleiniers et des missionnaires. Et comme il ne parlait pas la langue inuit, il dut s’en tenir à ce qui était observable ou rapporté par les voyageurs qui l’avaient précédé. Ma remarque concerne le champ du religieux et ne diminue en rien le mérite de Boas pour toutes les observations qu’il a faites sur le terrain.

[5André Leroi-Gourhan, Claude Lévi-Strauss, Roger Bastide, Alfred Métraux, Éveline Lot-Falck, Lucien Bernot et Robert Gessain.

[6Vilhjalmur Stefansson, Diamond Jenness.

[7Asen Balikci, David Damas, Nelson Graburn, Milton Freeman, Lee Guemple, Tiger Burch, Jean Briggs, Christopher Trott pour n’en citer que quelques-uns.

[8Tous ceux qui ont connu et approché Mauss peuvent témoigner qu’il portait un regard ethnographique très aiguisé sur son environnement quotidien ; William Thalbitzer, fut à ce point impressionné par ce don du maître dont il suivit les cours en 1905 qu’il lui demanda de l’aider à élaborer un questionnaire ethnographique pour sa prochaine mission à Angmassalik (Groenland) (cf. Saladin d’Anglure 2004).

[9Rasmussen y avait été victime l’année précédente d’une pneumonie et ramené au Danemark où il mourut en décembre 1933.

[10En 1954, Lévi-Strauss obtiendra de la faire rebaptiser sous l’intitulé de « Religions comparées des peuples sans écriture ».

[11Victor avait une première formation d’ingénieur et d’officier de la marine marchande. Il avait suivi des cours d’ethnologie mais n’avait pas de doctorat et son maître Mauss s’était complètement retiré de la vie active.

[12Elles seront finalement publiées dans une magnifique édition grâce à la collaboration de Joëlle Robert-Lamblin (Victor et Robert-Lamblin 1989, 1993).

[13Elle a été publiée dans Saladin d’Anglure (2004).

[14Émmanuel Désveaux (2001) est un des rares anthropologues américanistes à avoir pleinement saisi dans mes écrits la portée de cette nouvelle ethnographie en rapport avec l’essai de Mauss. Il est dommage cependant que sa lecture un peu rapide de certains d’entre eux l’ait conduit à faire des erreurs d’interprétation quant au symbolisme des saisons et des astres qui y culminent (soleil, lune).