Revue du Mauss permanente (https://journaldumauss.net)

Philippe Chanial

La sociologie comme philosophie politique et réciproquement

Texte publié le 6 septembre 2011

Sciences Humaines / Bibliothèque du M.A.U.S.S. – 304 pages – 24 €

Et si la sociologie, bien comprise, n’était rien d’autre qu’une philosophie morale et politique avec des allures de science ? Une telle proposition, qui constitue la trame de cet ouvrage, autorise des perplexités bien légitimes. La sociologie n’a-t-elle pas en effet gagné ses galons en rompant avec les spéculations abstraites des « philosophies sociales » ? Et, à l’inverse, la philosophie morale et politique n’a-t-elle pas aujourd’hui pris sa revanche en s’émancipant de ces sciences sociales qui avaient exercé sur elle une telle emprise depuis les années 1950 ? Pour autant, n’avons-nous d’autre choix qu’entre une sociologie spécialisée et éclatée, vouée au culte du « terrain », et une philosophie morale et politique désincarnée, célébrant les vertus dune conception purement formelle de la justice et de la démocratie ?

Depuis quelques années, les théories contemporaines de la reconnaissance, du care et du don, le renouveau de l’Ecole de Francfort et la redécouverte du pragmatisme, en redonnant toute leur place aux sentiments sociaux et à la relation humaine, ont fortement contribué à redessiner les frontières et nous invitent aujourd’hui à une nouvelle alliance. Dans leur sillage, ce livre plaide pour un « enveloppement réciproque » (Merleau-Ponty) entre philosophie et sociologie qui puisse redonner toute sa vitalité à l’ambition d’une science sociale générale, réconciliant respect des faits et souci des fins. Il vient rappeler que la sociologie « ne mériterait pas une heure de peine » (Durkheim) si elle ne renouait pas avec l’orientation normative de ses pères fondateurs et s’interdisait de contribuer au questionnement interminable de la société sur elle-même.

Philippe Chanial est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris-Dauphine, chercheur à l’Institut de Recherche en Science Sociales (IRISSO-CNRS) et secrétaire de rédaction de la Revue du MAUSS. Au croisement de la philosophie et des sciences sociales, il a notamment publié Justice, don et association (La Découverte, 2001) et La délicate essence du socialisme (Le Bord de l’Eau, 2009) et dirigé La société vue du don (La Découverte, 2008).

NOTES