L’auteur de l’article, qui a connu de près le gouvernement Correa, s’interroge sur le contenu du « bien vivre », concept qui a été mis en avant par la Révolution citoyenne en Equateur, et plus largement sur l’écosocialisme. Il nous livre une analyse de première main sur ce qui se passe dans ce pays d’Amérique latine. FF
L’arrivée au pouvoir de Rafael Correa et de la Révolution Citoyenne, en janvier 2007, et les débats pendant l’Assemblée Constituante (entre novembre 2007 et juillet 2008) ont mis un nouveau concept sur le devant de la scène politique équatorienne : le Bien Vivre. A partir de cette conjoncture propice à l’intégration de nouveaux concepts dans les débats politiques équatoriens, le Bien Vivre a été l’objet de discussions par les différents acteurs socio-politiques.
Le Bien Vivre est un concept encore en construction et donc en dispute politique. La définition large qu’il lui a été donnée depuis son apparition, une vie en harmonie avec soi-même, entre êtres humains et entre ceux-ci et la nature, a permis que surgissent diverses interprétations et débats autour de ce concept. Cette hypothèse a déjà été développée dans un travail antérieur (Le Quang et Vercoutère, 2013), dans lequel nous avons identifié trois courants : le courant « culturaliste », l’« écologiste » et l’« éco-marxiste ». Proposer l’existence de trois courants permet de montrer qu’il peut exister un dialogue interculturel et que son sens n’est pas figé dans la pierre. Par la suite, Antonio Luis Hidalgo-Capitán et Ana Patricia Cubillo-Guevara (2014) ont coïncidé avec notre travail et ont également identifié trois courants : l’« indigéniste et “pachamamiste” », l’« écologiste et la post-développementaliste » et le « socialiste et étatiste ». Dans cet article nous allons utiliser les courants suivants afin d’affiner notre première caractérisation : le « culturaliste et indigéniste », l’« écologiste et post-développementaliste » et l’« éco-marxiste et étatiste ».
Les principaux traits communs de ces trois courants sont les suivants : la dimension communautaire de la vie ; l’être humain en tant qu’être social ; le dépassement de la domination de la nature par les êtres humains et ainsi la nécessaire reconnaissance des droits à la nature ; l’obligation de repenser les structures de l’Etat pour le transformer en un Etat plurinational et interculturel ; la transition vers une société post-extractiviste ; et la revendication de la souveraineté sur le territoire national qui n’est pas incompatible avec une volonté d’intégration régionale (cette caractéristique est moins présente dans le courant culturaliste et indigéniste). Cette base commune ne cache pas que, sur certains thèmes (par exemple le post-extractivisme), il y ait des différences qui font qu’il existe ces courants.
Dans cet article, on se propose d’analyser les débats autour du modèle de développement de l’Equateur de la Révolution Citoyenne. Cela nous permettra de voir quel type de tensions est généré dans un pays comme l’Equateur dont les modèles d’accumulation et d’insertion dépendent de l’exploitation des ressources naturelles : comment croître économiquement pour pouvoir redistribuer la richesse, élargir les droits sociaux et respecter les droits de la nature ?
Pour cela, nous présenterons tout d’abord une base commune aux différents courants qui constituent le Bien Vivre, la critique à la Modernité et au développement qui dérive de cette même Modernité. Nous montrerons que, si ces critiques trouvent leurs origines dans les cosmovisions des peuples et nationalités indigènes, elles sont aussi présentes dans d’autres connaissances. Dans la seconde partie, nous insisterons sur les différents acteurs qui appartiennent à ces courants et sur les particularités de chaque courant pour rendre visibles les débats qu’il peut y avoir au sein de ce concept en construction et en dispute politique. Cela nous permettra de conclure sur les conflits qui existent en Equateur à partir de ces différentes conceptualisations du Bien Vivre.
1. Une base commune : le Bien Vivre comme critique de la Modernité et du développement
A partir des années 1980, sur tout le continent et particulièrement en Equateur, le mouvement indigène s’est renforcé et a émergé par ses critiques et son opposition au néolibéralisme et ses conséquences socio-économiques et environnementales. Le thème de la relation entre la société et la nature se trouve au centre de son discours. Ainsi l’émergence du Bien Vivre se réalise à partir des critiques à l’imposition de la Modernité avec sa vision homogénéisatrice du développement et sa vision anthropocentriste et utilitariste de la nature.
a. Les racines indigènes du Bien Vivre
Tous les auteurs et acteurs socio-politiques sont d’accord sur le fait que la « généalogie du bien vivre » (Cortez, 2010) a ses origines dans les traditions des cultures indigènes. Pourtant, selon le linguiste et philosophe kichwa Armando Muyolema, il existe une transculturation du concept de sumak kawsay. Il ne s’agit pas d’une catégorie épistémologique ancestrale sinon plutôt d’une construction qui s’alimente des luttes écologiques dans un monde en crise et du style de vie des indigènes. Selon cet auteur, le concept n’existe dans aucun dictionnaire de quechua, ni de kichwa : « chacun des mots est enregistré et défini séparément. Sumak signifie “joli, beau, mignon”, alors que kawsay signifie “vie, vivre”. La combinaison des deux concepts, qui est possible dans la communication quotidienne, ne reflète pas un rang épistémologique extraordinaire comme le sont d’autres concepts comme pacha (temps-espace), pachakutik (transformation profonde de l’ordre des choses), etc. » (Muyolema, 2012 : 353).
Dans un de ses articles, Philipp Altmann retrace le concept de sumak kawsay dans le discours du mouvement indigène. Si, depuis les fondations des premières organisations indigènes en Equateur à partir des années 1920, des revendications écologiques pouvaient être observées, c’est depuis la création et le renforcement des organisations dans les années 1970 et 1980 qu’apparaît le lien entre la société et la nature avec les exigences de « reconnaissance des nationalités indigènes et de leur territoire […] au sein d’un régime d’autonomie politique et économique. Avec cette étape conceptuelle, la relation entre peuple et terre a changé, caractérisée jusqu’au milieu de la décennie 1970 par une vision matérialiste de la terre comme moyen de production » (Altmann, 2013 : 285). Toutefois on ne voit toujours aucun signe d’existence des termes sumak kawsay ou Bien Vivre. Pour cela il faut attendre le changement de millénaire et les publications de certains intellectuels et militants aymaras en Bolivie (Torrez, 2001 ; Medina, 2001) et kichwas en Equateur (Viteri, 2002).
En Equateur, le texte de Viteri est considéré comme le premier dans lequel apparaît le concept de sumak kawsay, en s’appuyant sur des résultats d’une recherche menée par une équipe de la Fondation ILDIS (Fernández et al, 2014). Le rôle des Allemands a été important dans l’émergence de ce concept avec le financement de publications par la GTZ en Bolivie et de recherche en Equateur par la fondation Friedrich-Ebert-Stiftung [1], dans un contexte international ouvert aux questions écologiques et, comme nous le verrons plus tard, aux débats autour du développement durable.
Dans son article, Altmann parle de deux « attaques conceptuelles » c’est-à-dire « la tentative de changer le discours du mouvement à travers l’introduction de concepts qui peuvent servir de contre-concepts » (Altmann, 2013 : 284). Il affirme que l’apparition du concept de sumak kawsay au sein du mouvement indigène est la conséquence d’une compétition externe entre la plus grande organisation indigène, la Confédération des Nationalités Indigènes d’Equateur (CONAIE) et la Confédération National des Organisations Paysannes, Indigènes et Noires (FENOCIN) [2], et une compétition interne à la CONAIE entre les organisations des Andes et celles de l’Amazonie. Ici, nous n’allons pas entrer dans les détails de ces différenciations discursives mais plutôt voir comment a surgi le concept de sumak kawsay au sein du mouvement indigène, c’est-à-dire la seconde attaque conceptuelle, fruit de la compétition interne à la CONAIE.
Selon Altmann, « le nouveau concept surgit dans le discours du mouvement indigène en octobre 2003 » (2013 : 291) avec la publication par le Peuple Kichwa de Sarayaku d’un texte intitulé “Sarayaku Sumak Kawsayta Ñawpakma Katina Killka / El libro de la vida de Sarayaku para defender nuestro futuro”. Carlos Viteri est aussi originaire de Sarayaku. Altmann interprète « l’attaque discursive de Sarayaku avec l’introduction du nouveau concept de Sumak Kawsay comme une tentative de réorienter l’approche politique et discursive de la CONAIE vers le rural et les régions périphériques » (2013 : 292) car, avec les mobilisations sociales et la participation politique du mouvement indigène des années 1990 et début des années 2000, le mouvement était plus concentré à Quito.
Avec la création de l’Université Interculturelle Amawtay Wasi en 2004, la CONAIE intègre le sumak kawsay dans son discours et ses textes. Pourtant, il faut attendre l’arrivée du gouvernement de Rafael Correa pour que ce concept réapparaisse dans les débats politiques. Donc nous pouvons affirmer que le sumak kawsay, s’il n’est pas une catégorie épistémologique ancestrale et qu’il n’apparaît pas dans les discours des organisations indigènes avant les années 2000, a ses origines dans l’existence d’une forme de vie des sociétés indigènes précoloniales « basée sur une organisation communautaire, une forme de vie sauvage et rurale et une culture traditionnelle, empirico-naturelle et magico-religieuse » (Hidalgo-Capitán, 2012 : 18). Mais cette recréation, reconstruction ou « tradition réinventée » (Viola, 2014 : 64) s’est alimentée de luttes contemporaines surtout écologistes et anti-néolibérales.
Avec le Bien Vivre, on se trouve face à une traduction métisse qui sort ce concept de son histoire, de son contexte et de ses origines linguistiques et culturelles. Pourtant, cela ne lui enlève pas sa légitimité philosophique de questionnement d’un modèle de vie individualiste, utilitariste et destructeur de la nature. Il s’agit d’une confluence d’apports provenant de traditions andino-amazoniques et occidentales comme la pensée critique, l’écologie politique et des théories critiques du capitalisme, qui surgit parallèlement et dans le contexte de la renaissance des débats autour du bonheur ou de la vie bonne à partir de Aristote ou Amartya Sen. Dans ce sens, le Bien Vivre est « un outil très puissant pour la discussion et la transformation politique » (Fernández et al, 2014 : 106), objectif des acteurs qui se revendiquent de ce concept.
b. La critique de la Modernité
Les auteurs du Bien Vivre remettent en question certaines valeurs qui caractérisent la Modernité, principalement la notion de développement avec sa vision économiciste et homogène des sociétés, du concept de progrès qui compromet la sauvegarde de l’environnement et menace à moyen terme la survie de l’espèce humaine, ainsi que la vision utilitariste de la nature qui en dérive. La promesse de justice par le développement, basée sur la croissance et donc sur l’accumulation infinie du capital, ne peut plus résister aux désastres sociaux et environnementaux actuels. Le Bien Vivre insiste sur la crise de civilisation (Houtart, 2012 ; Álvarez Cantalapiedra, 2011) que traverse le monde, crise liée au système capitaliste et à ses valeurs basées sur le productivisme et le consumérisme, dont les conséquences se font sentir de plus en plus fortement à travers le réchauffement climatique, l’individualisme, la croissance des inégalités socio-économiques, etc. « La visibilité des modes de vie alternatifs fonctionne comme une contestation du caractère supposément inévitable ou unique du mode de vie hégémonique » (Aguilar et al., 2015 : 118).
Le concept de Bien Vivre apparait quand la question écologique commence à être centrale dans les revendications du mouvement altermondialiste et au milieu des questionnements de la notion de développement durable. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’idée de développement s’est imposée comme vecteur central de l’idéologie moderne du progrès, surtout depuis le discours de Truman à l’Organisation des Nations Unies. Le processus linéal d’évolution, essentiellement économique, impulsé par la maxime du progrès, basé sur l’appropriation des ressources naturelles, motivé par différentes versions de l’efficacité et de la rentabilité économique et orienté vers l’émulation du style de vie occidental (Acosta, 2010 ; Gudynas, 2011), a conduit à une dégradation de l’environnement naturel. La « mystique de la croissance » (Méda, 2013) pourrait être une des causes fondamentales de cette crise civilisationnelle dans laquelle nous nous trouvons, à la fois crise socio-économique, écologique, politique et morale. L’idée de croissance est allée parallèlement à l’expansion de la marchandisation du monde, de chaque sphère de la vie, en s’attaquant depuis les 30 dernières années de néolibéralisme aux biens communs et publics.
Face à l’échec des promesses de développement, c’est-à-dire l’impossibilité pour les pays du Sud d’atteindre les niveaux de vie des pays du Nord, face au caractère non viable de la concrétion de ces promesses (surtout au niveau écologique), des critiques sont apparues tant au niveau conceptuel qu’au niveau des pratiques inspirées par le développement. Celui-ci est vu comme une utopie qui n’est pas réalisable pour les limites naturelles de la planète, pour sa distribution sociale limitée qui génère des inégalités et pour son lien réduit entre croissance et bien-être.
L’irruption du concept de Bien Vivre se fait contre l’imaginaire moderne de contrôle rationnel du monde naturel et s’intègre dans les débats sur la relation entre société et environnement. En reprenant les mots de Álvaro García Linera, « nous avons besoin de revendiquer […] notre relation métabolique entre l’être humain et la nature » (2015 : 24). Le Bien Vivre réactualise certains débats théoriques qui existent depuis les années 1970 après la publication du Rapport Meadows sur les conséquences environnementales du modèle de développement. Ces débats ont à voir avec le post-développement (Wolfgang Sachs, Serge Latouche, Ivan Illich, Arturo Escobar, entre autres), le mal-développement (Tortosa, 2001 ; 2011), l’autre développement (Aguilar et al., 2015) et aussi avec le développement durable (voir Haidar, Berros, 2015 ; Vanhulst, Elizalde Hevia, 2016 ; Vanhulst, 2015 ; Vanhulst, Beling, 2013).
Quand le Bien Vivre affirme la nécessité d’une vie en harmonie avec la nature, il pose au centre du débat le thème de la soutenabilité. Mais le Bien Vivre se situe dans la critique des discours et pensées hégémoniques autour de la soutenabilité, comme celui du développement durable dont la pluralité et fragilité théorique favorisent son appropriation et transformation pour être synonyme aujourd’hui de croissance économique durable (Vanhulst, 2016). Vanhulst et Elizalde Hevia affirment qu’ « avec une orientation normative critique, les auteurs soulignent que, si initialement la proposition d’un développement durable introduit une rupture avec la vision moderne occidentale de la séparation entre environnement et les problèmes socio-économiques, actuellement les propositions dominantes et institutionnalisées ont plus d’affinités avec le statut quo. » (2016 : 176). C’est pour cela que Victoria Haidar et Valeria Berros (2015) analysent comment le Bien Vivre circule entre le niveau national et international pour se proposer comme une alternative au développement durable discuté dans les instances de l’Organisation des Nations Unies.
Donc le concept de Bien Vivre essaie de rénover le concept de développement durable, usé après sa récupération, en se positionnant dans la tradition critique latino-américaine du développement durable (Vanhulst, Elizalde Hevia, 2016 : 177). Dans le même sens, la thèse principale de l’article d’Aguilar et al. est que « les débats sur l’“autre développement” déployés entre 1968-1975, et obturés dans le “développement durable”, opèrent comme domaine de la mémoire des actuelles propositions du Bien Vivre » (2015 : 98).
Une des propositions du Bien Vivre face à sa critique du développement est d’aller vers la démarchandisation des espaces nécessaires pour la reproduction de la vie et des biens communs et biens publics (voir Ostrom, 2010 ; Flahault, 2011 ; Dardot y Laval, 2014). La démarchandisation aiderait à améliorer les relations humaines, libérer du temps pour profiter d’autres activités comme la participation politique, les relations familiales, les loisirs, c’est-à-dire tout ce qui a à voir avec les relations communautaires et sociétales. C’est pour cela que Koldo Unceta dit que « la démarchandisation s’oriente vers la réduction du marché en promouvant une stratégie multiple qui contemple aussi d’autres formes de relation sociale et d’autres manières de faire face aux besoins humains ; qui rend possible une meilleure efficience sociale et écologique, et aussi une plus grande satisfaction personnelle. » (2014 : 139)
Donc cela implique d’autre type de relation entre les sociétés humaines et la nature. Comme conséquence du concept de Bien Vivre, la Constitution équatorienne de 2008 a donné des droits à la nature, c’est-à-dire qu’elle la reconnaît comme sujet de droits pour veiller à ce que ses cycles de vie ne soient pas en danger et puissent se reproduire. C’est ce que les auteurs du Bien Vivre appellent passer d’une conception anthropologique de la nature à une vision biocentrique, reprenant une proposition de l’écologie profonde ou Deep Ecology (Naess, 2007 et Leopold, 1949). Avec ce changement de conception, les êtres humains ne sont plus le centre ou au-dessus de la nature mais font partie d’elle, rompant ainsi avec une vision utilitariste ou de contrôle de la nature.
Ces avancées symboliques, qui restent pour le moment à traduire dans une jurisprudence nationale et internationale, ne doivent pas tomber dans un nouveau fondamentalisme anti-humain qui considère que la nature est dotée d’une valeur intrinsèque qui inspire le respect, comme parfois le fait l’écologie profonde. Mais Vanhulst et Beling nous disent que si le discours du Bien Vivre peut s’incliner vers l’écologie profonde, « il s’éloigne de ce courant parce qu’il ne subordonne pas l’être humain à la nature, mais reconnaît son interdépendance et la nécessité d’harmonisation » (2013 : 51).
Il ne peut pas non plus se convertir en un nouvel outil pour augmenter les inégalités sociales comme nous avertit Maria Carman dans ses travaux sur « les pièges de la nature » (2011), dans lesquels elle analyse comment certains discours de protection de la nature, d’embellissement des paysages, de récupérations de la biodiversité, peuvent conduire à une ségrégation socio-spatiale des plus pauvres. Aborder de manière critique les droits des animaux comme le fait Carman (2015), ou plus amplement les droits de la nature, permet d’éviter que se déconnectent protection de la nature et lutte contre les inégalités sociales.
Un autre danger est que la critique de la modernité peut tomber facilement dans une position anti-modernité qui enfermerait le concept de Bien Vivre dans ses propres débats et l’empêcherait de pouvoir débattre avec d’autres théories qui peuvent s’inscrire dans la Modernité mais en la critiquant. A partir de ces mises en garde, nous allons analyser les particularités de chaque courant du Bien Vivre et ses tensions créatives.
2. Particularités et acteurs des courants du Bien Vivre
a. Les particularités de chaque courant
Une première différence entre les courants du Bien Vivre est que la diversité des auteurs et des acteurs socio-politiques qui les compose viennent d’horizons différents et ont des intérêts différents qui peuvent expliquer les interprétations et les débats autour de ce concept.
Dans le courant « culturaliste et indigéniste », nous rencontrons deux types d’acteurs. Les premiers sont les intellectuels indigènes et militants du mouvement indigène (par exemple Carlos Viteri Gualinga, Luis Macas, Nina Pacari). Pour comprendre le Bien Vivre à partir de la vision des peuples indigènes, on peut prendre en compte les mots de l’anthropologue kichwa Carlos Viteri Gualinga qui affirme déjà que ce concept ne peut pas être comparé à celui de développement : « Dans la cosmovision des sociétés indigènes, dans la compréhension du sens qu’a et doit avoir la vie des personnes, il n’existe pas le concept de développement. C’est-à-dire qu’il n’existe pas la conception d’un processus linéal de la vie qui établisse un état antérieur ou postérieur, à savoir, de sous-développement et développement ; dichotomie par laquelle doivent transiter les personnes pour la réalisation du bien-être, comme il se produit dans le monde occidental. Il n’existe pas non plus les concepts de richesse et pauvreté déterminés par l’accumulation et carence de biens matériels. » (2002 : 1)
Ces auteurs insistent sur les éléments spirituels, comme celui de Pachamama, qui se trouvent dans la pensée indigène de sumak kawsay. Ils utilisent ce dernier terme, et pas celui de Bien Vivre, car ils considèrent que ce concept « a été dépouillé de la dimension spirituelle qu’a le Sumak Kawsay et en plus a été assaisonné avec des apports occidentaux qui n’ont rien à voir avec les cultures ancestrales. » (Hidalgo-Capitán, 2012 : 48)
Ils reprennent aussi la principale revendication de la CONAIE depuis les années 1980, c’est-à-dire la nécessaire transformation de l’Etat en un Etat plurinational qui donnerait une autonomie économique et politique aux peuples et nationalités indigènes et leur accorderait des droits collectifs (voir Acosta, Martínez, 2009 ; Tapia, 2012).
Donc, contrairement aux « éco-marxistes » qui concentrent leurs critiques sur les structures du système capitaliste, les « culturalistes » vont se centrer sur l’opposition entre le monde occidental et les peuples indigènes, en exaltant la filiation du sumak kawsay aux peuples indigènes en général, et aux peuples andins en particulier (voir Hidalgo-Capitán, Guillén García y Deleg Guazha, 2014 ; Macas, 2010 ; Choquehuanca, 2010). Pour eux, le système capitaliste est une création de l’Occident et donc le dépassement de la crise actuelle dépendrait de l’abandon de cette matrice culturelle. Cette opposition culturelle compromet la possibilité d’une construction collective du Bien Vivre qui, même si ses origines se trouvent dans les traditions des peuples indigènes, surgit dans un contexte spécifique et s’alimente des luttes de différents acteurs.
Les seconds sont des académiques non indigènes proches des mouvements indigènes (comme Pablo Dávalos) qui ont un discours indigéniste. Il y a aussi des intellectuels liés aux travaux sur la décolonisation du savoir et du pouvoir comme Arturo Escobar ou associés au groupe modernité-colonialité comme Aníbal Quijano, Walter Mignolo ou Enrique Dussel : « au sein de ce groupe, le bien vivre est interprété comme une opportunité pour la décolonisation du savoir. […] cette position oppose diamétralement le bien vivre et la modernité, et utilise le bien vivre comme outil pour soutenir la cause antimoderne-anticoloniale. » (Vanhulst, Beling, 2013 : 49)
Le courant « écologiste et post-développementaliste » se nourrit d’intellectuels et académiques qui viennent de l’économie écologique et de la critique du développement et qui ont trouvé dans le Bien Vivre une « plateforme politique » (Gudynas, 2011 ; 2014) qui pourrait réunir les alternatives au développement. Ces intellectuels ont eu une certaine influence dans l’inclusion du Bien Vivre dans la Constitution équatorienne par leur proximité avec l’ancien Président de l’Assemblée constituante, Alberto Acosta. Nous rencontrons aussi dans ce courant des militants d’ONG écologistes comme Esperanza Martínez d’Acción Ecológica. Pour eux, le Bien Vivre « se constitue comme un collage post-moderne de conceptions indigènes, paysannes, syndicalistes, coopératives, solidaristes, féministes, pacifistes, écologistes, socialistes, théologico-libérationnistes, décolonnialistes... ». Ce courant « serait lié à la pensée constructiviste post-moderne. » (Hidalgo-Capitán, 2012 : 49) Eduardo Gudynas l’appelle aussi l’ « environnementalisme biocentrique » (2012) et considère que, tout comme le courant « culturaliste et indigéniste », ils ont un « usage substantif » [3] du Bien Vivre car « sous cette posture, le Bien Vivre est autant post-socialiste que post-capitaliste. […] C’est la perspective qui correspond au sens original du concept. » (Gudynas, 2014 : 27-28)
Ils reconnaissent l’apport fondamental des peuples indigènes pour nourrir le contenu du Bien Vivre mais ils prennent aussi en compte les notions qui proviennent d’autres secteurs et acteurs sociaux. Ils appuient leur critique sur le caractère prédateur du système capitaliste qui passerait par une exploitation démesurée de la nature sans que cela signifie une amélioration des conditions de vie de la population, en reprenant le concept de « malédiction des ressources naturelles » ou « paradoxe de l’abondance » (Acosta, 2008 ; Acosta, 2011). La question de la destruction de la nature et l’impératif d’inverser cette tendance ainsi que la critique aux promesses manquées du développement et la non-viabilité écologique de sa concrétisation occupent le premier plan. Ainsi, les « écologistes » voient dans le Bien Vivre une opportunité pour construire une alternative au développement (Lang, Mokrani, 2011 ; Gudynas, 2011 ; Acosta, 2010).
Le courant « éco-marxiste et étatiste » est intégré par des intellectuels inspirés par le socialisme et qui ont une expérience dans la gestion publique. Une partie de ces auteurs ont occupé ou continuent d’occuper des postes politiques au sein des gouvernements de l’Equateur et de la Bolivie (comme René Ramírez ou Álvaro García Linera). Les « éco-marxistes » ont comme priorité la satisfaction des besoins matériels de base de toute la population, ce qui peut s’expliquer aussi parce que les auteurs de ce courant ont développé leur pensée depuis l’Etat et l’expérience de la gestion publique comme le précise mieux l’appellation que lui ont donné Hidalgo-Capitán et Cubillo-Guevara (2014).
Pourtant, ils ne laissent pas de côté la critique au productivisme et au consumérisme du système capitaliste, ni le respect des droits de la nature. Ils ne centrent pas leur critique sur le monde occidental, c’est-à-dire à partir d’un point de vue culturel, mais concentrent leurs attaques sur le système politique, social et économique qui régit le monde, le capitalisme. Ainsi, ils insistent sur la transformation de la structure socio-économique marquée par les fortes inégalités sociales et « la subsomption réelle du système intégral de la vie naturelle de la planète au capital » (García Linera, 2015 : 11) pour aller vers un post-capitalisme à travers une planification participative, qui pourrait s’appeler « socialisme communautaire du Vivre Bien » (García Linera, 2015) ou « socialisme du Sumak Kawsay » ou « biosocialisme républicain » (Ramírez, 2010).
Le Bien Vivre implique un nouveau modèle de civilisation dans lequel les loisirs ou les sentiments, aspects inestimables, auraient un espace important. Cela présuppose aussi avoir du temps pour la participation politique, l’émancipation, la contemplation, les relations interpersonnelles, etc. Cela permettrait d’arriver à l’objectif du Bien Vivre qui consiste en « l’unification du temps de travail et du temps de la vie, et à maximiser la production et la consommation de biens relationnels » (Ramírez, 2012 : 25).
b. Les débats autour du post-extractivisme en Equateur
Une des différences les plus importantes entre les trois courants est celle qui réside dans l’exploitation des ressources naturelles et donc le post-extractivisme. Ce débat sur le changement du modèle d’accumulation est très présent au sein des gauches équatoriennes pour penser la transition vers la société du Bien Vivre. C’est un des points en dispute entre les différents courants du Bien Vivre. Comment peut-on défendre les droits de la nature reconnus dans la Constitution de 2008 et lutter contre sa dégradation et, en même temps, chercher le bien-être, l’extension des droits sociaux et la fin de la pauvreté de la population à travers le développement économique ? Ou, dans d’autres termes, comment lier l’écologique et le social sans nuire ni à l’un, ni à l’autre dans un pays qui a un haut niveau de pauvreté mais aussi une importante biodiversité. Dans une première phase, la croissance économique permet le développement des droits sociaux mais elle ne peut pas se réaliser aux prix de la destruction de la nature.
Le problème de l’Equateur est qu’il doit changer son modèle de développement actuel basé sur l’exploitation et l’exportation de ses ressources naturelles et que, pour cela, il a besoin de ressources financières dont l’Etat ne dispose pas, encore plus dans une société dollarisée. Sans laisser de côté les urgences de lutte contre la pauvreté et de couvrir l’ensemble du pays des services publics de base.
Les « culturalistes » et les « écologistes » s’opposent à l’élargissement de tout type d’extractivisme, sans pour cela défendre la fermeture des zones déjà en exploitation. Leur proposition est de sortir du modèle d’accumulation actuel en mettant en œuvre l’économie sociale et solidaire ou une « économie plurielle » reconnue dans la Constitution bolivienne.
Les auteurs du courant « écologiste » se concentrent sur la dénonciation de l’extractivisme. Selon eux, aussi bien l’insertion des pays du Sud dans le capitalisme mondial comme la recherche du « développement » se sont basées sur une exploitation démesurée de la nature. Les racines de la crise de civilisation observable en Occident et dans le monde ne se trouvent ni dans la culture (culturalistes), ni dans la structure (éco-marxistes) mais dans l’extractivisme.
L’extraction des matières premières, héritage de la colonisation, s’est prolongée après les indépendances des pays latino-américains. L’arrivée au pouvoir des gouvernements progressistes a voulu rompre avec la dimension coloniale des activités d’extraction, mais on est seulement passé à un néo-extractivisme (Gudynas, 2010 ; Acosta, 2011 ; VV.AA., 2009). S’il consacre un rôle plus actif de l’Etat dans l’entreprise extractiviste ainsi qu’une plus importante et plus profonde distribution de la rente qu’il génère, ce néo-extractivisme reproduirait des dynamiques propres de l’extractivisme, par exemple une insertion internationale subordonnée et fonctionnelle à la globalisation du capitalisme transnational (Acosta, 2010 ; Gudynas, 2011). De plus, le néo-extractivisme, au nom du développement, permettrait la dégradation de la nature et l’exercice de pratiques politiques autoritaires qui porteraient atteintes principalement aux droits humains des peuples qui habitent les zones d’extraction.
Au contraire de ces deux courants, les « éco-marxistes » ne voient pas l’abondance en ressources naturelles comme une malédiction mais plutôt comme un moyen pour penser une société post-extractiviste. Son approche systémique anticapitaliste leur permet d’aller plus loin que la revendication d’un post-extractivisme qui est vu, non comme une fin en soi (comme cela peut être le cas des « écologistes »), mais comme un moyen pour changer les structures socio-économiques de la société. En effet, sortir de la dépendance à l’exploitation des ressources naturelles et passer à une société post-extractiviste, ne signifie pas nécessairement entrer dans une société post-capitaliste. Donc, dans l’immédiat, il est impossible d’arrêter toute exploitation des ressources naturelles. Selon ces auteurs, la contradiction est que l’Equateur a besoin de l’extractivisme pour financer sa transition vers une société post-pétrolière qui ne dépendrait plus de l’extractivisme.
Cette position est très critiquée par les auteurs du courant « écologiste » et particulièrement par Eduardo Gudynas qui accuse le courant « éco-marxiste » de ne pas « comprendre les contradictions essentielles entre Bien Vivre et extractivisme. » Il continue en disant qu’« ils se sont appropriés un concept, en le dépouillant de ses contenus originaux, pour qu’il puisse servir d’étiquette à des propositions conventionnelles très connues. Il n’est pas acceptable qu’ils s’emparent d’un terme qu’ils n’ont pas créé, et qu’ils le fassent pour aller dans une direction contraire à son intentionnalité originelle. » (Gudynas, 2014 : 36)
Álvaro García Linera critique la position de ces auteurs car « les critiques de l’extractivisme confondent système technique avec mode de production, et à partir de cette confusion associent extractivisme avec capitalisme ; oubliant qu’il existe des sociétés non-extractivistes, les industrielles, totalement capitallistes ! » (García Linera, 2012 : 107). Selon lui, « le social est un composant du métabolisme naturel » (2012 : 98) donc les relations humains-nature font partie d’un « certain mode de production social » (2012 : 98). La division internationale du travail dans laquelle s’insère la Bolivie ou l’Equateur fait partie de la construction historique et coloniale du capitalisme et il n’est pas possible de changer ce système que dans un seul pays mais en créant un mouvement international. Donc ce qui prime est de créer les conditions pour « satisfaire les besoins de la population, générer de la richesse et la distribuer avec justice ; et à partir de cela créer une nouvelle base matérielle non extractiviste qui préserve et élargit les bénéfices des travailleurs. » (García Linera, 2012 : 108) Et cela sans laisser de côté la diminution des impacts nocifs sur la nature.
La question fondamentale n’est pas de savoir s’il faut ou non exploiter les ressources naturelles, mais de tenter de concilier les exigences environnementales avec la croissance économique nécessaire pour transformer le pays et faire en sorte que toute la population ait accès aux services publics de base. Il ne faut pas considérer la protection de l’environnement et de la biodiversité comme un frein mais plutôt comme des ressources pour changer de modèle socio-économique. Donc il ne s’agit pas d’opposer le court et le long terme mais de les penser simultanément. La question est de savoir combien de temps va durer cette transition et donc pendant combien de temps l’Equateur aura besoin d’exporter ses ressources naturelles. Les besoins en ressources financières existent autant pour la transition que pour la lutte contre la pauvreté. Pour la seconde on en a besoin de manière rapide et pour autant il faut profiter au maximum des capacités du pays. En Equateur, cela veut dire profiter intensivement (et pas nécessairement extensivement) l’exploitation des ressources naturelles. La satisfaction des besoins matériels humains s’effectue en prenant en compte la conservation de la nature, ce qui permet de préserver l’avenir et le bien-être commun de tous les êtres vivants et des générations futures, en appliquant le concept de justice intergénérationnelle.
Une fois que nous avons dit cela, on ne peut pas tomber dans la croyance qu’avec les ressources financières de l’exploitation des ressources naturelles, on va forcément changer de modèle socio-économique et de matrice productive. Pour arriver à ces transformations, il est nécessaire d’investir dans les secteurs productifs et de service qui permettraient ces changements structurels. Et cela sans laisser de côté l’investissement dans les services publics pour répondre aux besoins de base de toute la population.
Mais le plus important est la construction d’une contre-hégémonie culturelle (Acanda, 2012) qui permette de modifier, principalement, les modes de consommation. Acanda précise que « l’hégémonie concerne le processus social dans tous ses aspects. C’est-à-dire, toute la reproduction sociale globale. » (2012 : 142) Ici il faut souligner « l’importance cruciale des pratiques culturelles et artistiques dans la formation et la diffusion du sens commun » et son « rôle décisif […] dans la reproduction ou désarticulation d’une hégémonie donnée » (Mouffe, 2014 : 97).
Conclusion
Dans la Constitution de 2008, le Bien Vivre « constitue le paradigme de vie vers lequel doit s’orienter le “développement” » (Cortez, 2010 : 1). En effet, la Constitution équatorienne met le régime de développement (titre VI) au même niveau que le régime du Bien Vivre (titre VII), mais l’article 275 précise que « le régime de développement est l’ensemble organisé, soutenable et dynamique des systèmes économiques, politiques, socio-culturels et environnementaux, qui garantissent la réalisation du bien vivre, du sumak kawsay ». L’existence de ces deux régimes dans la Constitution a débouché sur des tensions au moment de son application pendant son interprétation par les différents acteurs socio-politiques, car, en reprenant les mots d’Alberto Acosta, « le bien vivre est en tension avec le régime de développement » (Fernández et al, 2014 : 104). Les fractures post-Assemblée constituante au sein de la gauche équatorienne pourraient s’expliquer en partie par les disputes interprétatives du Bien Vivre, et donc de la Constitution, ainsi que le chemin pour arriver à la société du Bien Vivre.
Ramírez et Stossel font ressortir quatre champs dans la conflictualité des années de la Révolution Citoyenne. Trois de ces lignes de conflit, la « reconnaissance politique », la « représentation et participation sociale au sein de l’Etat » et l’ « orientation du modèle de développement et bien vivre » (Ramírez, Stoessel, 2015 : 151), viennent directement des lectures et priorités au moment de mettre en pratique la Constitution, en particulier les lois approuvées (voir Ramírez, Le Quang y Bastidas, 2013).
Le courant culturaliste et indigéniste du Bien Vivre, avec la CONAIE à sa tête, a commencé à se distancier du gouvernement de Rafael Correa pour des thèmes de reconnaissance politique comme le manque de respect à l’organisation de la part du Président Correa, mais surtout pour ce qu’elle considère comme l’absence de volonté de construire l’Etat plurinational, fondamental pour arriver au Bien Vivre selon ses dirigeants. La représentation des indigènes au sein des institutions de l’Etat, par exemple dans le Conseil de l’Eau créé par la Loi sur l’Eau, à travers la présence de la CONAIE, a été un des premiers désaccords entre le gouvernement et cette organisation qui a débouché sur de grandes mobilisations. En ce qui concerne le courant écologiste et post-développementaliste, avec à sa tête Alberto Acosta, ses critiques se sont concentrées sur le modèle de développement de la Révolution Citoyenne qui ne serait pas en adéquation avec le Bien Vivre, surtout pour son irrespect envers les droits de la nature avec l’approfondissement de ce qu’ils appellent le néo-extractivisme.
Au-delà des débats actuels sur le gouvernement de la Révolution Citoyenne, il faut penser à renforcer le concept de Bien Vivre tant au niveau théorique que dans son application en politiques publiques, par exemple : la révolution agraire orientée vers la souveraineté alimentaire ; le thème de la ville à partir de l’écologie politique urbaine (Delgado, 2015) pour penser l’utilisation de l’espace public, la diversité sociale, l’interculturalité et la soutenabilité écologique ; penser la vie bonne et la redistribution du temps (Ramírez, 2012 ; Riechmann, 2011a ; Riechmann, 2011b) ; la conception de l’Etat et son rôle planificateur ; les apports du Bien Vivre au régime de l’Etat providence (Minteguiaga, Ubassart, 2015).
Affirmer aussi que le Bien Vivre est un concept en construction nous permet de soutenir qu’il peut se nourrir d’autres concepts et théories proches comme par exemple l’écosocialisme, théorie politique qui essaie de combiner deux écoles qui ont toujours été pensées indépendamment l’une de l’autre : le marxisme et l’écologie politique (Kovel, 2001 ; Gay, 2010 ; Löwy, 2011 ; Riechmann, 2012). Il pourrait aussi s’établir un dialogue avec la théorie de la décroissance, avec l’éco-féminisme, les débats sur les biens communs, etc. Clairement, ce dialogue ne doit pas être unidirectionnel, Nord-Sud, mais que « les empreintes et les fissures ouvertes à partir de la circulation Sud-Nord du sumak kawsay permettent de penser une inversion du sens “habituel” [Nord-Sud] » (Haidar, Berros, 2015 : 148).
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[1] La fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) est arrivée en Equateur en 1974 comme Institut Latinoaméricain de Recherches Sociales (ILDIS par ses sigles en espagnol) et est connue aujourd’hui comme FES-ILDIS.
[2] La divergence entre la CONAIE et la FENOCIN était autour du concept d’Etat plurinational développé par la CONAIE pour revendiquer l’autonomie des territoires indigènes. La FENOCIN, organisation plus classiste proche des syndicats et du Parti Socialiste, proposait plutôt le concept d’interculturalité comme alternative à la plurinationalité qu’elle voyait comme un « fondamentalisme ethnique » (Altmann, 2013 : 288).
[3] Gudynas catégorise le Bien Vivre par ses usages. En plus de l’ « usage substantif », il identifie l’ « usage générique » et l’ « usage restreint » (Gudynas, 2012 ; 2014). Les auteurs du courant « écologiste et post-développementaliste » ont tendance à déqualifier principalement le courant « éco-marxiste et étatiste » car ils considèrent que ces auteurs soutiennent les gouvernements progressistes latino-américains et donc utilisent le concept de Bien Vivre sans le comprendre ou en l’incluant dans la matrice occidentale de la Modernité. Clairement ces jugements de valeur tombent dans une subjectivité morale de déqualification pour appuyer leur opposition politique.