Marcel Mauss, le mouvement coopératif et l’esprit du don

La défense par Marcel Mauss du mouvement coopératif trouve dans le don son socle anthropologique et moral.

Cet article a été rédigé pour le colloque organisé par la chaire de coopération Guy Bernier de l’Université du Quebec à Montréal sur La gestion de la dimension éthique au sein du mouvement coopératif, qui s’est tenu à Montréal les 14 et 15 mai 2007. Il sera publié dans les actes du colloque. Nous remercions Michel Senille de nous avoir autrorisés à le publier dans La revue du MAUSS permanente.

Depuis une quinzaine d’années l’économie sociale - et le mouvement coopératif en particulier - a retrouvé une certaine actualité avec l’émergence de ce que l’on appelle l’économie solidaire qui a interrogé à nouveaux frais le sens dont l’économie sociale est porteuse. C’est dans cet esprit que nous examinons la dimension éthique du mouvement coopératif, en questionnant les vues de l’un de ses militants historiques en France, qui est en même temps l’un des tous premiers représentants de la tradition sociologique française : Marcel Mauss. Loin d’être sans rapports, ses écrits scientifiques et politiques ne sont pleinement intelligibles qu’à lire les uns sous les lunettes des autres et réciproquement. Nous verrons plus précisément que si Mauss encourage précocement le mouvement coopératif en raison de l’éthique dont il est porteur et qui définit le socialisme démocratique qu’il défend, on ne trouve la formulation précise de cette éthique et n’en saisit véritablement la portée qu’à la relire à la lumière de son Essai sur le don, écrit relativement tardivement, lui-même apprécié sous le signe d’un court extrait de l’un de ses écrits politiques sur les coopératives. En conclusion, nous nous saisirons de ses vues ainsi éclairées pour nous interroger sur le sens que peut revêtir aujourd’hui un projet de « gestion de la dimension éthique du mouvement coopératif ». Mais avant d’aller au cœur du sujet, prenons le temps de présenter rapidement le savant et le militant coopérativiste qu’était M. Mauss.

Marcel Mauss, savant et politique

Cela commence à se savoir : M. Mauss n’est pas que le neveu d’Emile Durkheim. C’est un sociologue qui compte, en raison notamment des questions qu’il pose dans son Essai sur le don à nos manières habituelles d’interroger la réalité sociale-historique. M. Mauss y questionne en effet le savoir des savants de son temps - mais aussi le nôtre - dans sa capacité à saisir ce qu’il pense être le roc de toute société, c’est-à-dire l’opérateur des alliances durables à partir desquelles une histoire commune peut s’écrire, pour le meilleur ou pour le pire : la triple obligation de donner, recevoir et rendre. Les sociétés, nous dit en effet M. Mauss, se font dans ces moments où elles sont traversées par un constant « donner-recevoir-rendre ». Ce sont les fameuses « prestations totales de type agonistiques » dont les potlatch kwakiutls et les kula mélanésiens ne sont que des expressions singulières. Elles représentent « l’instant fugitif où la société prend » [Essai sur le don, 1995, p. 275]. Autrement dit, le don (agonistique et généralisé), c’est le moment « politique, au sens socratique du mot » [Id., p. 279], comme la dernière ligne de son Essai le définit.

Pour mieux saisir l’importance de M. Mauss pour les sciences sociales, ne retenons qu’un aspect relativement restreint du don tel que M. Mauss le comprend, mais qui suffit à bousculer nos certitudes : les motifs qui animent les donateurs et les donataires. Le don, suggère M. Mauss, s’opère paradoxalement à la fois dans le refus et dans l’attente plus ou moins ostensibles et complémentaires d’un retour (ce qui est à l’origine de bien des incompréhensions) : dans le refus du retour comme profit recherché de la relation ; dans l’attente du retour comme symbole du consentement à l’alliance proposée. C’est en effet en refusant le retour, surtout immédiat, que les personnes (les tribus, les clans, les nations) se signifient mutuellement que leurs relations comptent davantage pour elles-mêmes que pour l’avantage qu’elles peuvent leur procurer ; c’est dans l’attente du retour sans lequel le consentement à l’alliance proposée ne serait pas clairement signifié, que se prolonge l’expression du désir de la relation d’abord voulue pour elle-même. S’instituant paradoxalement à la fois dans l’attente et dans le refus d’un retour, à la fois intéressé et désintéressé, le don questionne la manière dont ses contemporains appréhendent la réalité sociale-historique sous l’angle de l’intérêt – ou du contrat compris comme un accord mutuellement intéressé. C’est par exemple celle de Spencer, l’un des auteurs du XIXe siècle le plus lu et qui constitue l’adversaire principal de M. Mauss dans son Essai, mais aussi celle d’anthropologues comme Franz Boas. En effet, cette manière de voir et de penser dichotomise l’intérêt et le désintéressement, alors qu’il s’agirait de comprendre leur alliance paradoxale dans le don.

Par ailleurs, pour M. Mauss, le don n’est pas un geste unilatéral d’un donateur vers un donataire, mais un rapport social obligé, sous peine de guerre au moins potentielle. Mais cette obligation est paradoxale puisque l’alliance qu’elle institue n’a de sens qu’à être librement proposée et consentie, et qu’à pouvoir être refusée. C’est d’ailleurs cette liberté de donner qui fait du don un acte qui se manifeste comme générosité. En présentant le don comme à la fois libre et obligé, M. Mauss questionne d’abord la manière dont Durkheim, du moins celui des Règles de la méthode sociologique, et certains de ses amis, fidèles à la mémoire du Maître, appréhendent les faits sociaux sous le signe de la contrainte. Cette manière de voir les choses renvoie dos à dos la liberté et l’obligation comme clefs d’entrée dans la réalité sociale-historique - opposition que nous retrouvons aujourd’hui entre ce que nous appelons l’individualisme et le holisme méthodologiques -, alors qu’il s’agirait là aussi de comprendre la manière paradoxale dont elles s’articulent dans le don.

Si elles sont anciennes, les questions que pose M. Mauss aux savants de son époque n’ont rien perdu de leur actualité. D’un côté, le savoir de bien des disciplines s’est construit à partir de l’hypothèse que nous sommes des individus rationnels, i.e. calculateurs et intéressés, à l’instar des sciences économiques standards, néoclassiques, qui exercent depuis une trentaine d’années sur les autres disciplines une force d’attraction quasi-universelle. On a ainsi pu voir bon nombre de savoirs se placer sous le signe de la RAT (Rational action theory) – jusqu’à la philosophie avec John Rawls et sa théorie de la justice (1971) - ou de la théorie des jeux. De l’autre, les « résistances » se sont manifestées en plaçant les faits sociaux sus le signe de la contrainte, néanmoins bien souvent elle aussi placée sous le signe de l’intérêt (collectif) et/ou de l’échange (qui rappelle le contrat donnant-donnant spencérien) : en France, ce fût par exemple le structuralisme levistraussien, le bourdieusisme, et dans le domaine de l’hétérodoxie économique l’école de la régulation (de la première heure). En fait, on en est grosso modo toujours au même point qu’à l’époque de M. Mauss : dans l’incapacité de penser le don et avec lui le moment politique de l’institution de la société par elle-même, en raison d’une pensée dichotomique, qui prend la forme aujourd’hui d’un utilitarisme massif, plus ou moins sophistiqué ou euphémisé, adossé à un individualisme ou à un holisme méthodologiques. Tout cela, le M.A.U.S.S, le Mouvement antiutilitariste dans les sciences sociales, et en particulier Alain Caillé qui l’anime depuis 25 ans, l’a bien montré [1]

Mais M. Mauss n’était pas qu’un savant. Grâce à Marcel Fournier [1994, 1997] on ne peut plus ignorer qu’il était aussi un fervent militant socialiste, ami et bras droit de Jean Jaurès, avant d’être aux côtés de Léon Blum. On apprend ainsi par M. Fournier que M. Mauss a sillonné les routes de France pour récolter des fonds pour le mouvement coopératif ; qu’il s’est lui-même engagé dans la création à Paris d’une coopérative de production : la Boulangerie, dans laquelle il dépensera une bonne partie de ses économies et de son énergie, au grand dam de son oncle E. Durkheim d’ailleurs ; qu’il a participé à des congrès coopératifs internationaux dont il a lui-même rédigé certains compte-rendus. D’après M. Fournier, c’est même M. Mauss qui a converti J. Jaurès au coopérativisme. Le socialisme qu’il a défendu très tôt est un socialisme démocratique et associationniste ; un socialisme qui fait le pari du conflit démocratique contre la violence (celle des bolcheviques et des marxistes ou celle encore qu’encourage Georges Sorel dont Mussolini se réclamait [2]), et de la coopération, et plus généralement de la liberté associative, contre l’intérêt marchand débridé, et contre la contrainte étatique excessive qui l’accompagne (paroxystique et exclusive dans la Russie bolchevique). Pour comprendre un tel pari (et en quoi c’est un pari), il faut examiner le sens éminemment éthique - ou moral, nous ne ferons pas ici la distinction - que le mouvement coopératif revêtait pour M. Mauss.

La dimension éthique du mouvement coopératif selon Mauss

Le rapport de M. Mauss au mouvement coopératif s’est modifié au cours du temps. Etudiant, puis jeune professeur, il voyait dans la coopérative la seule organisation économique et sociale susceptible de réaliser le socialisme : le socialisme, c’était le « régime coopératif » - une économie entièrement gouvernée par une multitude de coopératives autonomes -, qui devait se substituer au « régime compétitif » - au capitalisme. Néanmoins, en 1936, il dit lui-même avoir « très tôt » abandonné cette manière de concevoir les choses. Et dès le tout début du XXe siècle, il semble en effet envisager la réalisation du socialisme dans la coexistence de ces deux régimes. Mais les choses seront bien plus claires et clairement formulées après la révolution bolchevique, considérant qu’en raison notamment de l’échec de la « coopérative unique » bolchevique, les socialistes français sont davantage en mesure de recevoir un autre discours que celui des communistes et des bolcheviques. C’est ce M. Mauss là que nous allons plutôt retenir pour appréhender le sens qu’il confère à la dimension éthique du mouvement coopératif. « Plutôt », car, malgré ses vues différentes sur la place de la coopération, la raison pour laquelle il défend le mouvement coopératif n’a au fond pas changé : c’est là que s’exprime selon lui sinon le mieux, du moins de la moins mauvaise des façons « l’état d’esprit » socialiste. Pour le saisir, nous n’hésiterons donc pas à nous frotter au M. Mauss apparemment plus radical souhaitant l’abolition du « régime compétitif ».

« Apparemment » car ce qui pourrait passer pour une concession « petite-bourgeoise » au régime compétitif, comme on disait à l’époque, voire pour une trahison, repose en fait sur une meilleure compréhension de cet état d’esprit socialiste, et définit en fait un projet plus cohérent, de plus grande ampleur et pour tout dire, plus radical que celui qu’il formulait dans sa jeunesse. Plus cohérent car il ne fait plus le jeu du capitalisme en ne mettant plus en compétition le régime coopératif et le régime compétitif. De plus grande ampleur parce qu’il concerne d’emblée toute l’économie et non plus seulement l’économie coopérative. Plus radical, parce que M. Mauss commence à saisir d’une manière de plus en plus précise cet état d’esprit socialiste porté par les coopératives, et aiguise de ce fait sa critique du capitalisme. Tâchons donc de le cerner, d’abord à l’aide de ses écrits politiques.

Commençons par citer M. Mauss pour insister sur le fait que pour lui, dès 1899, le socialisme n’est pas une doctrine apportant sur un plateau les remèdes à tous les maux, mais des actions d’hommes et de femmes concrets traduisant un « état d’esprit », « une nouvelle manière de voir, de penser et d’agir [qui] créera une nouvelle attitude mentale, et par suite pratique, des hommes » [Fournier, 1997, p. 76 [3] ], une « disposition pour ainsi dire moléculaire de l’esprit qui fait qu’il voit sous certains angles les phénomènes sociaux » [Ibid., p. 80], ou encore, disons pour faire bref, une morale, dont sont justement porteuses les coopératives selon lui : un « mouvement moral » [Id., p. 336 [4] ], c’est d’ailleurs la définition qu’il donne du mouvement coopératif. Un état d’esprit qu’il a bien du mal à définir, mais qui s’oppose à coup sûr à celui qui caractérise le capitalisme, voire même qui le définit tant il l’appréhende de manière très wébérienne avant Weber en somme : même s’il ne le formule jamais ainsi, nous ne pensons pas trahir sa pensée en disant que pour lui le capitalisme, c’est d’abord une manière de voir, de penser et d’agir sous l’angle de l’intérêt individuel [5]. En un mot, le capitalisme, c’est l’utilitarisme (théorique et pratique). C’est d’ailleurs pour M. Mauss « idéaltypiquement » la morale des jeunes bourgeois de son temps. En 1910, dans une réponse signée Criton à l’ouvrage signé sous le pseudonyme Agathon (co-écrit par le fils de Gabriel de Tarde et Henri Massis), Les Jeunes gens d’aujourd’hui, M. Mauss exhorte ses lecteurs à lire l’ouvrage : « Camarades, lisez ce livre : il vous instruira de l’état d’âme des jeunes bourgeois d’aujourd’hui : sanguinaire, volontaire, âpre au gain et à la force, à philosophie utilitaire, cynique, pratique (on appelle ça pragmatisme maintenant), religieux par tradition et non de foi ». [Fournier, 1997, p. 183 [6] ].

Savoir être solidaire

Nous connaissons maintenant l’adversaire du socialisme : c’est l’état d’esprit qui consiste à penser, voir et agir sous l’angle de l’intérêt individuel. Mais en quoi consiste « l’esprit socialiste » ? M. Mauss reste très évasif. Une seule chose est claire : ce n’est pas le contraire de l’esprit du capitalisme. Pour plusieurs raisons : d’abord, l’individu et son épanouissement comptent à ce point qu’ « être socialiste, écrit le jeune Mauss en 1899, [c’est au fond] vouloir […] créer à l’individu une part plus fixe, plus grande, plus belle de la vie sociale, esthétique et intellectuelle, morale et matérielle » [Fournier, 1997, p. 80 [7] ]. Simplement, cette vie plus belle pour l’individu n’est possible qu’à « altérer dans le sens d’une socialisation plus grande les formes juridiques de la société actuelle, [qu’à] rendre la propriété collective comme l’est déjà la production » [Ibid.]. Sans savoir ce qu’il faut entendre exactement par-là, sinon davantage une imprégnation du droit et de l’économie de cet « état d’esprit » socialiste qu’une appropriation collective des moyens de production à la soviétique (la citation date de 1899 !), retenons de ce passage que d’un point de vue socialiste, l’épanouissement de l’individu ne se fera pas dans le déni du groupe, et a fortiori contre lui. Bref, si l’épanouissement individuel compte, la solidarité compte aussi. Il en procède même sans doute. S’il regrette en 1902 que « la solidarité humaine [ne soit] pour le socialisme [qu’]une sorte de formule vague » ; qu’elle ne soit « pas encore une foi, traditionnelle et agissante, du prolétariat universel » [Id., p. 123 [8] ], c’est qu’il pense bien que les coopératives peuvent y contribuer. Car ce sont pour lui de véritables écoles d’éducation à la morale socialiste : « Les coopératives démontrent expérimentalement ce que le socialisme prêche » [Id., p. 146 [9] ]

Mais M. Mauss n’est pas un « fétichiste » de la coopération. S’il encourage les coopératives pour la transformation morale et concrète qu’elles peuvent opérer, il voit bien qu’elles sont susceptibles de porter le meilleur comme le pire. Il distingue ainsi les coopératives socialistes, qui véhiculent un certain sens de la solidarité, des autres : la coopérative jaune, « groupement formé par des ouvriers qui veulent l’entente et non la lutte avec le patronat » et qui se retrouve finalement « dépendant » de lui, et est au fond « imprégné de morale bourgeoise », les ouvriers ne regardant qu’à leurs intérêts étroits [Id., p. 143 [10] ] ; la « coopérative rouge », qui sert moins le socialisme que le parti socialiste, trop partisane pour être orientée vers l’humanité toute entière, pour être véritablement socialiste [Ibid.] [11] ; et la coopérative que nous appellerons « bleue », emblématiquement représentée par certaines coopératives agricoles : tenue par « les agrairiens, les réactionnaires, les prêtres [qui font de ce ] moyen d’émancipation [qu’est la coopération] un moyen de tutelle, […] elle favorise le régime de la propriété capitaliste, en satisfaisant les besoins trop pressants du petit propriétaire, en l’empêchant de se révolter » [Id., p. 149 [12] ].

Savoir contenir ses intérêts, accumuler pour dépenser

Le socialisme n’est décidément pas le contraire du capitalisme, parce qu’en plus de l’individu et son épanouissement, l’intérêt a toute sa place dans la morale socialiste : il ne s’agit absolument pas de substituer une morale du désintéressement à la morale de l’intérêt qu’est celle du capitalisme. Pour le dire sans détour, pour M. Mauss l’intérêt n’est pas impur. On peut le dire autrement : être socialiste, c’est savoir ne pas s’interdire l’accumulation du capital, même si le sens de cette accumulation a changé pour M. Mauss. Avant la Révolution bolchevique, il s’agissait d’accumuler le capital du mouvement coopératif, pour accroître la puissance et l’étendue de son action, orientée, on l’a vu, vers l’individu – ou plutôt la personne - selon un principe de solidarité, aux dépends de l’accumulation bourgeoise, orientée vers le profit des propriétaires, avec en vue la substitution du régime coopératif au régime compétitif. Après la révolution bolchevique, on l’a déjà rapidement abordé, il ne s’agit plus de remplacer l’un par l’autre, mais d’admettre que l’intérêt même « bourgeois », acquisitif, n’est pas impur, et de le contenir, par exemple en associant librement les entreprises de type capitaliste à des coopératives de consommation. M. Mauss rapporte ainsi la création en 1910, à l’initiative des producteurs laitiers capitalistes néo-zélandais, d’une « Compagnie » avec les coopératives de consommation anglaise et écossaises, en vue de la commercialisation en Grande-Bretagne de leur beurre et de leur fromage. Les termes de cette association sont tels que les producteurs fixent les prix des produits vendus aux coopératives ; les coopératives de consommation les vendent avec une marge volontairement limitée, et les profits réalisés sont ensuite répartis entre les coopératives de consommation et les producteurs. C’est « le triomphe de nos idées » s’exclame M. Mauss en 1920 [Id., p. 312 [13] ] : s’ils veulent que les coopératives écoulent leurs produits, les producteurs capitalistes doivent limiter leurs prix et donc leurs profits, qui sont de surcroît partagés avec les coopératives de consommation. Bref, on saisit que pour M. Mauss le socialisme passe par des dispositifs tels que la logique de l’intérêt acquisitif soit librement orientée vers son auto-limitation.

C’est peut-être le moment de rappeler ce que doit M. Mauss à E. Durkheim (et à Tocqueville) dans sa défense du mouvement coopératif, et la manière dont il s’en démarque. On le sait, pour échapper à la monstruosité sociologique accouchée par la modernité industrielle que constitue une société composée d’un somme d’individus atomisés aux intérêts de plus en plus aiguisés qu’un Etat de plus en plus puissant vient enserrer, Durkheim encourage les groupements professionnels qui lui semblent à même de contenir les intérêts des individus, et par suite le penchant de l’Etat à faire tenir les parties sous le régime de la contrainte toujours plus forte, au risque de l’arbitraire. M. Mauss partage sans doute le même constat et considère de la même manière que la solution réside dans une échelle intermédiaire entre l’individu et l’État. Mais il ne pense pas que les groupements professionnels puissent parvenir seuls, ni même le mieux, à modérer à la fois les intérêts individuels et la puissance de l’Etat. Lui se tourne davantage vers le mouvement coopératif. Et au sein du mouvement coopératif, en raison de son expérience de militant, vers les coopératives de consommation, plutôt que vers les coopératives de production. « Les expériences cuisantes que nous fîmes autrefois avec les coopératives de vignerons, écrit M. Mauss en 1936 très probablement, m’ont définitivement convaincu que ces producteurs, même bien organisés, ne peuvent jamais se dévouer au point de renoncer, même temporairement à quelques-uns de leurs intérêts, de leurs intérêts de propriétaires en particulier » [Fournier, 1997, p. 759 [14] ]. A contrario on comprend sans ambiguïté qu’une des dimensions éthiques des coopératives de consommation qui compte à ses yeux, consiste bien dans leur capacité à contenir les intérêts, ou encore, c’est l’autre face de la même pièce, à créer des réserves de sens anti-utilitariste et non étroitement individualiste : « La seule coopération de consommation me paraît être celle qui a le plus déplacé les axes économiques et juridiques, qui constitue le plus des réserves collectives et non individuelles et rend le plus de services publics (régularisation des prix, etc., organisation du marché et, par rapport à ce marché, de la production). J’ai soutenu ces idées pendant de nombreuses années. […] Je n’ai aucune raison de changer d’avis » écrit-il en 1936 [Fournier, 1997, pp. 758-759 [15] ].

Savoir posséder, avoir le sens de ce qui est à soi et de ce qui est commun

Le socialisme n’est donc pas le contraire du capitalisme parce que l’individu et l’intérêt ont leur place dans la morale socialiste, en même temps que la collectivité et le désintéressement que suppose la solidarité. On ne sera donc pas étonné que M. Mauss conçoive la coexistence de différents types de propriété, collective et individuelle.

Sa défense de la propriété privée, individuelle, concerne autant les biens de consommation - « [le socialisme] a toujours revendiqué la propriété individuelle des objets de consommations » [Id., p. 261 [16] ] -, que les moyens de production des agriculteurs exploitants et artisans, les propriétaires se donnant seuls dans la production : « Le socialisme en face de l’artisan et du petit paysan propriétaire, non seulement capitule par politique, mais encore se confond avec les doctrines les plus individualistes » [Id., p. 262-263 [17] ]. Par contre, la propriété privée des moyens de production des paysans non exploitants est quant à elle clairement condamnée [Id., p. 262 [18] ]. M. Mauss semble donc considérer qu’il est juste que la propriété des moyens de production revienne à celui (ou à ceux) qui s’est (se sont) donné(s) dans la production. Propriété individuelle des biens de consommation ; propriété individuelle ou collective des biens de production selon qu’un seul individu ou plusieurs se donne(nt) à la production : voilà quelques uns au moins des régimes de propriétés dont M. Mauss semble imaginer la coexistence au début des années 1920. Ce qui fait dire à M. Mauss que « les notions et institutions qui méritent le nom de socialisme sont à mille lieux de ces utopies et de ces bouleversements [tels que les préconisent les marxistes] et supposent au contraire, le plein développement des régimes industriels, d’une propriété privée, d’une propriété collective, qu’il s’agit précisément de faire passer du fait au droit, ou plutôt d’attribuer aux vrais propriétaires les diverses collectivités dont se compose la nation. » [Fournier, 1997, p. 260 [19] ].

En fait, les coopérateurs témoignent de cet état d’esprit socialiste dans la mesure où, considérant leur outil de production comme une propriété collective, ils manifestent que la propriété des moyens de production revient à celui ou ceux qui s’y sont données ; et ce faisant ils affirment le droit de la collectivité, ici, à être propriétaires des moyens de production, quand celle-ci est collective. Car, finalement, le socialisme, ce n’est rien d’autre que « l’affirmation du droit de la collectivité » selon la formule de Lévy que M. Mauss semble apprécier [Id., p. 732 [20] ] : de ce point de vue, il ne vise qu’à « édifier une propriété nationale et des propriétés collectives par dessus, à côté et en dessous des autres formes de propriété » [Id., p. 265 [21] ].

Savoir lutter (avec les capitalistes)

Le socialisme que défend M. Mauss est un socialisme démocratique. Mais la manière dont M. Mauss conçoit qu’il participe à la démocratisation de la société a pu changer avec la place qu’il accorde au régime coopératif. Jeune, M. Mauss, à la terminologie très marxiste, considère que la démocratisation de la société passe par l’émancipation non seulement du prolétariat, mais de l’humanité toute entière, qui réclame elle-même l’abolition du capitalisme et du salariat, l’instauration de la propriété collective des moyens de production, bref la substitution du régime coopératif au régime compétitif. Le mouvement coopératif contribue à la démocratisation de la société en tant qu’il brise les chaînes qui attachent le prolétaire au capitaliste, en supprimant les classes sociales elles-mêmes. Après la révolution bolchevique, il n’est plus question de suppression du capitalisme, d’abolition du salariat et des classes sociales, et pourtant, son socialisme est toujours démocratique. Première interprétation : le sens qu’il accorde à la démocratie a changé, de même que sa compréhension de ses rapports avec le capitalisme, et de la contribution du mouvement coopératif à la démocratisation de la société. Sans doute, un peu. Mais il ne faut assurément pas marquer de rupture trop hâtive, qui verrait un jeune Mauss abonder dans la critique marxiste de la démocratie libérale pour se rallier après la révolution bolchevique, à un réformisme que ses détracteurs communistes qualifieraient de social-démocrate petit-bourgeois. Non pas tant parce qu’il serait resté marxiste, que parce qu’il ne l’a jamais été. D’ailleurs, M. Mauss dit explicitement dès 1899 que le sens qu’il accorde à la révolution n’est pas marxiste : pour lui la révolution qu’opère le socialisme est d’abord morale.

Si le socialisme est démocratique et s’il est d’abord une morale, c’est que pour M. Mauss il se caractérise par un ethos démocratique avant de s’exprimer sous la forme d’un arrangement institutionnel particulier. En quoi consiste cet ethos démocratique caractéristique de la morale socialiste ? En fait, on l’a déjà aperçu quand M. Mauss évoque les rapports que les coopératives entretiennent avec le patronat en distinguant la coopérative « véritablement socialiste » de la coopérative « jaune », ce « groupement formé par des ouvriers qui veulent l’entente et non la lutte avec (nous soulignons) le patronat » [Id., p. 143 [22] ]. On comprend que la coopérative véritablement socialiste n’est pas celle qui s’accorde avec le patronat au prix du renoncement à elle-même, au socialisme - la coopérative jaune -, ni celle qui s’engage dans une lutte contre lui, comme peuvent le faire peut-être certaines coopératives rouges, trop partisanes pour être véritablement socialistes, mais celle qui sait engager une lutte avec lui, autrement dit, qui témoigne d’une morale de la discorde sur le mode de la concorde (et réciproquement), à l’instar de celles qui s’associent avec des producteurs capitalistes pour finalement limiter leur appât du gain. Nous y voyons un ethos proprement démocratique. Il s’exprimera davantage à partir de 1920 dans sa critique du bolchevisme et des bolcheviks qu’il considère comme des adversaires à combattre plutôt que des ennemis à abattre ; c’est le même ethos qu’il louait quinze auparavant quand il voyait les coopératives lutter avec le patronat, et non contre lui.

Savoir sortir de soi

Avant la révolution bolchévique, M. Mauss, on l’a vu, considérait surtout les coopératives de consommation comme des écoles de solidarité contre le capitalisme pour contrer le penchant de plus en plus prégnant de ses contemporains à ne regarder qu’à leurs intérêts matériels. Après guerre, l’enjeu de l’éducation morale portée par les coopératives se déplace un peu. Le point crucial n’est plus tant celui du rapport entre la coopération et le capitalisme - même s’il n’est pas évacué -, que celui de son rapport avec la démocratie, qui n’était pas non plus complètement absent avant guerre.

L’orientation plus forte de sa défense des coopératives de consommation sur le terrain de la démocratie est en fait concomitante avec sa condamnation du bolchevisme, de ses infractions aux règles élémentaires de la démocratie. Les Bolcheviks promeuvent de leur côté la « coopérative unique », et M. Mauss semble éviter toutes les confusions possibles entre le projet coopératif qu’il défend et le mépris outrageant des Bolcheviks pour la démocratie. La « coopérative unique » des Bolcheviks inaugure une « société de consommateurs » ; elle est subordonnée à des fins politiques qui la dépasse, bureaucratique, toujours « en voie de réalisation » et coûteuse. Ce projet coopératif se distingue de celui porté par les coopératives autonomes qu’il encourage, qui sont le fait d’hommes et de femmes qui s’engagent pour prendre en main librement leur destin collectif, en répondant à des préoccupations concrètes, et chaque fois un peu différentes selon les contextes. En comparaison, les multiples associations de consommateurs apparaissent comme à elles-mêmes leurs propres fins, démocratiques, dans l’action et relativement efficaces. Elles inaugurent une « commune de consommateurs ». Ce projet coopératif là, démocratique, est socialiste ; le projet coopératif d’une « société de consommateurs » des Bolcheviks ne semble quant à lui qu’une modalité d’un genre nouveau d’exploitation, où les Soviets viennent en quelque sorte se substituer aux capitalistes : « Même dans ce régime communiste soi-disant absolu, observe-t-il, des ‘ suppléments ’ de prix, et des ‘ contributions ’ des consommateurs sont non seulement projetés, mais en voie d’être captés » [Id., pp. 329-331 [23] ].

« La coopération, écrit M. Mauss, est une association volontaire, libre, progressive, évoluant par elle-même dans un milieu hostile, mais s’y forgeant des armes, et s’y développant par sa propre organisation, son génie personnel. » [Id., p. 331 [24] ]. Le milieu hostile dans lequel elle se déploie, c’est toujours l’utilitarisme ambiant, qui conduit à se replier sur soi-même. Son génie personnel, c’est sa capacité à constituer dans cet environnement hostile des « réserves de sens antiutilitariste », qui encouragent les coopérateurs à sortir d’eux-mêmes, à s’ouvrir aux autres. C’est incontestablement selon M. Mauss l’un des aspects de la morale socialiste portée par les coopératives de consommation, ou encore les syndicats : de la même manière qu’il déplore que les coopératives de fonctionnaires soient « inutilement fermées et antidémocratiques » [Fournier, 1997, p. 229 [25] ], il considère que « tout ce qui renforce le syndicat [et la coopérative], et tout ce qui l’oblige à sortir de lui-même [à sortir d’elle-même], tout cela est éminemment socialiste, utile et sinon révolutionnaire du moins conduit à la révolution », c’est à dire, rappelons-le, à une révolution morale [Fournier, 1997, pp. 187-188 [26] ]. Plus les années passeront, plus il soutiendra le mouvement coopératif, et en particulier les coopératives de consommation en raison du fait qu’elles portent, avec les syndicats, mieux que toute autre forme de coopérative, une certaine morale qui invite à sortir de soi, une morale civique.

Souvenons-nous néanmoins que compte tenu de la visée qu’il donne au socialisme – « créer à l’individu une part plus fixe, plus grande, plus belle de la vie sociale, esthétique et intellectuelle, morale et matérielle », cette sortie de soi ne s’accommode certainement pas d’un oubli de soi, ni même de ses intérêts d’ailleurs : la coopérative est profitable à chaque coopérateur ne serait-ce que par les prix modérés qu’elle permet. Les coopératives de consommation sont une école d’un type de civisme bien particulier qui consiste à savoir sortir de soi tout en ne s’oubliant pas soi-même.

Savoir se faire marchand

Rappelons pour terminer que s’il encourage le mouvement coopératif en tant qu’il est porteur d’une morale proprement socialiste, M. Mauss considère très tôt que l’économie socialiste ne saurait se réduire à une économie entièrement gouvernée par une multitude de coopératives autonomes. « L’état d’esprit » socialiste tel qu’il le conçoit faisant toute sa place à l’individu, à l’intérêt, à la propriété individuelle notamment, M. Mauss en vient très rapidement à concevoir que le marché n’a pas moins sa place dans l’économie socialiste que les coopératives et l’Etat. « J’ai abandonné depuis fort longtemps, écrit-il en 1936, l’idée que, à lui seul, [le mouvement coopératif] puisse constituer un régime économique complet (…). Une société (…) est un complexe d’économies souvent opposées et l’économie coopérative n’en est qu’une. Je suis donc revenu tout de suite de certaines idées que j’avais soutenues à mon entrée dans le mouvement (1890-1900) et je cesse depuis longtemps de croire qu’il peut-être un régime totalitaire, ni que dans aucun cas la république coopérative à base de consommation puisse jamais englober tout le système économique de nations du type des nôtres » [Fournier, 1997, p. 759 [27] ]. Il ne peut pas être plus claire que dans son Appréciation sociologique du bolchévisme (1920) : « Il faut le constater, dût ceci désespérer non seulement les socialistes doctrinaires, les communistes ou des économistes distingués comme M. Thornstein Veblen, les Soviets n’ont pas pu ‘s’évader du système des prix’. Il n’est donc pas sûr qu’aucune société connue soit équipée pour s’envoler vers d’autres sphères. Momentanément et autant qu’on peut prévoir, c’est dans l’organisation [la régulation dirions-nous aujourd’hui, S.D.] et non dans la suppression du marché qu’il faut que le socialisme – le communisme – cherche sa voie » [Fournier, 1997, pp. 541-542 [28] ].

En fait, nous espérons avoir fait apparaître que la place qu’il accorde désormais au marché constitue non pas une rupture avec ses écrits antérieurs, mais plutôt l’aboutissement normal de sa définition même de l’état d’esprit socialiste, qu’il voit certes porté par les coopératives. Il n’y a là aucune contradiction : le mouvement coopératif est simplement porteur d’une morale qui fait toute sa place aux autres principes d’organisation de la société que sont le marché et l’Etat. Cette morale n’appelle qu’à la modération des intérêts individuels qui se déploient sur le marché, et du penchant consécutif de l’Etat à vouloir les faire tenir ensemble sous le régime de la contrainte. Au-delà de la diversité des dispositifs possibles pour y parvenir, l’essentiel semble donc résider dans leur capacité à contenir cette manière de voir, de penser et d’agir sous l’angle de l’intérêt (et de la contrainte qui l’accompagne à terme). Mais en aucun cas, M. Mauss souhaite voir s’édifier une société qui ne ferait aucune place au marché et à l’accumulation des profits, pour la simple et bonne raison qu’il pense qu’« il n’y a pas de sociétés exclusivement capitalistes, et [qu’]il n’y en aura sans doute pas de purement socialistes […]. Il n’y a que des sociétés qui ont un régime ou plutôt – ce qui est encore plus compliqué – des systèmes de régime, plus ou moins caractérisés, régimes et systèmes de régimes d’économie, d’organisation politique ; elles ont des mœurs et des mentalités qu’on peut plus ou moins arbitrairement définir par la prédominance de tel ou tel de ces systèmes ou de ces institutions. C’est tout. » [Id., p. 565 [29] ].

Résumons. À la lecture des écrits politiques de M. Mauss, il apparaît qu’il soutient les coopératives – de consommation plus que de production – en raison de l’état d’esprit dont elles sont porteuses, qui lui semble pouvoir contrebalancer la morale utilitariste qui est celle massivement de ses contemporains, qu’il voit sans doute à la suite de son oncle lourde de menaces pour la cohésion de la société et pour la démocratie, l’Etat devant recourir toujours davantage à la contrainte pour faire tenir ensemble des individus de plus en plus repliés sur eu-mêmes, se préoccupant toujours davantage de leurs intérêts privés. Cet état d’esprit socialiste – qui ne se rencontre pas dans toutes les coopératives, même si elles lui semblent le mieux le porter - n’est pas le contraire de l’utilitarisme, puisque le sens de l’individu – de la personne -, de l’intérêt, de la propriété individuelle, de la rivalité, de soi, et du commerce, porté par l’utilitarisme, y a toute sa place. Simplement, ils ne s’y manifestent pas de la même manière : l’épanouissement personnel procède de la solidarité ; l’intérêt est contenu ; le sens de ce qui est à soi rencontre le sens de ce qui est commun (le droit de la collectivité est affirmé à côté, en-dessous et au-dessus dirait M. Mauss du droit de l’individu) ; on sait lutter avec les adversaires capitalistes, jusqu’à s’associer avec eux parfois, quand d’autres les massacrent ; l’égotisme de chaque coopérateur a le sens de l’autre ; le tout, en sachant même se faire marchand. Cette morale, c’est la morale du don, telle qu’elle se dessine dans l’Essai sur le don ; morale qu’un écrit politique de M. Mauss nous invite à voir placée sous le signe du juste milieu et de la prudence.

Ethique du mouvement coopératif et morale du don

Dans un article intitulé « la crise commerciale et les coopératives », paru dans L’Action socialiste le 25 juin 1921, alors que l’Essai était sans doute en cours de rédaction, au moins au stade d’ébauche, M. Mauss écrit : « Les coopératives ne peuvent s’amuser à imiter les divers offices de ravitaillement, municipaux, nationaux, qui peuvent supporter les pertes aux frais du public. Tandis qu’au contraire, si les coopératives déchaînaient des baisses inconsidérées, elles le feraient à leurs frais au profit du public. Là comme en tout, précise M. Mauss, la vérité est dans la prudence et le juste milieu » [30]. En fait, la morale du don telle qu’elle se dégage de l’Essai ne se comprend véritablement qu’à bien saisir qu’elle est une morale du juste milieu et de la prudence qui nous rappelle Aristote et son Ethique à Nicomaque auquel M. Mauss renvoie d’ailleurs à plusieurs reprises dans son Essai.

Le juste milieu

M. Mauss voit dans les tribus qui s’allient durablement par le don, des hommes (et des femmes) qui savent se faire généreux, ni dans l’excès, ni par défaut, à la manière du magnanime aristotélicien qui sait donner comme il convient. Certes, nous avons tendance à voir dans le potlatch de l’excès : excès dans la dépense, excès dans l’ostentation, excès dans la rivalité etc.… Mais, dans la mesure où ces alliances prennent, il semble bien qu’il faille voir avec M. Mauss dans ces potlatch le juste milieu des Kwakiutl. D’ailleurs, c’est bien la conclusion qu’en tire M. Mauss : « L’excès de générosité et le communisme […] seraient […] nuisibles à l’individu et seraient aussi nuisibles à la société que l’égoïsme de nos contemporains et l’individualisme de nos lois » [Mauss, ED, 1995, p. 263]. Pour s’allier par le don, il faut savoir donner plus qu’on a reçu, mais ni trop, ni trop peu. Les sauvages y parviennent parfois très bien. C’est d’ailleurs ce qui fait leur « grandeur », leur « noblesse » dit M. Mauss. La solidarité des coopérateurs caractéristique de l’état d’esprit socialiste selon M. Mauss trouve bien sûr son principe dans le don.

Quand ils s’allient par le don, les sauvages ne se font ni accumulateurs, ni gaspilleurs. Ils ne donnent pas en vue d’un retour plus grand, même s’il l’est bien souvent. D’ailleurs, pour signifier que ce n’est pas l’accumulation qui compte, ils vont parfois jusqu’à détruire leurs propres richesses, tombant alors sans doute dans l’excès. Ils ne donnent pas non plus en gaspillant leurs richesses : ce serait se mettre en situation de ne plus pouvoir donner et se faire grands. En fait, s’ils savent dans la durée s’allier par le don, c’est qu’ils savent thésauriser pour dépenser. C’est aussi un élément de leur sagesse : savoir thésauriser pour dépenser [Ibid., p. 271], ni trop, ni trop peu ; savoir ne pas sacrifier ses richesses, pour les faire circuler. Elément d’une sagesse que l’on retrouve chez les coopérateurs qui, à leur manière, savent aussi contenir leurs intérêts, se faire accumulateurs, on l’a vu, en vue de la dépense (sous la forme d’une réduction des prix pour tous, ou d’actions sociales).

Si les hommes premiers se font autant donateurs, c’est parce qu’ils ne se croient pas quittes en rendant après avoir reçu, ni propriétaires exclusifs des biens reçus. M. Mauss rapporte ainsi que le Trobriandais qui reçoit un canot – un bien des plus précieux – ne se sent pas quitte par le versement à celui qui l’a fabriqué d’un « salaire », qui symbolise aussi la reconnaissance du canot donné, et la promesse d’un don futur plus grand encore. Il ne se considère pas quitte, parce qu’au fond, il sait bien qu’il entre dans ce canot une partie de celui qui l’a fabriqué - qui s’est donné - que le versement d’aucun bien, fût-il précieux, ne pourrait acheter. Et si chacun se sent l’obligation de faire circuler les biens précieux inaliénables qui symbolisent la tribu tout entière – comme les cuivres kwakiutls -, si personne ne s’en considère le propriétaire exclusif, c’est bien aussi parce qu’ils croient qu’il y entre une partie de ceux entre les mains desquels ils sont passés, qui les ont eux-mêmes donnés, reçus et rendus. Dans le don, le sens de la propriété privée rencontre le sens de ce qui est commun, tout comme chez les coopérateurs.

Par ailleurs, les alliances des « sauvages » avec leurs adversaires procèdent de dons agonistiques. En fait, ils jouent « guerre contre guerre », « guerre de sang contre guerre de richesses » pour employer le langage des Kwakiutls : pour conjurer la guerre sur le mode du prendre, ils rivalisent sur le mode du donner. Les potlatch lors desquels les adversaires s’allient sont des « luttes de générosité » comme les appelle M. Mauss. Les sauvages parviennent à s’allier durablement par le don, parce qu’ils savent en ces occasions s’opposer ni trop, ni trop peu, « s’opposer sans se massacrer » [Ibid. p. 278]. C’est cet élément de leur sagesse qui témoigne d’un ethos démocratique, d’une morale de la concorde sur le mode de la discorde, et réciproquement. Ethos que manifestent les coopérateurs dans leur lutte avec leurs adversaires capitalistes.

Les sauvages savent encore en même temps se donner, ni trop, ni trop peu, c’est à dire manifester un sens aigu des autres, les reconnaître dans leur singularité par leurs dons, sans toutefois s’oublier eux-mêmes, sans oublier leur propre singularité. « Qu’on adopte donc comme principe de notre vie ce qui a toujours été un principe et le sera toujours, écrit M. Mauss dans son Essai : sortir de soi, donner librement et obligatoirement ; on ne risque pas de se tromper » [Ibid., p. 265]. Tout ce qui oblige le syndicat à sortir de lui-même est socialiste écrivait M. Mauss quelques années auparavant… Mais le don est encore égotiste comme le dit M. Mauss. La lutte de générosité n’a de sens qu’à en sortir grandi. Mais d’une grandeur qui ne se conquiert que dans la possibilité laissée à l’autre de donner à son tour, de se montrer plus grand qu’on ne s’était soi-même montré. C’est là aussi que se manifeste le sens de l’autre, l’esprit civique des sauvages : non pas seulement dans l’attention signifiée à l’autre par le don qu’on lui fait, mais dans la liberté qui lui est reconnue et laissée de donner, et dans le refus de l’asservir. M. Mauss nous rapporte ainsi que « l’étiquette et la morale veulent que [chez les Tlinglit] le gagnant [au potlatch] laisse la liberté au perdant, à sa femme, et à ses enfants » [Ibid., p. 201, nbp. n°4], la liberté, notamment, de se faire donateur, plus tard, en une autre occasion. De la même manière que le don est égotiste, la sortie de soi n’est véritablement socialiste que lorsqu’elle n’est pas oublieuse de soi puisque c’est à « créer à l’individu une part plus fixe, plus grande, plus belle de la vie sociale » qu’œuvre le socialisme selon M. Mauss, comme nous l’avons déjà vu. « Il ne faut pas souhaiter que le citoyen soit trop bon et trop subjectif, ni trop insensible et trop réaliste écrit M. Mauss dans son Essai. Il faut qu’il ait un sens aigu de lui-même mais aussi des autres » [Ibid., p. 263].

Enfin, seulement après s’être alliés par le don, après avoir « posé les lances » comme le dit M. Mauss, après avoir éprouvé leur confiance, après s’être signifiés que leur relation n’est pas placée sous le signe exclusif de l’accumulation et de l’intérêt, après s’être mesurés à leur capacité à donner, recevoir et rendre, à leur générosité, les sauvages peuvent commercer entre eux. Et ils ne s’en privent pas. Et il est bon qu’il en soi ainsi note M. Mauss [Ibid., p. 274]. Tout comme ne s’en privent pas les coopérateurs. Et il est bien qu’il en soit ainsi.

Prudence

Avec l’Essai sur le don, « l’esprit socialiste » porté par les coopératives se précise donc, c’est « l’esprit du don » (autrement dit, dans le don, le juste milieu est à gauche…). Il se précise d’ailleurs à ce point que M. Mauss en envisage clairement les dangers. En effet, parfois, le don dérape … L’Essai fourmille d’ailleurs de ces dérapages, qui peuvent être sanglants. Cela tient au fait que le juste milieu ne se calcule pas. Tout est affaire de dosage, de rythme, de circonstances, d’empathie, de personnes, « d’étiquette » dit M. Mauss, d’appréciations, ce qui relève du juste milieu pour l’un pouvant être perçu comme de l’excès ou du défaut pour l’autre. Si bien que la relation peut vite dégénérer. À se montrer trop ou trop peu généreux, fastueux ou mesquin dit Aristote, la relation risque fort de se dégrader. L’excès ou le défaut sont susceptibles de blesser le donataire pour de multiples raisons. Par exemple, l’excès peut écraser le donataire qui pourra ne pas le pardonner au donateur, et le défaut être reçu comme du mépris et le signe d’une piètre amitié. Ici, aux dons de bienfaits, pour parler comme Sénèque, risquent de succéder des dons de méfaits. À trop dépenser, c’est la capacité même de donner que l’on compromet ; à trop garder, ce sont les opportunités de donner, de recevoir et de rendre que l’on épuise. À se croire quitte du bien reçu par un bien rendu, à réduire à un acte d’achat et de vente ce qui n’en relève pas, on risque fort de perdre ce qui nous est donné, voire même de se le voir reprendre ; à se croire seul propriétaire d’un bien que l’on a reçu, même partiellement, on s’expose à se voir rappeler violemment que d’autres s’y sont donnés. À trop rivaliser, même de générosité, on s’expose à la violence, et à la guerre sanglante parfois, à l’explosion ; à trop peu s’opposer, on risque la fusion puis l’exacerbation des singularités et à terme l’implosion. À donner trop avec le souci de soi et pas assez avec le souci de l’autre, ou réciproquement, c’est l’autre et soi-même que l’on menace dans son identité, et finalement, la relation elle-même. À trop peu faire le pari du don, on s’expose à la monstruosité sociologique dont parlait Durkheim : une société d’individus atomisés toujours davantage enserrés par un Etat coercitif ; à trop faire le pari du don, on s’interdit les réducteurs d’ambivalence [31] que sont le marché et la redistribution étatique. Bref, le don est ambivalent, et pour cette raison, dangereux, même s’il reste irrépressiblement désiré et désirable pour lui-même. Cette ambivalence invite à la prudence, à se tenir en éveil des dérapages toujours possibles, afin de tenter de les éviter ou de « rectifier le tir » si besoin.

Voilà donc dressés quelques éléments de la morale du don telle qu’elle se dégage de l’Essai, relu sous les lunettes de l’un des écrits politiques de M. Mauss sur les coopératives. Morale du juste milieu et de la prudence qui nous humanise au sens où, inscrite dans le rapport social qui transforme nos ennemis en amis, elle réalise par excellence notre condition humaine d’animal politique. Morale par conséquent éternelle, même si elle est portée selon M. Mauss de manière singulière par les coopératives de consommation au début du XXe siècle dans la vieille Europe.

Au fond, M. Mauss, socialiste et viscéralement démocrate, fait le pari du mouvement coopératif parce qu’il lui semble à même de constituer l’un des remparts aux maux que rencontre notre démocratie. C’est en renouant avec la morale du don dont il est porteur que ses contemporains pourront modérer cette autre morale qui consiste à « voir, penser et agir sous le seul angle de l’intérêt » qui atomise la société, et réclame un Etat toujours plus coercitif et menaçant pour la démocratie. Il s’agit bien là d’un pari : le « pari » du don, tel que l’évoque M. Mauss ; le pari en fait de la liberté, de l’auto-générativité du don.

La dimension éthique du mouvement coopératif se laisse-t-elle gérer ?

Tirons-en quelques conclusions sur le sens de la gestion de la dimension éthique du mouvement coopératif. Supposons avec M. Mauss que cette dimension éthique réside bien dans cette « manière de voir, de penser et d’agir » sous l’angle du don. Que devient cet « état d’esprit » à vouloir le gérer ?

Les coopérateurs, comme les bénévoles, sont parfois ingérables, c’est bien connu. Certes, ils donnent de leur temps, au-delà de ce qui est convenu contractuellement pour les coopérateurs, et pour cette raison ils sont au moins doublement précieux. Ils apportent ainsi à la coopérative d’une part un supplément d’âme, et d’autre part, ce qui n’est pas négligeable, du travail gratuit. Mais c’est dans ces moments de gratuité surtout, et qui colorient au fond tous leurs actes, que les coopérateurs deviennent vite ingérables, débordant d’énergie, d’initiatives, d’idées bien difficiles à canaliser, au risque d’être improductives, directement ou indirectement en raison des tensions qu’un tel enthousiasme suscite. Et c’est bien parce qu’ils sont ingérables que l’on se pose la question de leur gestion. Le problème, c’est qu’à ne pas recevoir cette dépense d’énergie comme elle arrive, i.e. comme un don, à vouloir la canaliser pour réduire ses néfastes effets, on risque fort de ne plus rien avoir à gérer, de tuer la poule aux œufs d’or. Demander à un coopérateur ou à un bénévole de calmer ses ardeurs, c’est en effet refuser de recevoir ce qu’il donne, comme il le donne, et s’exposer au risque qu’il ne donne plus. Sans doute vaut-il mieux considérer la dimension éthique de l’action coopérative comme ingérable si l’on veut encore avoir quelque chose à gérer …

Mais en deçà, se poser la question de la gestion de la dimension éthique du mouvement coopératif ne revient-il pas à poser sur lui le regard dont il s’agit justement de se déprendre un peu : celui qui consiste à voir les choses sous l’angle de l’intérêt, ou ce qui revient au-même de l’efficience ? Ou encore : une bonne gestion de la dimension éthique du mouvement coopératif, qui ferait en quelque sorte la promotion de la manière de voir et d’agir dont il est porteur, ne commencerait-elle pas en appréhendant le coopérativisme sous l’angle du don ?

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// Article publié le 11 novembre 2007 Pour citer cet article : Sylvain Dzimira , « Marcel Mauss, le mouvement coopératif et l’esprit du don », Revue du MAUSS permanente, 11 novembre 2007 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Marcel-Mauss-le-mouvement
Notes

[1On peut lire notamment : La démission des clercs. Les sciences sociales et l’oubli du politique, la Découverte, 1993, et un bon nombre des ouvrages qui apparaissent dans notre bibliographie. Pour plus de précisions sur le MAUSS et sa revue, on peut consulter son site (qui offre des textes en libre accès en ligne) : www.revuedumauss.com.

[2Mauss a rédigé une série d’articles sur la violence dont un qui vise explicitement Sorel : « Fascisme et bolchevisme. Réflexions sur la violence », paru dans La Vie socialiste le 3 février 1923.

[3Mauss, « L’Action socialiste », Le Mouvement socialiste, 15 octobre 1899, pp. 449-462.

[4Mauss, « Lettre de Province. Propagande coopérative », L’Action socialiste, 18 septembre 1920, p. 2.

[5Le capitalisme ne se réduit assurément pas à sa dimension économique pour Mauss, malgré sa terminologie très marxiste. D’ailleurs, il critique explicitement la lecture économiciste que font les marxistes de Marx, leur penchant à faire de l’économie à la fois la source de tous les maux et leur remède une fois remaniée.

[6Texte manuscrit« signé Criton (version non définitive). Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France, »Les jeunes gens d’aujourd’hui".

[7Mauss, « L’Action socialiste », Le Mouvement socialiste, 15 octobre 1899, pp. 449-462.

[8Mauss, « A propos de la guerre du Transvaal », Le Mouvement socialiste, 15 février 1902, pp. 289-296.

[9Mauss, « La coopération socialiste », L’Humanité, 3 août 1904, p. 1.

[10Mauss, « La coopération socialiste », L’Humanité, 3 août 1904, p. 1.

[11Le socialisme que Mauss défend est « humanitaire » comme il le dit lui-même ; « humaniste » dirions-nous plutôt aujourd’hui [Mauss, « A propos de la guerre du Transvaal », Le Mouvement socialiste, 15 février 1902, pp. 289-296, in Fournier, 1997, p. 81].

[12Mauss, « Mouvement coopératif. Au congrès de Budapest », L’Humanité, 4 octobre 1904, p. 3.

[13Mauss, « La Fédération nationale des coopératives de consommation, un triomphe coopératif », L’Action coopérative, 10 juillet 1920, p.1.

[14Mauss, « Note préliminaire sur le mouvement coopératif et spécialement sur le mouvement coopératif de consommation, plus spécialement sur le mouvement coopératif français », texte dactylographié, s.d. [1936], Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France.

[15Mauss, ibid. Mauss avait-il raison de voir les coopératives de consommation mieux porter que d’autres organisations cet état d’esprit socialiste ? Relevons simplement que Weber aurait sans doute été plus sceptique. En 1918, dans une communication sur le socialisme prononcé à Vienne en 1918 devant les officiers autrichiens, il relève en effet qu’ « il est extrêmement difficile de rassembler des gens qui n’ont rien d’autre en commun que leur désir de faire des courses ou d’assurer leur approvisionnement, la situation même de l’acheteur s’opposant en tout point à la socialisation » [Weber, 2004, p. 473].

[16Mauss, « Les idées socialistes. Le principe de nationalisation ». Chapitre inédit de l’ouvrage sur la nation (Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France, 1920 ?).

[17Mauss, Id.

[18Mauss, Id.

[19Mauss, Id.

[20Mauss, « Emmanuel Lévy, juriste, socialiste et sociologue », La Vie socialiste, 13 novembre 1926, pp. 4-6.

[21Mauss, Id.

[22Mauss, « La coopération socialiste », L’Humanité, 3 août 1904, p. 1.

[23Mauss, « Société de consommateurs ou commune de consommateurs ? Remarques », L’Avenir, n°52-53, août 1920, pp. 403-405. Les remarques présentées par Fournier font suite au texte de Ferdinand Tönnies « Konsomgenossenschaftliche Bundschau », que Mauss a traduit de l’allemand.

[24Mauss, « Société de consommateurs ou commun de consommateurs ? Remarques », L’Avenir, n°52-53, août 1920, pp. 403-405.

[25Mauss, « Les commerçants prétendent interdire aux fonctionnaires d’entrer dans les coopératives », L’Humanité, 1er avril 1914, p. 6.

[26Mauss, « L’Action directe », texte manuscrit s.d. [1910], Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France.

[27Mauss, « Note préliminaire sur le mouvement coopératif et spécialement sur le mouvement coopératif de consommation, plus spécialement sur le mouvement coopératif français », texte dactylographié, s.d. [1936], Fonds Hubert-Mauss, Archives du Collège de France.

[28Mauss, Id.

[29Mauss, « Appréciation sociologique du bolchevisme », Revue de métaphysique et de morale, 31e année, n°1, 1924, pp. 103-132.

[30In Fournier, 1997, p. 424.

[31C’est Alain Caillé qui nous les a ainsi présentés au fil d’une discussion.

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