Présentation

Philippe Chanial est décédé le 11 décembre 2024 à Caen. Il nous a quitté soudainement. Personne n’y était préparé. De ceux qui l’ont connu, personne ne s’en remet vraiment.

Il est difficile de rendre hommage à Philippe, parce ce que rendre hommage, c’est toujours signifier un échec, jouer de la parole quand les actes sont devenus vains, parler de quelqu’un alors qu’on ne voudrait qu’une chose : lui parler... Et puis rendre hommage pourrait consister à s’acquitter d’une dette, à solder les comptes pour passer à autre chose. Or, mieux que quiconque, Philippe savait que l’obligation de rendre est d’abord obligation de donner à son tour. Que faire quand le donateur n’est plus ? Perpétuer son œuvre, faire fructifier son legs ? Bien sûr, mais quelque chose d’irremplaçable se perd : les œuvres à venir, les idées surprenantes, les rencontres inattendues. Rien ne remplacera cela. Avec Philippe, homme de désirs et de projets, ce c’est pas seulement quelque chose qui meurt, mais beaucoup de choses qui ne verront pas le jour.

Il y a bien sûr toute l’œuvre accomplie : les livres, les articles, les numéros de revue, etc. La carrière académique aussi. Mais l’œuvre la plus essentielle de Philippe est invisible. Il est des auteurs qui publient tout ce qu’ils pensent, et qui usent des idées des autres pour servir leur nom. Philippe était tout l’inverse. Dans ses ouvrages et articles, sa pensée se dessinait d’abord par le commentaire et la référence. Cela n’empêche pas une pensée originale qui se sait redevable sans jamais s’emprisonner. Surtout, le plus clair de son activité (d’enseignant, de directeur de revue et de collection, de traducteur, de conférencier) consistait à accompagner la pensée des autres. Ainsi, la Revue du MAUSS comporte des centaines d’articles qui ont bénéficié de sa patte, de ses corrections amicales, mises au service de l’auteur. Le plaisir de penser et de donner à penser primait sur tout. Cela vaut aussi bien pour la vie intellectuelle que pour les relations amicales.

Ce qui, enfin, rend l’hommage impossible et un peu vain, c’est qu’à choisir un trait de caractère ou un autre, ce serait perdre tout le reste. Tous ceux qui l’ont un peu connu – et il suffisait de le fréquenter quelques heures – ont trouvé une attention qui n’était pas feinte, un souci de l’autre, dans sa singularité. Chacun a pu en saisir, sans l’attraper, une lumière originale, et à chaque fois particulière.

Faute de pouvoir retenir l’homme, autant laisser se multiplier les perspectives, les modalités de relation qu’il a su ouvrir et qui retentissent encore. Raison pour laquelle nous avons recueilli tous ces témoignages, qui dressent, sans se concerter et par esquisses, un portrait unique. (FR)

// Article publié le 1er janvier 2025 Pour citer cet article : , « Présentation  », Revue du MAUSS permanente, 1er janvier 2025 [en ligne].
https://www.journaldumauss.net/./?In-Memoriam-Philippe-Chanial-1967-2024
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