Donner, recevoir et rendre dans la connaissance scientifique

Donner recevoir rendre peut être au coeur du lien social dans un domaine inhabituel comme celui de la construction de la connaissance scientifique. Il faut pour y parvenir traduire cette construction en termes d’élaboration de cycles sociocognitifs au sein desquels la circulation d’une énergie peut être envisageable. L’invention, à partir d’une relation fusionnelle (être en conscience tous les « petits laboratoires » du monde possibles), est alors considérée comme produisant un acteur externe qui, à travers le nouveau circuit relationnel établi, définit les limites du sujet (ce à quoi son « petit laboratoire » associé lui donne accès). La conscience de soi, ainsi liée à la connaissance scientifique, est issue d’une inversion de sens d’un réseau relationnel (émergence d’une externalisation centrifuge) construisant une frontière qui sera constamment éprouvée lors des échanges. Le problème est que, culturellement, la science est réduite à l’application aveugle des lois de la nature. La prise en compte du donner recevoir rendre permettrait au contraire de donner toute son énergie à l’enseignement et à la pratique du soin. Elle suggère une nouvelle approche de l’autisme, une nouvelle famille de lois statistiques, une sortie possible du dualisme entre culture scientifique et culture religieuse.
Jean-Pierre Courtial est professeur émérite, université de Nantes.
jean-pierre.courtial2@wanadoo.fr

Donner recevoir rendre (Mauss, 1950) peut être au coeur du lien social dans un domaine inhabituel comme celui de la construction de la connaissance scientifique, non pas seulement au niveau des échanges interpersonnels entre chercheurs mais au niveau culturel collectif. Il faut pour y parvenir traduire cette construction en termes d’élaboration de cycles sociocognitifs au sein desquels la circulation d’une énergie peut être envisageable

Le processus inventif du chercheur isolé

La théorie de la relativité, à commencer par la relativité restreinte, va disqualifier les notions d’espace et de temps absolus issus de la physique newtonienne. Les lois de la nature ne seront plus des lois externes à l’homme comme une loi de Dieu se déroulant sur une sorte de scène de théâtre. Elles vont être relatives à une conscience universelle de chacun quelle que soit sa place dans l’univers.

Einstein a en effet fait l’hypothèse que la lumière se déplaçait à vitesse constante, quelle que soit la vitesse de la source et quelle que soit la vitesse du corps à sa rencontre. Adolescent, s’imaginant simple conscience sur un rayon lumineux, ne pouvant être atteint par aucun signal lumineux venu d’une horloge, il s’imaginait potentiellement immortel. De même que tout mouvement est relatif et qu’il est impossible de savoir à quelle vitesse on se déplace dans l’absolu dans un corps donné, Einstein a considéré que, au-delà des lois de la mécanique, les lois de l’électrodynamique ne pouvaient nous renseigner en rien sur nos déplacements éventuels. Par contre les lois de la nature devaient être les mêmes du point de vue de tout corps assimilé à un « petit laboratoire », quel que soit son déplacement, aussi petit soit-il. Une particule très petite se déplaçant à grande vitesse nommée muon possède une « vie propre », un « temps propre » différent du temps universel.

Dans le cadre de la théorie de la relativité générale cette fois, considérant que le ressenti issu de la gravitation ou d’une accélération est indiscernable, il assimilera l’une à l’autre, une force à un mouvement. D’où il en résultera qu’un rayon lumineux ne peut être que courbé par la gravitation puisqu’il se courbe s’il se projette à travers une fenêtre sur les parois d’un ascenseur en mouvement !

Pour résumer, l’inventeur externalise, en physique, une relation nouvelle à la nature (et, en sciences humaines, aux autres). La science c’est toujours une relation entre un appareil de mesure construit par l’homme et la nature ou un observateur et la nature, une relation. Ce n’est pas la description d’une réalité préexistante. Cette externalisation suppose un déplacement relativement à la conscience que l’inventeur a d’une situation, puis un retour cohérent avec cette externalisation des réponses de la nature à travers un nouveau cycle de connaissance établi (par exemple les lois de la relativité). C’est le processus créateur, irréductible à la sociologie courante, celle de la stabilité. Il y a donc bien une économie émotionnelle liée au processus inventif, une sorte de cycle donner recevoir rendre. A l’occasion de ce processus, Einstein disait ressentir une période de trouble psychologique.

A propos de l’invention de la relativité, S. Moscovici, dans sa préface du livre de L. Feuer (1974), parle de « phénomène social total au sens de Mauss ». L. Feuer parle de « lignes iso-émotionnelles », d’isomorphèmes, pour décrire la communauté émotionnelle de l’entourage d’Einstein à Zürich ou de ses contemporains. L. Feuer cite l’économiste Thorstein Veblen affirmant, pour relativiser l’économie à la façon d’Einstein, qu’il y aurait autant de lois économiques que de systèmes sociaux.

Toute découverte représente un renoncement pour la génération précédente et une aventure pour la génération à venir (il faut parfois qu’un changement de génération survienne pour qu’un nouveau paradigme soit vraiment intégré au corpus des connaissances).

Du point de vue du processus iso-émotionnel, les mots jouent un rôle essentiel. Le processus inventif met en lumière un usage peu connu des mots. Les mots y couplent les comportements au-delà de la relation signifiant signifié, au-delà de la sémantique [1]. Ils fonctionnent en dehors de toutes les règles du langage par les seules structures associatives qu’ils ouvrent entre images, objets, autres mots. Le processus inventif illustre le processus par lequel des mots permettent de s’extraire d’un réseau culturel pour lui substituer un réseau plus large. Les mots peuvent baliser des relations qui expriment d’abord des images et que l’inventeur devra insérer dans une structure syntaxique à même d’identifier un nouveau réel [2].

Nous avons vérifié statistiquement cette dynamique des mots comme acteurs sous-tendant le processus inventif au sein de réseaux associatifs. Cela suggère alors un modèle quantitatif pour la relation donner recevoir rendre inscrite dans la culture.

Construction collective des connaissances

La sociologie des sciences a montré comment la construction collective des connaissances scientifiques passait par des réseaux relationnels dont témoignent les mots utilisés par les chercheurs (Akrich, Callon et Latour, 2006, Courtial, 1994). Un concept nouveau, avant de faire l’objet d’une définition précise, est d’abord un acteur réseau lieu de rupture avec un ancien mode de pensée au profit d’un autre qui reste à définir. La sociologie des sciences l’appelle acteur réseau parce qu’il ne fonctionne qu’à travers ce qu’il associe, de façon sociocognitive en dehors de la cohérence logique qui caractérise la science achevée.

Une mise en équation de la relation donner recevoir rendre inscrite dans la culture

Des analyses statistiques pratiquées sur les mots clefs des articles scientifiques recensés dans les bases de données ont confirmé cette analyse dans le cadre d’une discipline nommée scientométrie (Courtial, 1992). Par exemple (Courtial, 1986), dans les années 1970, l’acteur réseau fibres alimentaires permettait de dissocier du foie le réseau cognitif attaché à l’époque au cholestérol pour le rattacher au réseau de l’intestin. Au niveau de l’intestin, les fibres réabsorberaient le cholestérol, ce qui était une vision entièrement nouvelle du circuit du cholestérol. L’acteur réseau fibres alimentaires, lorsqu’il correspond à de la science achevée, lorsque l’hypothèse qu’il représente est confirmée en ayant fait l’objet de précisions, est une structure à la fois inductive (l’expert est amené à raisonner en termes de fibres) et déductive (les fibres confirment les propriétés qu’on leur attribuait), convergente et divergente. Liens centripètes et centrifuges sont en équilibre (le calcul le montre), au-delà des structures associatives en espace incertain, un concept sous-tendant ce qui est pris pour une nouvelle réalité est né. Un cycle donner recevoir rendre établi collectivement existe. Le calcul statistique permet comme une mise en équation de la relation donner recevoir rendre dès lors qu’elle s’inscrit dans la culture (ici la culture scientifique).

D’un point de vue technique, la construction des connaissances scientifiques présente plus précisément une structure fractale. Par exemple, dans le cadre des recherches sur l’autisme, l’acteur réseau théorie de l’esprit – pas le concept décrit dans les manuels correspondant à la science achevée – est une tentative d’agréger dans une forme unique des structures relationnelles observées à des niveaux expérimentaux très variables : 1/ non prise en compte de la direction des yeux comme indiquant une intention ; 2/ non prise en compte de l’expression faciale ; 3/ non représentation des croyances de l’autre (Courtial et Gourdon, 1997, 1999).

La structure peut même, dans une autre étape de construction des connaissances, être transfractale au sens où c’est l’environnement du concept qui contribuera à le définir (Bailon-Moreno et al., 2007). Ainsi l’idée de théorie de l’esprit s’est répandue dans de nombreux domaines des sciences humaines où les chercheurs ont considéré que l’absence de représentation de l’autre à propos de la violence urbaine pouvait être interprétée en termes de théorie de l’esprit à la façon d’un contour adapté pour accueillir une pièce dans un puzzle. C’est en général le lot commun des concepts nouveaux de fonctionner d’abord de façon centrifuge – le concept se propage - puis de façon centripète – le concept est convoqué de l’extérieur à partir d’une équivalence de contextes.

Pour conclure, les mots, pris dans le sens de l’inventivité, de la créativité qui constitue la matrice de leur émergence, expriment une dynamique relationnelle donner recevoir rendre entre ce que nous sommes et le monde.

L’économie psychique de l’inventeur ou la relation donner recevoir rendre

La science peut donc être interprétée comme construction de cycles permettant à l’homme d’interagir avec la nature en restant lui-même, en étant confirmé dans son identité ou en allant vers une identité nouvelle, une conscience nouvelle de lui-même [3]. C’est Freud qui accepte que son désir pour sa mère relève de la normalité. L’un des découvreurs du rôle des fibres alimentaires jette un regard nouveau sur son alimentation, joue un rôle dans la promotion des céréales au petit-déjeuner etc.

La conscience de soi est ainsi liée à la connaissance scientifique (Courtial, 2007, 2009, 2010, 2011a, Courtial et Bailon-Moreno, 2007). L’invention, à partir d’une relation fusionnelle (être en conscience tous les « petits laboratoires » possibles), produit un acteur externe qui, à travers le nouveau circuit relationnel établi, définit les limites du sujet (ce à quoi son « petit laboratoire » lui donne accès). La conscience de soi est issue d’une inversion de sens d’un réseau relationnel (émergence d’une externalisation centrifuge) qui construit une frontière constamment éprouvée lors des échanges. C’est comme une frontière dynamique. L’inventeur se déplace, renonce à la conscience qu’il a acquise du monde pour en créer une autre [4]. Le soi sociocognitif le plus stable est celui qui revient quelles que soient les limites du contexte, sa nouveauté, de même qu’une personne au soi stable n’est pas perdue dans un environnement totalement nouveau.

Le régime de présence à l’autre

La science construit donc des cycles qui s’inscrivent dans le différé dans le temps et dans l’espace. Les objets qu’elle construit, concepts scientifiques ou objets techniques, incorporent de façon centrifuge par rapport à l’inventeur des propriétés immuables.

Mais cet aspect de la science gomme ce que l’anthropologie symétrique (Latour, 1988) nomme le régime de présence, lorsque, au contraire, le temps est aboli, les liens centripètes prédominent créant des sujets [5]. C’est pourtant ce régime qui est à l’origine du processus inventif. C’est lui qui est riche en associations nouvelles, en relations potentielles donner recevoir rendre. La relation hypnotique est une illustration du régime de présence (Rossi, 2007, Courtial, 2011). C’est le régime de présence qui, à partir des connaissances et de la conscience de soi liées au différé, permet d’amplifier la connaissance scientifique en la contextualisant au coeur d’une relation nouvelle. Et cela, dans le cadre non seulement de la recherche, mais de l’enseignement et de la pratique de soins.

Nous connaissons tous les situations où il faut nous adapter aux autres. Il y a des personnes dont nous ressentons qu’elles nous consomment de l’énergie. A l’inverse il y a des personnes qui nous ressourcent, amplifient notre énergie. La relation donner recevoir rendre est au coeur de ces échanges. Le modèle en réseau de la relation entre conscience et connaissance le permet de quantifier ces échanges d’énergie.

La résonance la plus subtile est ainsi celle qui, entre deux personnes, associe le « donner » de l’une au « recevoir » de l’autre. A ce moment-là l’énergie qui circule fonctionne dans les deux sens, associe ce que les Chinois nomment le yin et le yang. C’est une relation pure qui serait ainsi au coeur de la santé, pas un fonctionnement intime relevant de l’autonomie, encore moins un déterminisme de type médical classique. Nous sommes au-delà de la logique causale du sujet isolé privilégiée par la science occidentale. Le mode de pensée oriental fait ainsi l’hypothèse que la santé dépend d’un équilibre au niveau d’un système corps esprit dit corps de souffle. Ce système est basé sur la relation. Il serait à l’origine d’une circulation d’énergie spécifique, le Qi. C’est à lui que l’acupuncture véritable est censée s’adresser lorsqu’elle considère qu’un organe malade est un organe détaché du soi (Greenwood, 2001).

Du point de vue de la science occidentale, la superposition des états est toujours possible, ce serait une propriété des connections synaptiques qui, selon Eccles (1992), obéiraient à la mécanique quantique. Ce serait l’origine du libre arbitre et l’une des clefs de la transcendance du fonctionnement du système corps esprit par rapport au déterminisme scientifique classique.

La relation mère enfant comme structure de couplage autour de connaissances nouvelles

Si l’on aborde donc la relation donner recevoir rendre comme construisant un cycle externalisé autour d’un centre pivot lié au langage, l’enfant construit par ce moyen sa frontière à partir d’une fusion biologique commencée avec la vie foetale. Sa frontière lui confère son autonomie non pas comme frontière étanche mais comme frontière constamment renouvelée à l’occasion des échanges entre intérieur et extérieur à la façon de l’autopoièse (Varela, 1989). Celle-ci, selon le principe de la clôture opérationnelle, considère que c’est le processus qui crée la structure en la maintenant. Le soi, loin d’être un état mental enregistré dans le cerveau, est ainsi une entité dynamique qui ne s’exprime que dans une relation.

Dans l’apprentissage de la différenciation entre les personnes, l’enfant apprend à renoncer à une partie de lui-même culturellement réservée à l’autre. C’est la dynamique des complémentaires et, selon le mode de pensée oriental, le fils qui fait le père etc. Cette construction suppose l’identification en conscience à l’autre et un jeu d’inhibitions dont le rôle a été souligné récemment en psychologie (Houdé, 2014).

Dans la relation mère enfant, le phénomène des neurones miroirs [6], représente une contagion potentielle des états moteurs aussi bien qu’émotionnels. La théorie des neurones miroirs nous apprend que pour percevoir ces états chez autrui, il faut que nous-même disposions du « même vocabulaire d’actes » ou soyons détendus, bref que nous laissions circuler l’énergie relationnelle. Si nous serrons les dents, le sourire d’un autre ne nous atteindra pas. La mère doit laisser l’enfant l’imiter pour qu’il puisse activer les neurones miroirs lui permettant d’entrer en relation avec elle et donc s’en différencier. La mère peut s’opposer à cette imitation en tant qu’elle transgresserait sa frontière. La relation donner recevoir rendre est ainsi étroitement liée au processus des neurones miroirs et l’identification à l’autre qu’elle permet ou pas.

Ce modèle de la construction de la conscience de soi par des cycles relationnels s’observe dans d’autres domaines de la psychologie. Du point de vue de la psychologie du développement, et notamment du point de vue du développement moral, L. Flier (1995) qui a caractérisé les étapes du développement de l’enfant en termes d’insertion d’une relation centrifuge dans un contexte centripète plus vaste, d’objectivation du contexte en quelque sorte. C’est ainsi que, par exemple, l’adolescent, après avoir acquis la notion piagétienne d’égalité des quantités, relativise les inégalités relationnelles selon qu’il s’agit ou non de rapports amoureux. Dans cet esprit, L. Flier a identifié en fin de vie, non pas une involution (décroissance des capacités) comme le suppose traditionnellement la psychologie, mais un cinquième stade dans la connaissance. Ce cinquième stade – après des stades où chaque stade contextualise (relativise) le précédent - serait le stade de l’accès au lien qui, selon lui, crée la vie, à savoir le lien où j’accepte d’être moi-même et un autre, moi-même qui m’en va et mes enfants qui me survivent, deux personnes à la fois.

Le donner recevoir rendre au niveau de la relation de soin

Sur le plan de la santé un regard nouveau peut être porté sur les pratiques médicales ou psychothérapeutiques. La science appliquée à la relation de soin gagne à être complétée par une relation donner recevoir rendre, au-delà de l’aspect purement technique. L’effet placebo en est sans doute l’illustration. Lorsque patient et thérapeute se rencontrent vraiment, ils créent de la culture, une culture salutogène.

Le médecin donne généralement par son geste de soin qui représente un travail, il peut aussi donner en s’infligeant l’administration d’un acte douloureux de même que le patient peut donner en acceptant l’intrusion du médecin ou en faisant du médecin un aidant. Ce que chacun donne (ce à quoi il s’adapte en « prenant sur lui » par une dépense d’énergie) ou reçoit (ce en quoi l’état naturel est amplifié exprimant une énergie reçue), ce avec quoi nous entrons en résonance en observant autrui dépend de la culture. Si nous voyons un médecin faire une piqûre à un enfant nous pouvons partager la souffrance de l’enfant, entrer en résonance avec cette souffrance ou entrer en résonance avec l’enfant protégé de la maladie. Tout va dépendre de ce que notre enculturation nous aura fait partager [7].

La résonance se fait ici, non de façon identitaire mais complémentaire entre le donner du patient (il accepte l’intrusion) et le recevoir du médecin (il reçoit la confiance du patient). Elle est représentée par un cycle effectuant une courbe en huit qu’on appelle généralement lemniscate (Courtial et Colliot, 2011). Une lemniscate symétrique existe du côté du médecin : ce qu’il donne est associé à ce que le parient reçoit.

Maintenir une relation donner recevoir dans la démarche scientifique et son enseignement

Lorsqu’on enseigne la science physique, il est important de faire partager à l’enseigné la relation nouvelle donner recevoir rendre avec la nature, relation qu’a supposé l’invention. Par exemple, l’un des paradigmes de la physique galiléenne est le fait de considérer le pendule comme le prototype du mouvement permanent. La physique chez les Grecs ne s’intéressait qu’à la position d’arrêt du pendule comme indication de la verticalité et de la hiérarchie naturelle et la vie (vers le haut) et la mort (vers la terre où périssent les corps). Galilée, au contraire, rompt avec l’image statique du monde grec au bénéfice d’une image dynamique. Et si le monde était mouvement, l’immobilité un accident ? Il y a un coût derrière cette démarche, renoncer au monde fixe pour accepter le mouvement, le cycle étant bouclé à travers la réponse de la nature sous la forme de la loi d’isochronisme des petites oscillations, à l’origine des horloges.

De même, le mouvement de la terre ne peut être enseigné, si l’on veut qu’il ne s’agisse pas d’un dogme, qu’après avoir fait comprendre la rupture qu’il a supposé avec la perception usuelle du monde depuis les origines de l’homme, à savoir la non perception dans notre corps des mouvements uniformes.

L’enseignant doit se focaliser sur les obstacles aux découvertes, les obstacles à la compréhension des découvertes. Enseigner gagne à s’inscrire dans un cycle : se déplacer pour être proche des élèves, recevoir leur gratitude. L’étudiant pourra enseigner à son tour, ce qui complétera le cycle à travers les générations.

Une nouvelle compréhension de l’autisme

L’autisme continue à représenter une énigme pour la science. On a mis en cause les neurones miroirs, clef de l’empathie, mais de façon non convaincante, certaines expériences en venant contredire d’autres. Les observations en imagerie cérébrale se multiplient (Ramachandran, 2011) mais ne permettent pas de dire si tel sous-développement ou, à l’inverse sur-développement d’un élément du cerveau est cause ou effet.

En fait on ne peut expliquer l’autisme en comparant le mode de fonctionnement autistique avec le fonctionnement des non autistes, encore appelés neurotypiques par les autistes dits de haut niveau ou Asperger. Ceux-ci forment des minorités actives qui nous aident à comprendre. La théorie de l’esprit, dont le déficit est couramment évoqué de nos jours (Courtial et Gourdon, 1997, 1999) peut alors apparaître comme une tautologie. Le fonctionnement autistique est comme une alternative à la relation neurotypique au monde, comme s’il relevait de la neurodiversité. La personne autiste pense en images (Grandin, 1997, Grandin et Panek, 2014), elle n’a pas accès à l’usage totalement flexible des mots que suppose la navigation au sein des réseaux associatifs en vue d’établir un lien [8]. Les métaphores leur sont inaccessibles. Elle échappe de ce fait à la relation donner recevoir rendre, donc à la pensée réflexive. La personne autiste peut ne pas supporter d’être touchée, le contact de certains vêtements, être difficilement propre etc. Seule une approche anthropologique peut apporter une clef à l’autisme.

Si l’on aborde donc la relation donner recevoir rendre comme construisant un cycle externalisé autour d’un centre pivot, l’enfant se construit une frontière à partir d’une fusion biologique commencée avec la vie foetale. Pour construire la frontière, il lui faut s’extraire de la fusion en ne la vivant qu’en conscience selon le modèle de la clôture opérationnelle mentionnée plus haut. La maitrise d’un tel mode de communication suppose, à la façon de l’inventeur, une fusion psychologique de l’enfant avec la mère qui peut s’avérer dangereuse. « Je suis prisonnier de mon corps et si je parle, je suis prisonnier de vous autres » écrit un enfant autiste (Horiot, 2013). Cette fusion n’est sans doute pas à la portée de tous les organismes, peut-être parfois pour des raisons immunitaires liées à la pollution. Si ce risque n’est pas pris [9], au-delà de la causalité simple recherchée, il s’amorce un cercle vicieux développemental difficile à détricoter. Pour reprendre les étapes de la psychanalyse, la frontièrisation du corps à la suite de l’allaitement [10], rend plus facile la frontièrisation liée à la propreté puis à la sexualité [11]. Sachant par ailleurs que les autistes peuvent être hypersensibles, perméables au monde à travers notamment des neurones miroirs [12] mais hors contrôle, le paradoxe est tel que l’énigme de l’autisme pourrait s’envisager à un niveau métaphysique en quelque sorte (Gepner, 2014), au niveau du lien entre esprit (mind) et cerveau (brain) [13].

Il se trouve que des équithérapeutes au sein de l’association nantaise EquiThé’A ont mis en évidence une circulation d’énergie, en dehors du langage usuel, à l’occasion de relations entre autistes, chevaux et accompagnants (Courtial, Garnier et Herbet, 2015). Tout se passe comme si chacun se déplaçait pour entrer en relation avec l’autre, recevoir de l’autre, le tout se bouclant dans un cycle relationnel sans cesse renouvelé. L’expression énergie relationnelle vient spontanément.

En résumé, la communication courante fait intervenir un jeu avec les mots auquel on ne pense pas la plupart du temps. Ce jeu suppose une capacité à se déplacer dans les réseaux sociocognitifs. Et si une solution pour l’énigme de l’autisme résidait dans la prise en compte de ce lien social constitué de réseaux centrifuges et centripètes dont les mots, dans une approche au-delà de la sémantique et de la linguistique, représentaient les noeuds ? L’énigme de l’autisme résiderait dans la question du donner recevoir rendre, l’inhibition partielle du système miroir devenue impossible. Et cela, à l’intérieur de cercles vicieux amplifiant le handicap de façon développementale. La relation au cheval serait un des moyens de sortir de l’impasse, pas seulement comme un temps de détente mais plutôt comme un temps vers un retour à la socialisation, comme le montre le fait que certains enfants autistes se mettent spontanément à parler au fil des séances.

Accomplissement de soi et relation unitaire avec le monde.

Le phénomène des neurones miroirs fait qu’il s’établit une contagion permanente entre êtres humains. Grandir, comme le montre la construction des connaissances scientifiques, c’est construire une manière d’être où l’on puisse être l’autre, l’univers tout entier, tout en restant soi-même.

Confirmer l’autre dans son identité tout en restant nous-même n’est possible qu’en faisant de la différence entre les personnes une complémentarité. C’est ce qu’a très bien compris le mode de pensée oriental. Il y a même une énergie autour de cette complémentarité.

Certaines expériences fournissent un modèle pour le couplage mère enfant par l’intermédiaire des champs morphiques qui, selon R. Sheldrake (2004), sous-tendraient le phénomène des neurones miroirs. La relation consisterait à créer des cycles de comportements externalisant le lien [14].

Réseaux sociocognitifs et culture religieuse

L’approche de la relation donner recevoir rendre en termes de réseaux sociocognitifs inscrits dans la culture apporte un nouvel éclairage sur le lien religieux, le libre arbitre, le pardon. Privilégier ce qui circule, les flux, donne un nouvel éclairage au fait religieux. La religion comme culture peut s’étudier à l’aide du modèle précédent et permettre à la culture scientifique de relayer dans une certaine mesure la culture religieuse.

Une théorie du religieux a été proposée par R. Girard avec la théorie du désir mimétique. Les rites liés à la dissolution de la violence mimétique mettent en jeu la circulation d’un cycle de régénération du lien social. Le Christianisme met en scène cette résolution du conflit mimétique avec cette particularité, selon R. Girard, qu’à la différence des religions qui l’ont précédé, il considère que la victime est innocente. La résolution du conflit mimétique et l’accomplissement de soi est dans ce cas subordonnée à l’entrée dans une culture. Cette culture est faite de cycles donner recevoir rendre où le bouclage du cycle est attribué à la transcendance divine. Par cette subordination à une culture, les religions véhiculent l’objectif de l’unité de l’homme avec le monde. Mais c’est une limite du religieux de ne pas reposer sur l’universalisme que suppose la science. Il introduit des acteurs humains qui personnalisent le rite avec les dangers d’appropriation du sacré.

La science vécue comme un prolongement universel du donner recevoir rendre nous montre comment rester libre tout en maintenant cet objectif d’unité de l’homme avec le monde. L’assujetissement à un rite social précis sous peine de déloyauté n’est plus nécessaire.

La science, contrairement au déterminisme dont on la crédite habituellement, maintient le libre arbitre, les choix entre les identifications possibles [15]. Au-delà du déterminisme scientifique, le pardon, notion culturelle introduite par le Judaïsme selon lequel l’homme n’est pas réductible, à ses actes est concevable même si la justice culturellement sous-tendue la psychologie scientifique déterministe ne la prend pas facilement – en tous cas directement - en compte [16].

En conclusion, le lien religieux peut être interprété en termes de structures auxquelles la pensée laïque peut conduire de façon universelle en dehors d’une soumission à une culture spécifique [17].

Une nouvelle science statistique

L’observation de la logique de construction des connaissances scientifiques conduit à des modèles mathématiques nouveaux. La science statistique considère en général que les phénomènes sont endogènes. Or la construction des connaissances scientifiques suggère qu’il existe des processus endogènes (dynamique fractale) mais aussi des processus exogènes, extrodéterminés où c’est le contexte qui les fait survenir (dynamique transfractale). En d’autres termes, en amont des processus physico-chimiques identifiés par la science, il pourrait exister des processus de propagation endogène de forme et d’émergence exogène de forme qui seraient comme des matrices pour les premiers [18]. Au niveau des lois de fréquence des mots clefs utilisés par les articles scientifiques, les processus endogènes conduisent à la loi de Zipf, les processus exogènes conduisent à la loi de Gauss. Dans ces conditions il faut substituer aux lois de Zipf ou de Gauss la loi dite de Zipf généralisée due à R. Bailon-Moreno [19]. Selon l‘indice dit de fractalité, celle-ci donne la loi de Zip ou de Gauss. On peut caractériser ainsi une population par un indice d’organisation issu de cette loi.

On peut ainsi caractériser statistiquement deux populations, une population cible et une population témoin présentant des différences non significatives du point de vue de la présence d’une pathologie, par néanmoins une différence du point de vue de la structure de ces populations en lien avec la pathologie. La population cible de personnes placées dans des situations équivalentes pourra alors suggérer une émergence importante à terme de la pathologie bien qu’actuellement guère plus présente.

Par exemple, dans le domaine complexe de l’écotoxicologie, on peut faire l’hypothèse qu’une pollution nucléaire n’aura des effets qu’à long terme mais néanmoins dès maintenant statistiquement envisageables auprès d’une population par le degré d’organisation de symptômes en rapport des effets négatifs du nucléaire. On peut faire également l’hypothèse que ces effets peuvent n’atteindre que certaines personnes prédisposées ou non protégées au niveau strictement individuel et non en tant qu’échantillon d’un organisme commun interchangeable [20].

Conclusion

La science perçue de façon anthropologique nous conduit à mettre au coeur du lien social une relation donner recevoir rendre de circulation d’une énergie relationnelle dont témoigne la philosophie orientale de la vie. Ce message, d’abord transmis en partie par les religions, est désormais inscriptible par la science dans une démarche universelle, au-delà de toute culture spécifique [21].

La science contemporaine rend bien compte des mécanismes propres à la matière inerte. Dans le domaine de la médecine et des sciences humaines, l’approche causale matérialiste rencontre des succès mais aussi des limites majeures. Les processus qui procèdent du primat d’une relation y sont sous-estimés. La science et la technologie sont intégrées dans la civilisation moderne sous la seule forme de leur instrumentalisation, au détriment du donner recevoir rendre. La science et la technologie, au lieu d’être une fin en soi, devraient être au service de la relation donner recevoir rendre, permettre de l’amplifier. Sinon, la civilisation est comme désénergétisée par la science et la technologie. La conséquence de cette désénergisation est une fuite en avant dans la consommation. Le pire c’est quand la technologie issue de la science est utilisée dans le seul but de démontrer une supériorité aux civilisations moins avancées sur ce point ou pour écraser les nations rivales.

Aujourd’hui, au plan de l’organisation sociale, la science a donné d’un côté le travail à la chaîne, la robotisation de l’homme, lieux où les mots sont asservis aux machines, de l’autre les réseaux dits sociaux, lieux où les mots déferlent de façon strictement associative, hors sol, en « post-vérité », en dehors de toute réalité partagée, sans débat possible. Les mots voyagent, créent des liens centrifuges volatils (Courtial, 1979). Le régime de présence du médecin au patient, de l’enseignant à l’enseigné disparaît au profit du diagnostic à distance et des MOOC [22]. L’informatique, qui d’abord externalisait des tâches humaines répétitives, s’est vu attribuer le pouvoir inverse de commander aux êtres humains, d’aligner leur fonctionnement sur le fonctionnement des robots. L’homme augmenté est fait d’une intelligence excluant le donner recevoir rendre. Le robot n’aura jamais accès à l’esprit (mind), à la transcendance, à cette unité de l’homme dans le monde.

La pratique de la science pourrait plutôt s’inscrire dans une relation donner recevoir rendre, hors de tout dogmatisme, de conflits entre les écoles de pensée si contraires à l’éthique scientifique. Elle y gagnerait en efficacité, tant au niveau de la recherche, de l’enseignement que de la pratique de soin. L’humanité, au-delà des droits de l’homme, irait peut-être vers un nouvel humanisme.

Bibliographie

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Bailón-Moreno, R., Jurado-Alameda, E., Ruiz-Baños, R., Courtial, J.P. (2007). Oscillating Structure of Science : The Ortega and Mathew Effect : Fractality and Transfactality, Scientometrics, 71 (1), p. 3-24. 

Bitbol, M. (2008). Is consciousness primary ? Neuroquantology, 6, 53-72.

Courtial, J.P. (1979). La communication piégée. Paris : Editions Robert Jauze

Courtial, J.P. (1986). Technical Issues and Developments in Methodology, in Callon, M, Law, J, Rip, A. Mapping the Dynamics of Science and Technology. Londres : Mac Millan

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// Article publié le 2 avril 2017 Pour citer cet article : Jean-Pierre Courtial , « Donner, recevoir et rendre dans la connaissance scientifique », Revue du MAUSS permanente, 2 avril 2017 [en ligne].
https://journaldumauss.net/./?Donner-recevoir-et-rendre-dans-la
Notes

[1Un peu comme la sémiotique des années 1970 l’évoquait (Greimas, 1976).

[2Einstein s’exprime ainsi : « Les mots ou le langage, sous la forme orale ou écrite [inscrits dans un récit], ne semblent jouer aucun rôle dans le mécanisme de mes pensées. Les entités psychologiques qui semblent servir d’éléments dans ce cadre, ont la forme de certains signes et d’images plus ou moins claires, qui peuvent être « volontairement » reproduits ou combinés. Il existe, bien sûr, un certain rapport entre ces éléments et les concepts logiques pertinents. Il est également certain que le désir d’arriver finalement à des concepts logiquement reliés constitue le ressort émotionnel poussant à jouer avec ces éléments (...). Les éléments mentionnés ci-dessus sont, en ce qui me concerne, de nature visuelle et musculaire. Ce n’est que dans un second temps, après que le jeu d’associations mentionné ci-dessus est suffisamment bien établi et peut être reproduit à volonté que prend place la recherche des mots [inscriptibles dans un récit] et autres signes conventionnels » (Damasio, 1995, p 145-146).

[3Voir notamment sur l’épistémologie des liens entre conscience et connaissance Bitbol (2008).

[4R. Sheldrake (2004) propose même de modéliser la perception, y compris la vision, comme un cycle.

[5Le régime de présence correspond encore à la notion de contemporanéité (Judaïsme, philosophie).

[6Rizzolatti et Sinigaglia (2007). Il est scientifiquement plus exact de parler de système miroir.

[7C’est toute la question de l’empathie. Pourquoi tel supporter d’une équipe de football se réjouit-il violemment de la défaite de l’équipe adverse plutôt que tranquillement du succès de la sienne ? Pourquoi un enfant soldat n’a pas d’empathie avec la victime mais a de l’empathie avec la jouissance de son camarade qui tue ce qu’il pense être ses ennemis ? Comment s’expliquer le syndrome de Stockholm par lequel une victime finit pas s’identifier à son agresseur ?

[8Un livre récent (Suskind, 2017) montre que certains autistes peuvent entrer en relation en se travestissant ponctuellement en personnages de dessins animés dont ils pu s’approprier peu à peu les modes de fonctionnement.

[9Mais aussi si la mère n’autorise pas l’enfant à sortir de la fusion, à dire non, cela pose problème (sans être pour autant à l’origine de l’autisme véritable).

[10F. Tustin (1982) suggère que le sevrage pour l’autiste est vécu comme un sein arraché, un morcellement du corps.

[11F. Dolto (1984) appelle castration ces étapes qui représentent en fait pour elle, en termes de réseaux, des bifurcations et qui sont liées à l’image inconsciente du corps.

[12Peut-être la résonance morphique si l’on en croit l’hypothèse de R. Sheldrake (2004).

[13Cette dualité est reprise dans le cadre de l’équithérapie par Ramaugé (2014).

[14Il s’agit des expériences du docteur R. Peoc’h (1986). Une relation d’empreinte, paradigme de la relation mère enfant entre oiseaux, est créée entre un poussin et un petit robot dont les déplacements sont gérés par un générateur de nombres aléatoires. Il s’élabore alors – au-delà d’un rapprochement statistiquement très significatif entre le poussin et le robot – une véritable structure relationnelle isomorphe au tracé des déplacements du robot pouvant faire l’objet d’une mise en équation (Courtial et Peoc’h, 2016).

[15Si l’on en croit Jung et, plus récemment, D. Dumas, loin des interdits religieux classiques souvent misogynes, elle confère à la sexualité la totalité de sa puissance relationnelle.

[16La commission « Vérité et réconciliation » mise en place en Afrique du Sud à la fin de l’apartheid par Mgr Tutu et N. Mandela est tout à fait concevable dans un cadre scientifique.

[17Il est de bon ton pour de nombreux scientifiques de le mépriser alors qu’il serait plus judicieux de lui substituer un nouvel humanisme auquel la science donne accès et de reconnaître en quoi cet humanisme a pu être véhiculé en partie par le lien religieux dans le passé.

[18Nous avons transposé le modèle fractal dans le cadre de la psychothérapie hypnotique (Garnier et Courtial, 2015).

[19Loi de fréquence F(x) d’une variable x, f étant le coefficient de fractalité, positif s’il s’agit d’une structure fractale, négatif s’il s’agit d’une structure transfractale : F (x) = a e – b X où X = (x+m) 1-f

[20Une théorie actuelle avancée à propos de l’homéopathie est que l’exposition d’un organisme à la forme d’une molécule (pas de molécule mais une forme liée à cette molécule enregistrée dans une molécule d’eau) peut permettre à l’organisme de s’approprier cette forme, peut-être, selon le modèle de la clôture opérationnelle, au terme de l’émergence d’un cycle centrifuge à partir d’une relation centripète. Tester les effets de médicaments homéopathiques pourrait relever de ce modèle.

[21C’est peut-être son ignorance confrontée à l’instrumentalisation pure de la science qui conduit ici et là à l’hyper-religiosité.

[22Massive Open Online Cours.

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